Intervention de Coralie Dubost

Séance en hémicycle du vendredi 5 octobre 2018 à 15h00
Croissance et transformation des entreprises — Article 62 ter

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCoralie Dubost, rapporteure de la commission spéciale :

Je vais faire une présentation générale qui devrait répondre en grande partie aux questions soulevées par les auteurs des amendements portant sur ce sujet important. Les juristes Édith Blary-Clément et Jean-Christophe Duhamel estiment que « si le concept de transparence a émergé en droit des sociétés de manière décisive depuis la fin des années 1980, c'est peut-être parce que le capitalisme en mutation a lui-même généré des maux que l'information d'hier n'est plus en mesure de traiter aujourd'hui. La transparence est dépositaire d'une charge éthique qu'il faut insuffler dans le capitalisme contemporain. » Nous partageons ce point de vue. Savoir permet d'agir à bon escient. Selon une étude récente de Glassdoor – un grand nombre de travaux ont été menés sur ce sujet – , 77 % des salariés interrogés estiment que les employeurs pourraient communiquer davantage sur l'ensemble des rémunérations au sein de l'entreprise.

Toutefois, il faut prendre conscience que cet article n'est pas un instrument idéologique visant à opposer les salariés entre eux. C'est un outil managérial au service de politiques de rémunérations plus équitables, qui ne doit pas porter atteinte à la liberté d'entreprendre ni limiter la capacité des sociétés françaises à affronter la compétition liée à l'environnement mondialisé.

L'amendement que vous proposez est très invasif, puisqu'il impose de dévoiler les différents quartiles de rémunérations, les rémunérations médiane et moyenne, le ratio de la rémunération la plus haute rapportée à la rémunération médiane, ainsi que la rémunération la plus haute rapportée à la rémunération la plus basse, et ce, dans chaque filiale, quel que soit le pays où le groupe est implanté. Sur un plan politique, d'abord, les entreprises qui emploient, structurellement, un nombre important de salariés peu qualifiés ou qui disposent de nombreuses filiales dans des pays en développement seront mécaniquement plus exposées à la critique, et il leur faudra déployer beaucoup d'énergie et de ressources pour justifier leur modèle économique, alors qu'elles évoluent la plupart du temps dans un contexte concurrentiel très poussé.

Sur le plan social, ensuite, c'est exposer les salariés à des tensions et à des incompréhensions sur les chiffres disponibles au sein de leur entreprise ou de ses filiales. Les chiffres que vous souhaitez communiquer sont assez facilement manipulables et pourraient être exploités de manière fort peu rigoureuse, éventuellement pour instruire un procès à charge, notamment dans les médias, ce qui aurait une incidence délétère sur la cohésion de l'entreprise ; personne, ici, ne souhaite cela.

Enfin, sur le plan économique, cela révélerait des informations essentielles sur les structures de rémunérations des entreprises, qui soit relèvent du secret des affaires, soit pourraient être utilisées à mauvais escient par des concurrents. Cela conduirait donc à une perte d'attractivité importante du territoire français vis-à-vis des entreprises qui sont susceptibles d'y installer leur siège social. L'avis est donc défavorable.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.