Intervention de Bruno le Maire

Réunion du vendredi 14 septembre 2018 à 15h00
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi relatif à la croissance et la transformation des entreprises

Bruno le Maire, ministre de l'économie et des finances :

Je me félicite que nous ayons un débat de fond sur ce sujet, et je remercie les auteurs de toutes les interventions qui sont venues l'alimenter.

Je suis fermement convaincu du fait qu'il faut regarder devant soi et qu'il vous appartient, en votre qualité de législateur, de construire la société de demain, et non de la figer en son état actuel. Pour cela, il faut amener les entreprises à évoluer dans leur réflexion sur l'impact social et environnemental de leurs activités. De ce point de vue, je soutiens totalement la réforme des articles 1833 et 1835 du code civil, et la mise en place d'une raison d'être de la société sur une base volontaire.

Cela dit, je pense qu'il ne faut pas non plus exagérer les conséquences potentielles des modifications proposées. Il ne s'agit pas de modifier le droit de la responsabilité, mais simplement de donner la possibilité aux entreprises de prendre en compte les enjeux sociaux et environnementaux en les amenant à s'interroger sur les conséquences sociales et environnementales de leur activité.

Pour répondre à la question posée par Charles de Courson, les enjeux sociaux et environnementaux vont être définis dans une logique de subsidiarité par l'entreprise – c'est ce qui est prévu notamment pour les sociétés par actions simplifiées (SAS) –, et à défaut par la loi, étant précisé qu'il revient à l'entreprise elle-même de s'interroger sur ce que sont ses enjeux sociaux et environnementaux.

Ensuite, les entreprises ont une obligation de moyens, et non de résultat : il s'agit simplement que l'entreprise s'interroge sur les enjeux sociaux et environnementaux de son activité. Sur ce point, je précise que, si une PME effectue des rejets toxiques dans une rivière, elle sera évidemment déjà mise en cause au regard de la législation actuelle – les nouvelles dispositions n'y changeront rien. Il n'est donc pas à craindre que la vie des PME françaises se trouve bouleversée par l'évolution proposée. Vous connaissez aussi bien que moi la logique de droit commun du régime de responsabilité : il faut une faute, un préjudice, et un lien de causalité direct entre les deux – et rien de cela n'est modifié.

J'appelle l'attention de Daniel Fasquelle sur le fait que les enjeux sociaux et environnementaux sont déjà très présents en droit français, notamment dans l'obligation d'établir un rapport de responsabilité sociale d'entreprise (RSE) pour toutes les sociétés cotées, qui se trouve ici simplement élargie. Sont également applicables en matière de droit de l'environnement des dispositions très strictes, imposant des responsabilités à un nombre considérable d'entreprises. Enfin, le code du travail contient de nombreuses prescriptions contraignantes dans ce domaine.

Comme vous le voyez, les enjeux sociaux et environnementaux sont déjà extrêmement présents à toutes les strates de notre vie juridique ; leur inscription dans le code civil constitue aujourd'hui l'aboutissement de cette transformation continue du droit français depuis plusieurs années, tenant compte des réalités sociales et environnementales.

Au bout du compte, la seule question à se poser consiste à savoir quelle société nous voulons construire. Voulons-nous une société dans laquelle on ne juge les entreprises qu'à l'aune du profit qu'elles réalisent, ou une société dans laquelle on tient également compte des enjeux sociaux et environnementaux des entreprises ? Pour ma part, non seulement je suis convaincu que la société que nous voulons bâtir a intérêt à tenir compte des enjeux sociaux et environnementaux mais, pour rejoindre ce qui a été dit par M. Stanislas Guerini, je suis également convaincu qu'il est de l'intérêt des entreprises françaises d'être en pointe en Europe dans ce domaine.

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