Intervention de Daniel Fasquelle

Séance en hémicycle du mercredi 3 octobre 2018 à 15h00
Croissance et transformation des entreprises — Article 44

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDaniel Fasquelle :

Mon collègue Éric Woerth complétera mon propos. Avouez, monsieur Lescure, que vous usez d'un drôle d'argument. Selon vous, mais le ministre vous a soutenu, il faudrait vendre maintenant, alors que les cours sont élevés, car ils pourraient dégringoler ! Ce raisonnement, dans la bouche d'un libéral, est étonnant. Surtout, l'inverse est tout aussi vrai. Le cours de l'action pourrait encore monter car on sait que le nombre de voyageurs dans le monde ne va pas cesser d'augmenter. Je ne vous comprends pas. Vous qui avez tant voyagé, qui vous déplacez souvent aux États-Unis, vous savez très bien ce qu'il en est.

De toute manière, la situation est paradoxale. Le Gouvernement ne cesse de nous appeler à nous mobiliser, dans le cadre d'une politique touristique dynamique, pour passer de 80 à 100 millions de visiteurs. Cet après-midi encore, Jean-Baptiste Lemoyne, en réponse à une question au Gouvernement, rappelait que les résultats étaient formidables, le nombre de visiteurs en hausse et que nous avions battu des records en 2017 et en 2018. Je suis convaincu qu'il dit vrai.

Élu d'un territoire touristique, je crois que l'activité touristique est l'avenir du pays et que nous sommes loin d'être allés au bout de nos possibilités. Pourquoi, dès lors, faire preuve d'une telle timidité lorsqu'il est question des aéroports ?

D'un côté, lors des questions au Gouvernement, on nous expose avec enthousiasme l'avenir touristique du pays pour expliquer comment l'on compte augmenter le nombre de visiteurs – discours qui me convainc, du reste, car je suis certain que le nombre de visiteurs croîtra dans les prochaines années. Mais de l'autre, lorsqu'il s'agit d'Aéroports de Paris, on met en avant les risques potentiels pour expliquer qu'il faille s'en débarrasser au plus vite car, sait-on jamais, la situation pourrait mal tourner demain. Ce n'est pas sérieux !

On sait parfaitement que le trafic aérien augmentera demain dans le monde, que l'activité d'ADP ne cessera de se développer mais on préfère se priver de cette progression. Quel mauvais calcul !

Vous essayez d'emporter notre adhésion en nous expliquant que serait choisi un investisseur privé qui, lui au moins, investira. Tout d'abord, la puissance publique est capable d'investir, elle l'a déjà prouvé. N'oubliez pas, par ailleurs, que vous avez limité la durée de l'exploitation à soixante-dix ans – nous proposerons même un amendement pour réduire cette durée à trente-cinq ans car comment pouvez-vous garantir sur soixante-dix ans que l'investisseur poursuivra ses investissements au-delà de cinq ou dix ans ? De quels moyens de pression disposera-t-on s'il n'investit pas ?

Une autre question, qui n'a pas été abordée, est celle du rachat de l'équipement, au bout de soixante-dix ans, par l'État. Sur ce sujet, nous avons connu des allers- retours qui nous ont coûté très cher ! Prenez l'Imprimerie nationale : nous l'avons vendue pour racheter ensuite trois fois plus cher le même bâtiment. L'État, dans ce genre d'affaire, a parfois fait de très mauvaises opérations. Soyons extrêmement prudents.

Vous parlez de préparer l'avenir de nos enfants : soyons sérieux ! Lorsque Nicolas Sarkozy décida de lancer le programme d'investissements d'avenir, pas moins de 50 milliards furent mobilisés au total. Ici, vous ne mobilisez que 200 ou 250 millions d'euros par an. Ces sommes ne sont pas à la hauteur de l'enjeu. Oui, nous devons investir dans l'innovation mais pas avec si peu ! Vous n'êtes pas sérieux quand vous expliquez que vous comptez créer une rupture et projeter ainsi l'économie française dans le nouveau siècle avec des sommes aussi faibles. C'est ridicule.

Pour notre groupe, les choses sont claires. Y a-t-il des raisons stratégiques de conserver ADP ? Oui. Y a-t-il des raisons financières de se débarrasser de cet actif ? Non. Y a-t-il des raisons économiques de se débarrasser de cet actif ? Non.

Finalement, la seule vraie raison, que vous avez avouée, monsieur le ministre, car vous êtes honnête, est ailleurs. La dette publique flirte avec la barre des 100 % du PIB. Il faut donc, à tout prix, faire rentrer 10 milliards d'euros pour ne pas prendre le risque de dépasser cette limite ! Ce n'est pas très glorieux et nous en revenons toujours au même point : vous n'êtes pas capables de faire de vraies économies dans le budget de l'État. Dès lors, vous trouvez des solutions de bout de ficelle, qui nous mettent en danger et pénalisent l'État. Vous avez l'obsession de contrôler la dépense publique tout en étant incapables de la réduire.

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