Intervention de Pierre Dharréville

Séance en hémicycle du jeudi 4 octobre 2018 à 15h00
Croissance et transformation des entreprises — Article 54

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPierre Dharréville :

Nous avons déjà, à plusieurs reprises, fait part de nos craintes quant à cette sorte de jeu de Tetris auquel vous vous adonnez avec La Poste, la CNP et la Caisse des dépôts et consignations – CDC. Ces modifications, en effet, risquent de faire entrer la CDC – et le groupe ainsi constitué – dans les critères des banques commerciales classiques, entraînant l'application d'un certain nombre de réglementations européennes. La Poste sortirait ainsi de son rôle actuel, et ne pourrait plus accomplir un certain nombre des tâches publiques dont elle s'acquitte aujourd'hui.

Deuxièmement, concernant la transformation de La Poste elle-même, je tiens à rappeler qu'elle joue un rôle essentiel dans nos territoires. Elle est implantée partout et distribue le courrier partout, à égalité, à toutes les citoyennes et à tous les citoyens, y compris dans les territoires les plus enclavés : cette mission reste importante. Elle a la charge des bureaux de poste : beaucoup ont fermé, d'autres sont menacés de fermeture, d'autres encore fonctionnent avec des horaires réduits. Dans nombre de localités, la population se mobilise pour conserver son bureau de poste, que ce soit dans des quartiers populaires ou dans des villages ruraux.

Aujourd'hui, La Poste a certaines obligations de service public en ce qui concerne la distribution du courrier, mais ce n'est pas la responsabilité de la Caisse des dépôts d'assurer ce service public. De même que pour les activités postales à proprement parler, nous considérons que certaines obligations de service public incombent à La Banque Postale – et donc au groupe La Poste. Or, en adossant La Poste à la CNP, vous l'alignerez sur le modèle des banques commerciales traditionnelles. Cette démarche ne nous paraît pas suffisamment ambitieuse pour ce qui est du service public. Nous avons déjà formulé nos objections, nos craintes, nos critiques à cet égard. On peut aussi s'inquiéter du coût que représenteront les opérations de rachat en cascade que vous envisagez.

Je rappelle par ailleurs que le statut de La Poste a subi de multiples transformations ces dernières années. À l'occasion du changement de statut en 2010, nombre de citoyens et de citoyennes se sont mobilisés et ont manifesté, à l'occasion d'une votation citoyenne, leur attachement au service public de La Poste. Souvent, les promesses qui sont faites en la matière ne sont pas tenues – on l'a vu encore tout à l'heure pour Engie. Nous devons au contraire prendre garde à conserver un service public capable de remplir pleinement les missions de distribution du courrier.

Je voudrais, d'un dernier mot, évoquer une question qui nous semble importante : celle du pôle public bancaire. C'est une idée que nous appelons de nos voeux depuis longtemps et qui a eu du mal à se faire entendre. Vous nous dites : eh bien, aujourd'hui, nous le faisons et vous n'êtes pas contents ! Si nous ne sommes pas opposés aux transformations allant en ce sens, nous pensons qu'un pôle public financier doit faire l'objet d'une véritable ambition. Là, c'est un rafistolage que vous nous proposez, et non un pôle qui se proposerait de peser réellement sur le marché et les pratiques bancaires pour empêcher les dérives qui ont conduit au krach de 2008 et aux problèmes que nous continuons de connaître. Il faut fixer une véritable ambition – qui fait défaut dans votre projet – et aller chercher plus loin que La Poste et la CNP pour construire ce pôle public bancaire dont nous avons besoin afin de consolider les investissements utiles et sains qui répondent aux enjeux d'intérêt général. Nous sommes donc extrêmement réservés, pour ne pas dire plus, et nous nous opposerons à cette proposition en l'état.

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