Intervention de Boris Vallaud

Séance en hémicycle du mardi 25 septembre 2018 à 15h00
Croissance et transformation des entreprises — Motion de renvoi en commission

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBoris Vallaud :

Son effort représente 80 % des ressources du Centre national pour le développement du sport ; cela provient des prélèvements sur ses jeux de loterie, de grattage et de paris sportifs. Il est vrai que le Gouvernement a ramené ces taxes affectées de 220 millions d'euros en 2017 à 93 millions d'euros en 2018, pour la seule Française des jeux. Ce coup de rabot inquiète le monde sportif et fait craindre un désengagement de la Française des jeux dans le financement du sport.

La privatisation d'Aéroports de Paris est, elle aussi, une erreur stratégique, et même doublement stratégique.

Tout d'abord, ADP est un service public national au sens du préambule de la Constitution de 1946. À ce titre, l'entreprise doit demeurer propriété de la collectivité.

De plus, ADP est un aménageur, au coeur du projet d'aménagement du Grand Paris et de la région francilienne. C'est aussi pour cette raison que l'entreprise doit rester la propriété d'une collectivité publique. Elle se situe à la jonction du CDG Express et de la ligne 17 du métro du Grand Paris. Elle est partie prenante du projet Coeur d'Orly, qui prévoit la construction d'un quartier d'affaires de 15 hectares et d'une plate-forme multimodale.

À l'exception de l'Australie, toutes les grandes nations ont laissé leurs aéroports sous pavillon public. D'ailleurs, dans la loi de 2005, le législateur avait souhaité que le capital d'ADP demeure majoritairement public.

Vous ne vous prémunissez pas, monsieur le ministre, contre une perte de contrôle de l'État sur la stratégie de l'entreprise. Il y a un risque avéré de réorientation vers des activités plus diverses et rémunératrices, dans le commerce ou l'immobilier, ou vers la recherche d'une croissance internationale là aussi plus rémunératrice que les tarifs réglementés. Le risque d'éviction pesant sur les investissements nécessaires au développement du transport aérien national dans le hub parisien est considérable.

La seconde erreur stratégique, c'est que vous risquez de porter gravement atteinte aux intérêts stratégiques d'une entreprise qui ne l'est pas moins : je veux parler d'Air France. Si les aéroports sont en concurrence les uns avec les autres, ils mettent aussi en concurrence les compagnies aériennes les unes avec les autres. Le système de double caisse que vous avez choisi de maintenir augmente ce risque. Tous les aéroports privés sont plus chers que les aéroports publics. Les taxes aéroportuaires risquent d'augmenter dans les années à venir.

En réalité, ces projets de privatisation révèlent que vous menez une politique à court terme, que vous n'avez pas véritablement de stratégie de l'État actionnaire et que votre stratégie industrielle est bien modeste. Au fond, pour vous, la juste place de l'État dans l'économie, c'est surtout en dehors des entreprises !

Nous aurions souhaité que le renvoi en commission soit l'occasion d'approfondir un certain nombre de sujets dont tous les effets n'ont pas été évalués. Je pense à l'équilibre du pacte salarial, qui constitue un enjeu majeur, mais également à l'impact du changement des seuils – a-t-il été véritablement mesuré ? Je pourrais aussi évoquer la question de la transparence des écarts salariaux. Monsieur le ministre, nous aurions aimé continuer à travailler pour démontrer que, derrière des mots qui nous sont parfois communs – la codétermination à la française, la fonction sociale de l'entreprise, la transparence des écarts de rémunération, la lutte contre les rémunérations excessives – , se cachent en réalité des projets différents, des intentions contradictoires, des ambitions qui ne nous sont pas communes. Nous aurions aimé disposer d'un peu plus de temps pour vous convaincre de faire preuve d'un peu plus d'audace. J'ai peur qu'il y ait, derrière vos propositions, sinon de mauvaises intentions, à tout le moins une forme de falsification.

Voilà pourquoi je vous invite, mes chers collègues, au nom du groupe Socialistes et apparentés, à voter cette motion de renvoi en commission.

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