Intervention de Frédérique Vidal

Réunion du vendredi 14 septembre 2018 à 15h00
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi relatif à la croissance et la transformation des entreprises

Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation :

Avant toute chose, je tenais à vous remercier, Madame la présidente, ainsi que l'ensemble de la commission spéciale, d'avoir bien voulu réserver l'examen des dispositions de l'article 41, afin que je puisse venir soutenir cet article devant vous, cet après-midi.

Cet article est un élément fondamental de ce projet de loi. En effet, le lien entre la recherche l'innovation et la croissance n'est plus à démontrer. La qualité de notre recherche est une source de croissance encore souvent méconnue et trop peu exploitée par nos entreprises.

Le sens de mon engagement ministériel, c'est de donner à la recherche les moyens de jouer tout son rôle, lorsqu'elle doit alimenter les cycles d'enseignement supérieur et de formation, mais aussi la culture scientifique, technologique et industrielle, ou encore jouer tout son rôle économique et social au profit de la transformation de notre pays. Cet article a précisément pour objet le lien entre chercheurs et monde socio-économique.

S'agissant de l'entrée dans la carrière scientifique, nous avons déjà oeuvré en ce sens, en inscrivant le doctorat au répertoire national des certifications professionnelles, ou en renforçant le dispositif CIFRE (conventions industrielles de formation par la recherche). L'article 41 de la loi PACTE, en rénovant le statut du chercheur-entrepreneur, dans le prolongement des conclusions du rapport Beylat-Tambourin de 2017, va aussi nous permettre d'avancer dans cette direction.

De quoi parlons-nous exactement ? En 1999, la loi Allègre visait à faciliter la valorisation des résultats de la recherche publique par les chercheurs eux-mêmes dans la sphère privée, afin de soutenir l'activité économique et la croissance potentielle de notre pays. Ce dispositif, toujours en vigueur, prévoit trois modalités de valorisation dans un cadre juridique permettant de garantir la déontologie des chercheurs entrepreneurs : le concours scientifique, la création d'entreprise et la participation à la gouvernance d'une société anonyme.

Cette loi a constitué une première étape essentielle.

Néanmoins, un peu moins de vingt ans après son entrée en vigueur, force est de constater que l'utilisation des dispositifs reste très en deçà du potentiel de valorisation de la recherche publique et qu'elle reste limitée à quelques employeurs publics.

Depuis 2000, la commission de déontologie, instituée par cette même loi, a donné un avis favorable et sous réserve à 231 demandes de création d'entreprise, 51 demandes de participations à la gouvernance d'une société anonyme et environ 1 250 concours scientifiques. Or, le potentiel et la dynamique de création d'entreprise et de valorisation des résultats de la recherche publique sont très significativement supérieurs à ces chiffres. Il est temps de sortir du mythe d'une recherche détachée du monde des réalités économiques, pour remettre la science et la recherche au coeur du développement de notre société.

On le voit très concrètement : ce rôle est de plus en plus prégnant dans les laboratoires, dans certaines sociétés d'accélération du transfert de technologies (SATT) ou encore au travers du concours i-Lab, qui est le premier dispositif de soutien à l'innovation de rupture.

L'objectif de l'article 41, c'est donc d'adapter la loi Allègre à la réalité des contraintes aujourd'hui rencontrées par les chercheurs entrepreneurs – que nous avons longuement rencontrés et consultés – mais aussi à la réalité des aspirations qui sont aujourd'hui les leurs. De plus en plus de chercheurs souhaitent tenter une aventure entrepreneuriale, et c'est une dynamique que ce gouvernement souhaite appuyer. C'est garantir plus de souplesse et de fluidité dans le transfert de valeur, de la recherche publique à ses applications privées dans un cadre déontologique réaffirmé.

Cet article simplifie les trois procédures permettant aux chercheurs de s'engager dans une démarche entrepreneuriale. L'autorisation nécessaire de l'autorité hiérarchique des chercheurs ne sera plus soumise à l'avis de la commission de déontologie, conformément à la réalité de la pratique : la commission de déontologie elle-même nous indique qu'elle rend systématiquement des avis favorables. Elle restera néanmoins compétente pour traiter des cas les plus complexes, lorsque l'établissement d'origine estimera avoir encore besoin des compétences du chercheur. C'est donc l'établissement d'origine du chercheur entrepreneur qui sera chargé du suivi de l'autorisation. C'est un gage de plus grande responsabilité pour ces établissements.

L'article 41 ouvre également la possibilité de mettre à disposition à temps incomplet un chercheur au profit d'une entreprise pour valoriser les résultats de la recherche publique. Cette souplesse apportée au dispositif permettra, là encore, de concourir à l'objectif de simplification poursuivi par le Gouvernement, tout en renforçant le lien entre recherche et valorisation de la recherche.

Concernant plus spécifiquement le concours scientifique, nous proposons ainsi de permettre aux chercheurs de pouvoir y consacrer jusqu'à la moitié de leur temps, contre 20 % en l'état actuel du droit applicable. Là encore, c'est plus de souplesse et une incitation forte pour les chercheurs. Toujours dans le registre de l'incitation, cet article permettra aux enseignants chercheurs et chercheurs entrepreneurs de reprendre l'entreprise qui valorise leurs travaux, sous le contrôle de leur autorité administrative.

Parce que la mobilité des chercheurs ne doit pas être un frein à l'évolution de leur carrière, parce que la pluralité des parcours professionnels doit être encouragée, l'article 41 prévoit également d'ouvrir l'avancement du chercheur entrepreneur dans son administration d'origine.

Enfin, s'agissant de la détention de capital, nous sommes sensibles à la situation des entreprises nouvellement créées par des chercheurs. Le droit en vigueur a généré des situations parfois difficiles. Passé une année en dehors de l'entreprise, un chercheur entrepreneur se devait de céder la totalité de ses parts. Pour les sociétés dont les parts ne sont pas liquides, cette rétrocession revenait purement et simplement à spolier les chercheurs. Nous permettrons ainsi, grâce à ce dispositif, de conserver jusqu'à 49 % des parts, sous réserve, là encore, du contrôle exercé par l'établissement.

Je ne manquerai pas de revenir plus en détail sur ces dispositions en répondant à vos amendements.

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