Intervention de Ugo Bernalicis

Réunion du mardi 2 octobre 2018 à 16h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaUgo Bernalicis :

Cet amendement vise à supprimer les alinéas 14 à 16 pour garantir les droits et libertés fondamentales, notamment la liberté d'expression, et le bon fonctionnement de l'autorité judiciaire. Pour ce faire, nous proposons de supprimer cette nouvelle procédure de référé.

En effet, par cet alinéa, le Gouvernement souhaite tout simplement créer une procédure de saisine d'un juge en quarante-huit heures pour que celui-ci statue sur une « fausse information de nature à fausser la sincérité du scrutin ». Au-delà du fait qu'une procédure proche est d'ores et déjà prévue dans notre droit, l'article 6 de la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique, l'option choisie par le Gouvernement a des conséquences dirimantes.

En effet, comment un juge seul, puisque la procédure est à juge unique, qui n'est pas nécessairement spécialisé dans le domaine en cause, qui peut être technique, peut en un temps aussi court, de seulement quarante-huit heures, prendre connaissance du dossier, organiser un échange contradictoire entre les parties, demander des pièces complémentaires, pour statuer dans de bonnes conditions ? Cela semble tout bonnement impossible. Cela n'aurait à la limite de portée que pour les fausses informations les plus évidentes, qui paraissent telles à beaucoup de gens, tandis que les fausses informations plus sophistiquées passeraient entre les mailles du filet.

Plus encore, aucune procédure d'appel n'étant prévue, cette atteinte à la liberté d'expression pourra se faire sans aucun recours possible. Prenons l'exemple qui, semble-t-il, a motivé l'existence même de ce projet de loi. Marine Le Pen avait sous-entendu qu'Emmanuel Macron pouvait avoir un compte offshore aux Bahamas, en mai 2017. Ceci faisait suite à la publication sur un forum internet de documents bancaires qui apparaissaient être manifestement faux.

Mais imaginons que ce ne soient pas quelques documents épars qui aient été publiés pour un cas similaire, mais des milliers de pages. Que celles-ci soient des documents authentiques et probants ou des faux, il est impossible pour une personne seule en quarante-huit heures, sans expertise extérieure avec garanties d'indépendance, de démêler sereinement le vrai du faux. Ainsi, et uniquement parce que le temps entre la saisine et le jugement serait particulièrement limité, il est impossible d'avoir une garantie que l'information soit entièrement et totalement fausse.

L'effet pervers de tout cela, c'est que, si le juge n'est pas en mesure de dire que l'information est fausse alors qu'elle l'est, cela reviendra à la rendre véridique aux yeux du grand public.

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