Intervention de Nicolas Forissier

Séance en hémicycle du mercredi 26 septembre 2018 à 15h00
Croissance et transformation des entreprises — Article 3

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaNicolas Forissier :

L'article 3 est important car il concerne un peu plus de 300 titres de la presse papier, notamment de la presse hebdomadaire régionale et locale, soit 6 000 emplois. Nous l'avons examiné en commission spéciale, et il me paraît équilibré et sensé. Il tient compte de l'évolution des usages du numérique, qui avait d'ailleurs été anticipée par les professionnels eux-mêmes : dès 2013, je le rappelle, l'ensemble des syndicats regroupant les organes de presse habilités à publier les annonces judiciaires et légales avaient créé la plateforme numérique commune Actulégales, qui recense l'intégralité des annonces de cette nature paraissant dans la presse en version papier.

L'article 3 me paraît, je le répète, équilibré. Je le dis à l'attention de tous nos collègues, notamment ceux qui auraient des velléités de le supprimer ou d'en amoindrir la portée. Je pense que cela aurait des conséquences très lourdes pour de nombreuses entreprises et de nombreux territoires qui sont représentés dans notre assemblée. On peut certes en améliorer certains aspects, pourquoi pas, mais soyons prudents.

Néanmoins, monsieur le ministre, le vrai problème se pose à l'échelle européenne. J'espère que nous allons adopter la réforme que vous proposez, car elle va dans le bon sens, mais vous savez comme moi que la Commission européenne a publié, le 25 avril dernier, une proposition de directive et qu'elle entend travailler dans l'objectif qu'il n'y ait plus qu'un seul registre par État membre pour la publication des annonces judiciaires et légales. Il y a d'ailleurs un relatif amalgame entre la notion d'enregistrement et celle de publicité légale.

Si cette proposition de directive était adoptée en l'état, les annonces judiciaires et légales ne seraient plus publiées dans les 300 journaux que j'ai mentionnés précédemment : elles le seraient uniquement dans le BODACC, le Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales, qui relève d'un organisme public. Ce serait évidemment extrêmement grave pour les 300 entreprises et les 6 000 emplois concernés.

Il importe donc, monsieur le ministre, que vous nous répondiez sur ce point dans l'hémicycle. Nous allons, je l'espère, voter cet article, mais la vraie question va se poser à Bruxelles, dans la négociation qui sera conduite par le Gouvernement avec la Commission et nos partenaires européens.

Au-delà de la mise en danger des entreprises de presse habilitées, un problème juridique va se poser : si l'on se conforme à la version actuelle du texte de la Commission européenne, c'est l'ensemble du dispositif français qui sera bouleversé. Aujourd'hui, la publication intervient avant l'enregistrement. Cette transparence permet une forme de contrôle ; c'est une garantie inscrite dans notre droit positif. Or, si l'on doit procéder d'abord à l'enregistrement dans un registre unique, cette garantie juridique disparaîtra.

J'ajoute deux points précis. Premièrement, la France pourrait proposer que la plateforme Actulégales, qui est le résultat du travail des professionnels en concertation avec l'administration française, constitue ce registre unique, l'ensemble des informations étant ensuite transmises à la base d'enregistrement de l'État, le BODACC. Ce serait une solution franco-française qui permettrait de répondre à la demande de Bruxelles.

Deuxièmement, on peut aller plus loin encore et se demander si le BODACC est vraiment nécessaire – plusieurs de mes collègues ont déposé des amendements à ce sujet. La plateforme Actulégales ne suffirait-elle pas ? Elle résulte, encore une fois, d'une initiative des entreprises, qu'il pourrait être bon de reconnaître dans le cadre du projet de loi PACTE.

J'aimerais donc que le rapporteur et vous-même nous donniez votre avis sur ces différents points, notamment sur la dimension européenne de la question.

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