Intervention de Raphaël Schellenberger

Réunion du mardi 2 octobre 2018 à 16h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaRaphaël Schellenberger :

Ce débat est important. L'objectif d'être les premiers, en France, à légiférer sur ce sujet est complètement stupide. Nous partageons l'idée que cette question doit nous préoccuper, comme dans beaucoup d'autres pays, et que nous devons y réfléchir. Mais c'est un sujet beaucoup trop important pour que nous agissions dans la précipitation. Or c'est le sentiment que vous donnez : on veut être les premiers à dégainer, en France, afin d'être exemplaires sur la scène internationale dans la lutte contre la fausse information. Votre posture est quand même assez surprenante... Nous sommes tous d'accord, globalement, pour dire qu'il faut réfléchir et travailler sur ce sujet, et nous sommes prêts à faire preuve de bonne volonté, mais vous nous opposez la nécessité d'aller vite, sans vraiment le justifier. C'est d'autant plus incompréhensible que vous citez en exemple la diffamation en disant qu'elle a certes fait l'objet d'un débat difficile, mais qu'il a fini par aboutir : on ne s'est pas précipité en l'occurrence.

Par ailleurs, la diffamation n'est pas seulement scandaleuse à un moment dans le temps. Elle l'est tout le temps, aussi bien pendant les périodes électorales qu'en dehors d'elles. Votre approche est très autocentrée : vous considérez les fake news comme un problème visant à altérer la sincérité d'un scrutin électoral ; c'est vrai, mais il peut aussi y avoir des entreprises victimes de fake news tendant à altérer leur développement économique ou la mise en commercialisation d'un bien. Il y a beaucoup d'autres fake news qui pourraient porter préjudice à nos concitoyens et à la liberté d'entreprendre dans notre pays. Cela montre bien la nécessité de prendre du temps.

Il faut aussi regarder d'un peu plus près les plaintes en diffamation : en période électorale, elles deviennent un outil électoral, et il en sera de même pour les fake news. Imaginez, par exemple, un candidat qui déclare que le député sortant, membre de la majorité, est un godillot. Si celui-ci dit qu'il s'agit d'une fausse information, que fera le juge des référés ? Il ira voir les statistiques et constatera que l'intéressé a systématiquement voté avec la majorité. Objectivement, les propos incriminés ne relèveront pas forcément des fake news, et il faudra du temps pour se prononcer. Le juge des référés décidera alors de ne pas statuer, car on ne sera pas dans l'urgence. Que se passera-t-il donc ? On va considérer que le député de la majorité sortante est effectivement un godillot.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.