Intervention de Alain David

Séance en hémicycle du mercredi 26 septembre 2018 à 15h00
Accord de dialogue politique et de coopération entre l'union européenne et cuba — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAlain David :

Madame la présidente, madame la ministre, madame la présidente de la commission des affaires étrangères, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous nous attardons aujourd'hui utilement sur la ratification de l'accord de dialogue politique et de coopération entre l'Union européenne et la République de Cuba. Ce projet de loi revêt un véritable contenu politique : il concerne un pays ami de la France, avec lequel nos relations sont anciennes, solides et prometteuses.

Nous pouvons ainsi nous féliciter que la France ait été à l'initiative de ce processus de dialogue renouvelé entre la République de Cuba et l'Union européenne lorsqu'elle assurait la présidence de l'Union en 2008. Nous pouvons également nous féliciter que les négociations aient été relativement rapides – à l'échelle diplomatique, s'entend. Nous pouvons enfin nous féliciter que, lors de la négociation de cet accord, le président François Hollande ait donné un signe fort de volontarisme en effectuant, en mai 2015, la première visite officielle d'un chef d'État français à La Havane depuis la révolution de 1959, et en accueillant quelques mois plus tard, en février 2016, le président Raúl Castro pour une visite d'État en France.

Puisse notre débat en séance donner un écho à cet accord au moment où, malheureusement, les relations entre Cuba et son puissant voisin américain se détériorent après l'embellie de la présidence Obama, et où le pays poursuit lentement mais positivement sa transition politique, économique et sociale. Comme l'a justement souligné notre rapporteur, Cuba est un pays dont le poids politique en Amérique latine et dans le monde est important. C'est un pays dont la voix compte. Nous l'avons d'ailleurs vu, avec grande satisfaction, en décembre 2015, lorsque Cuba a activement contribué à la conclusion de l'accord ambitieux du sommet de Paris à l'occasion de la COP21, en jouant un rôle de facilitateur avec certains pays initialement réticents.

Cet accord n'est pas une fin en soi : la France a la responsabilité d'aller au-delà, dans le cadre de relations bilatérales renforcées avec Cuba, comme cet accord l'y invite. Nous l'avons fait, par exemple, en 2016, en matière d'aide au développement, lorsque la dette cubaine vis-à-vis de la France a été restructurée, ou lorsqu'un mois de la culture française a été organisé à Cuba. Nous devons ainsi multiplier les initiatives pour un partenariat renforcé. Si la dimension commerciale n'est pas absente dans cet accord, nous pouvons nous satisfaire qu'elle n'en soit pas le principal, voire l'unique volet. Ainsi, le dialogue permanent entre les pays de l'Union et la République de Cuba doit permettre d'améliorer nos relations dans le cadre de l'ONU ainsi que le partenariat avec la Communauté d'États latino-américains et Caraïbes. J'espère que notre action ne se limitera pas à des déclarations d'intention ou à des discours qui ne seraient pas suivis d'actes.

Levons d'emblée tout suspense : le groupe Socialistes et apparentés votera avec satisfaction cet accord réaffirmant un attachement commun au multilatéralisme et au respect des droits de l'homme et engageant les parties sur la voie de la coopération, du dialogue et de la compréhension mutuelle. En promouvant la démocratie et la bonne gouvernance – on sait que des progrès restent à faire en la matière – , en engageant une collaboration en matière de justice et de sécurité, en s'attachant au développement et à la cohésion sociale, en insistant sur la nécessaire protection de l'environnement et sur la gestion des risques liés au changement climatique, en mettant en avant le développement économique dans de nombreux domaines – de l'agriculture au tourisme, en passant par l'énergie et les transports – , en ambitionnant de développer les échanges commerciaux entre Cuba et les pays de l'Union européenne, en faisant une large place à la coopération artistique et culturelle, cet accord va dans le sens d'une relation apaisée et fructueuse avec la République de Cuba.

La France est plutôt présente à Cuba, notamment depuis la signature, en 2016, d'une feuille de route bilatérale par le ministre cubain du commerce extérieur et son homologue français Matthias Fekl. Ainsi, selon notre rapporteur, l'entreprise Bouygues est implantée de longue date et peut être considérée comme le principal employeur étranger de l'île, avec près de 10 000 employés nationaux et quelque 300 collaborateurs français expatriés. De même, les entreprises françaises sont présentes dans les domaines du tourisme, de l'énergie, de la santé, de l'agroalimentaire et des transports.

D'ailleurs, au moment où le Gouvernement engage, dans le projet de loi relatif à la croissance et la transformation des entreprises, dit « PACTE », l'aberrante privatisation de fleurons comme la société Aéroports de Paris, il est bon de souligner que le statut public de cette dernière n'est sans doute pas étranger au fait qu'elle se soit vu confier, par les autorités cubaines, la concession de l'aéroport José-Martí de La Havane, en plein développement.

L'Union européenne est déjà le second partenaire de Cuba, après le Venezuela, et le plus gros investisseur étranger. Les Européens constituent déjà un tiers des touristes et visiteurs à Cuba. Il faut tenir compte du réexamen complet des politiques des États-Unis à l'égard de Cuba, dont a coupablement pris l'initiative l'administration Trump, et des effets des difficultés économiques du Venezuela pour que l'Europe, et en particulier la France, joue un rôle encore accru à Cuba. On ne peut pas se satisfaire de ce que, malgré un intérêt pour le marché cubain, le commerce bilatéral ne parvienne pas à croître davantage.

Formons le voeu que l'amitié solide et ancienne entre nos pays soit renforcée par la ratification de cet accord, déjà adopté par onze autres États de l'Union. Nous pouvons espérer la poursuite de l'ouverture et de la démocratisation du pays à la faveur du développement du tourisme, de la diffusion des idées par les échanges, de la coopération en matière d'éducation ou de recherche et de l'accès à internet ou aux réseaux sociaux. Soyons exigeants en matière de respect des droits de l'homme et bienveillants avec un pays frappé par un embargo persistant et pénalisant. Une nouvelle Constitution est en cours de rédaction et le président Miguel Díaz-Canel montre des signes d'ouverture qu'il convient d'encourager.

Ce débat parlementaire et, je l'espère, l'adoption de ce projet de loi sont une belle occasion d'inviter le président cubain à une visite en Europe et en France. Un pays possédant une telle histoire, une culture originale, un haut niveau d'éducation et de santé et un rayonnement politique en Amérique latine et dans de nombreux pays a tous les atouts pour devenir une véritable démocratie. La France doit jouer tout son rôle afin d'accompagner les progrès à Cuba. Nous serons vigilants.

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