Intervention de Coralie Dubost

Séance en hémicycle du mardi 25 septembre 2018 à 15h00
Croissance et transformation des entreprises — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCoralie Dubost, rapporteure de la commission spéciale :

Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d'État, madame la présidente de la commission spéciale, mesdames, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, le chapitre III promeut des entreprises plus justes. Il a l'ambition de restituer aux entreprises leur place dans notre société et de repenser le regard que celle-ci porte sur elles. En tant que législateur, nous pouvons permettre la reconnaissance et engager la consécration de bonnes pratiques déjà existantes, notamment en matière de responsabilité sociale des entreprises, de transparence et de philanthropie. Le législateur que nous sommes a aussi pour mission de promouvoir des cadres innovants de gouvernance responsable pour l'ensemble des sociétés.

En commission, nous avons ainsi créé le statut des sociétés à mission, celui des fonds de pérennité économique et assumé la modification du code civil pour redessiner le rôle de la société. L'intégration des enjeux sociaux et environnementaux au sein de l'article 1833 du code civil et la reconnaissance d'une raison d'être, inspirée des travaux de Nicole Notat et de Jean-Dominique Senard, sont ainsi des marqueurs forts de notre ambition.

Toutes ces avancées sont le résultat de décennies de réflexions juridiques, économiques et sociales, qui mettent en avant les risques d'une législation qui, en promouvant le seul intérêt commun des associés, masque l'intérêt de la société derrière celui des sociétaires. Dès 1951, l'éminent juriste Georges Ripert mettait en garde contre l'absence de reconnaissance, par le droit, du « bien commun des hommes qui coopèrent à l'entreprise », et plaidait pour « l'édification d'un nouveau standard judiciaire d'appréciation des décisions de gestion, l'intérêt de l'entreprise, censé transcender les intérêts particuliers de ses membres ». Le projet de loi PACTE répond ainsi – et enfin – à cette préoccupation majeure en consacrant la notion d'« intérêt social » dans le code civil. Toutes les sociétés s'enrichissent ainsi de finalités légales nouvelles, issues de bonnes pratiques dont peuvent s'enorgueillir les entreprises françaises, pionnières en matière de responsabilité sociale et sociétale.

Une part non négligeable du travail préparatoire sur ce chapitre a porté sur ce point. De nombreuses auditions ont été menées, réunissant des personnalités reconnues dans le monde du droit – universitaires, magistrats et représentants de la Chancellerie – ou encore experts du droit des sociétés et du droit des affaires. En effet, modifier le code civil n'est jamais anodin : plus que jamais, nous devons légiférer avec précision. Ce sera mon travail de rapporteure que d'y veiller.

En commission a ainsi été adopté un amendement de ponctuation signifiante, avec le remplacement de la conjonction « et » par une virgule. Les implications sur le droit des sociétés en sont significatives, puisqu'il s'agit de préciser que la prise en considération des enjeux sociaux et environnementaux s'inscrit pleinement dans le principe de gestion de la société, dans son intérêt social et non en dehors, de façon déconnectée. Une seule virgule emporte tant de conséquences ! Aussi, nous bousculons, voire dépoussiérons la loi, mais toujours avec modération et sans précipitation.

Un équilibre raisonnable a été trouvé en commission sur ce point, puisque nous préservons la performance essentielle à l'entreprise. La définition même du contrat de société n'est pas atteinte, et sa destination économique reste un point cardinal, inséré dans un paradigme global de performance qui répond aux enjeux sociaux et démocratiques de notre temps.

Dans son discours du 17 juillet 2018, le Président de la République rappelait le caractère délétère du clivage entre l'économique et le social : oui, nous entendons mettre un terme au clivage erroné selon lequel « quand on aime les salariés, il faut détester l'entreprise, quand on aime le social, il faudrait empêcher la réussite économique ». L'article 61 du projet de loi évacue ce manichéisme d'un autre temps. Il est l'expression de ces finalités convergentes qui rassemblent les intérêts des différentes parties prenantes.

Cette nécessité d'un statut juridique préservé mais modernisé de la société se traduit par de nouvelles responsabilités. Notre vision de l'entreprise s'inscrit en effet pleinement dans une tradition française de capitalisme responsable et maîtrisé, où les risques et les excès de la financiarisation ont pu être compensés par un cadre de gouvernance audacieux. La France a ainsi été l'un des premiers pays à reconnaître dans la loi la responsabilité sociale des entreprises ; elle a joué un rôle d'éclaireur sur les principes du reporting, lesquels sont devenus la norme à l'échelle européenne.

En commission, nous sommes allés plus loin que le texte initial. Les conditions de formation des administrateurs salariés ont été renforcées afin de favoriser une gouvernance d'entreprise plus diversifiée. Nous avons aussi ouvert le projet de loi à l'amélioration de la représentation des femmes dans les fonctions exécutives des sociétés, et adopté des dispositions visant à améliorer la transparence des écarts de rémunération dans les grandes entreprises et à renforcer le dialogue entre le conseil d'administration et le comité social et économique.

La société de demain se doit aussi d'être une société des communs. Le chapitre III du texte comporte ainsi des avancées vers une meilleure répartition de la valeur créée par les entreprises au bénéfice des salariés.

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