Intervention de Bertrand Pancher

Séance en hémicycle du mercredi 3 octobre 2018 à 21h30
Croissance et transformation des entreprises — Article 47

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBertrand Pancher :

Je ne suis toujours pas convaincu de l'intérêt de privatiser Aéroports de Paris. J'ai bien entendu vos arguments, je suis conscient de la très forte rentabilité d'Aéroports de Paris, mais je ne comprends toujours pas en quoi il serait plus intéressant de placer une partie de ces moyens dans le fonds d'innovation de rupture et en quoi cela rapporterait davantage. Bref, je ne comprends toujours pas. Néanmoins, je peux tout de même admettre l'intérêt qu'il y a à confier la gestion des aéroports parisiens au secteur privé, en espérant que cela renforcera leur position dans la compétition internationale, donc leur efficacité.

Cet article est l'occasion de soulever vraiment la question du montant des redevances versées. Les compagnies d'aviation, Air France-KLM en particulier, ont très peur des conséquences de cette privatisation. Les représentants d'Air France nous l'ont dit et sans doute vous l'ont-ils dit directement, monsieur le ministre : ils sont assez tétanisés par le montant si important des redevances, lequel qui sera pérennisé.

Nous connaissons les difficultés rencontrées par Air France : certaines sont liées au contexte international, comme la concurrence inéquitable avec les compagnies du Golfe, des gains de productivité sont nécessaires, et puis il existe des raisons franco-françaises, essentiellement dues aux décisions des pouvoirs publics. Le niveau des taxes et cotisations françaises, ainsi, compte parmi les plus élevés d'Europe. Le plafonnement des cotisations sociales est appliqué dans l'ensemble des grands pays européens à l'exception de l'Irlande et de la France – mais ce n'est pas le sujet de notre discussion. Il faut également tenir compte du mode de financement de la sécurité et de la sûreté aériennes, à la charge exclusive des compagnies aériennes, puisque nous sommes le seul pays de l'OCDE – l'Organisation de coopération et de développement économiques – où les investissements en la matière sont intégralement pris en charge par le secteur aérien. Enfin, le coût d'utilisation des infrastructures est à la hausse : depuis 2005, les redevances des aéroports parisiens ont augmenté de 39 %, et, pour Air France-KLM, cela représente 900 millions de redevances, dont 600 millions pour Air France, pour un chiffre d'affaires que vous connaissez. Ce sont donc des sommes particulièrement importantes. De nombreux pays, notamment anglo-saxons – je pense aux États-Unis – ont fait en sorte que les aéroports restent publics, précisément afin de diminuer le coût d'utilisation des infrastructures pour les compagnies aériennes, afin qu'elles puissent jouer le jeu de la concurrence avec un minimum d'atouts. En l'occurrence, ce n'est pas le cas.

Le problème, c'est que la privatisation figera tout. C'est pourquoi les compagnies d'aviation et les organisations syndicales insistent beaucoup pour que l'on réussisse à modifier ce projet de loi, avec notamment à un partage de charges beaucoup plus équilibré, sur le modèle des gares et connexions. Il n'y a pas de raison que les charges soient uniquement payées par les compagnies d'aviation – essentiellement sur Air France-KLM, qui en supporte 55 ou 60 % – , alors que nombre de commerces et d'utilisateurs utilisent les plateformes ; il convient qu'elles soient partagées.

Nous évoquerons la question du blocage des redevances au moyen de la défense d'amendements. Nombre de pays ont profité d'une privatisation pour aller en ce sens – je pense à l'Espagne – de manière à ce que les compagnies aériennes ne soient pas pénalisées.

Enfin, une autre question est tout aussi importante : comment renforcer le rôle de l'Autorité de supervision indépendante sur le modèle de l'ARAFER, l'Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières ?

Il y a donc encore loin de la coupe aux lèvres dans le domaine aéroportuaire.

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