Intervention de Éric Coquerel

Séance en hémicycle du mercredi 3 octobre 2018 à 15h00
Croissance et transformation des entreprises — Article 44

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉric Coquerel :

Ceux qui s'apprêtent à privatiser entièrement ADP seront à peu près aussi fiers de cette privatisation que ceux ayant privatisé les autoroutes il y a quelques années, et qui rasent les murs aujourd'hui, tellement cette décision n'est plus revendiquée par personne – mauvaise affaire pour les usagers, mauvaise affaire pour l'État, mauvaise affaire pour les autoroutes elles-mêmes !

Le cas est similaire. Je suis très étonné d'entendre certains de nos collègues dire que les aéroports ne présentent pas d'intérêt stratégique : il s'agit d'une frontière que l'on privatise, l'une des frontières les plus importantes de ce pays ! La comparaison avec des États pourtant libéraux, tels que les États-Unis, a même été évoquée.

De plus, lorsque l'on privatise, le court-termisme l'emporte inévitablement : or celui-ci est contraire à l'intérêt général que représentent les aéroports. Cela vaut dans le domaine écologique mais aussi pour le personnel qui gère ces aéroports – je rappelle que depuis la privatisation partielle, en 2005, ce personnel a diminué d'un cinquième. Je sais que beaucoup d'entre vous, sur les travées de la majorité, pensez qu'avec moins, on peut toujours faire plus, mais moi je ne le crois pas, notamment en matière de sécurité.

Par ailleurs, je n'arrive pas à comprendre comment l'État peut faire une aussi mauvaise affaire. Cela dépasse l'entendement ! Mettons de côté la question fondamentale de la stratégie, qui nous oppose : si j'ai bien compris, vous placerez l'argent de toutes les privatisations dans un fonds d'innovation. En 2017, les entreprises que vous voulez privatiser – Engie, FDJ, ADP – ont rapporté 820 millions d'euros, correspondant aux actions actuelles de l'État, soit bien plus que les 250 millions d'euros que vous attendez chaque année en intérêts. Pour ADP, cela représente 173 millions d'euros. Je n'arrive donc pas à comprendre cet aveuglement consistant à faire, en plus d'un mauvais choix stratégique, un mauvais choix économique.

Enfin, monsieur le ministre, vous nous répondez souvent, comme vous l'avez fait tout à l'heure pour General Electric, que vous comptez sur le bon sens des actionnaires – eh bien non ! Le bon sens des actionnaires n'existe pas ! Si vous privatisez, j'aimerais bien savoir à qui. Ainsi, à qui ont été vendus les aéroports de Nice, Lyon et Toulouse, dont le ministre qui les vendait à l'époque s'appelait déjà Emmanuel Macron – au moins, il y a une continuité ! – ? La réponse est bien évidemment : aux Chinois ! J'aimerais donc savoir à qui vous accorderez cette vente.

Dans tous les cas, vous ne pourrez pas ensuite demander aux actionnaires de respecter le bon sens ni l'intérêt général, tout simplement parce que ce n'est pas leur objectif. C'est normal : leur objectif est de nourrir la rente ! Pour toutes ces raisons, j'espère, chers collègues, que vous reviendrez sur ce choix à la fois stupide et constituant un non-sens stratégique pour le pays.

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