Intervention de Jean-Carles Grelier

Réunion du mercredi 3 octobre 2018 à 9h30
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Carles Grelier, rapporteur :

Le 18 septembre dernier, j'étais, comme un certain nombre d'entre vous sans doute, présent dans la salle des fêtes de l'Élysée pour écouter le Président de la République nous parler de santé. Et, comme vous, j'imagine, je me suis réjoui que le chef de l'État se saisisse en personne de cette importante question. C'est une question transversale qui intéresse chacune et chacun de nos concitoyens, de la néo-natalité jusqu'à la fin de vie. Je me suis réjoui également que le chef de l'État évoque la santé dans son acception la plus large, c'est-à-dire à la fois le volet curatif et le volet préventif. Je me suis réjoui enfin que le Président de la République place le patient au coeur de notre dispositif et de notre organisation.

Visiblement, les orientations étaient les bonnes. Elles rejoignent les constatations que, depuis quelques mois, j'ai pu faire et qui m'ont conduit à déposer devant vous avec mes collègues du groupe Les Républicains, la proposition de loi qui vous est soumise ce matin. Celle-ci a fait l'objet d'un travail approfondi durant plusieurs mois, de plus d'une centaine d'heures d'auditions, et j'ai consacré une partie de mon été à la visite d'établissements. Le constat que j'ai pu faire, sans doute assez partagé sur ces bancs, est celui d'une grande difficulté dans l'organisation de notre système de santé et d'une véritable inquiétude de nos concitoyens au regard de la prise en charge par des professionnels de santé sur l'ensemble des territoires. Mais c'est aussi un cri d'alarme et d'inquiétude de la part des professionnels de santé dans les établissements de santé, au regard de la pression à laquelle ils sont aujourd'hui soumis, pression extrêmement difficile à contenir.

Notre première préoccupation – elle a été énoncée dans la stratégie nationale de santé – doit être la prévention. Elle a fait l'objet d'un rapport récent de deux de nos collègues, Mme Bareigts et M. Isaac-Sibille, et c'est le thème du titre Ier de cette proposition de loi. La prévention ne peut pas se réduire simplement à des moyens budgétaires supplémentaires accordés sur un plan tabac ou toxicologie… Si on veut qu'elle soit efficace et qu'elle produise à terme les effets qu'on est en droit d'attendre, elle doit être organisée. Or le principal défaut de notre système de santé est que la prévention n'est pas gouvernée : sept départements ministériels et douze organismes infra-ministériels se partagent les activités de prévention. Il n'y aucune coordination entre ces différents organismes et surtout, ce qui est peut-être plus grave, aucune évaluation n'est faite des politiques de prévention conduites. Les moyens consacrés à la médecine préventive, qu'il s'agisse de la médecine scolaire ou de la médecine du travail, sont notoirement insuffisants. L'ensemble de notre système ne produit pas les effets que nous serions en droit d'attendre.

C'est pourquoi l'une des propositions que nous avons fait le choix de vous soumettre ce matin vise à organiser notre système de prévention, sans créer de nouveaux comités parce que c'est toujours un exercice à la fois compliqué et coûteux, et que nous ne sommes pas dans ce type de logique. Il existe d'ores et déjà un organisme, Santé publique France, qui remplit, au nom et pour le compte de l'État, une partie de ses activités de prévention. Même si ses moyens sont notoirement insuffisants – son directeur général ne me disait-il pas, dans une de nos dernières auditions, qu'il ne comptait que six experts en prévention au sein des 600 salariés de son organisme ? –, il y a lieu de confier à cette agence une mission interministérielle en la plaçant sous l'autorité du Premier ministre. Cela permettra d'offrir une lecture parfaitement horizontale des différents départements ministériels et de l'action conduite par cet organisme, en un mot de disposer d'une vraie gouvernance de nos activités de prévention.

Pourtant, les choses ne peuvent pas s'arrêter là. Santé publique France ne pourra pas fonctionner efficacement si on ne le dote pas non plus des moyens budgétaires adéquats et correspondants à sa fonction et à sa mission. C'est pourquoi l'une de nos propositions vise à confier à cet organisme, outre la gouvernance, la gestion budgétaire des activités de prévention, en lui attribuant à la fois les crédits inscrits au budget de l'État au titre de la prévention, qui sont de l'ordre de 5 à 6 milliards d'euros par an, et les crédits inscrits dans le budget de l'assurance-maladie – de manière que la prévention soit axée sur une seule et même organisation. Santé publique France présenterait ainsi annuellement à la représentation nationale, et notamment à notre commission, à la fois sa stratégie en matière de prévention et, à la fin de chaque exercice, une évaluation des actions de prévention conduites et de leurs résultats, mesurés par des indicateurs qui seront créés à cette fin.

Il n'y aura pas non plus de prévention efficace sans une sensibilisation, dès le plus jeune âge, aux activités de prévention. C'est pourquoi nous proposons que l'éducation à la santé, qui est sans doute la base de toute politique de prévention, soit enseignée dans les écoles maternelles et primaires, ainsi que dans les collèges et les lycées. Nous voulons que les enseignants soient formés à ce type d'intervention.

Toutes les activités périscolaires qui peuvent être proposées, tel le chant choral, ont évidemment un intérêt pédagogique. Mais l'éducation à la santé présente en plus un intérêt majeur, qui est un intérêt sociétal : c'est au travers des actions d'éducation à la santé que nous parviendrons à conduire une véritable politique de prévention et à corriger, tant que c'est encore possible, tous les comportements qui pourraient porter atteinte à la santé de nos concitoyens. J'imagine, mes chers collègues, que, comme moi, vous avez à de nombreuses reprises ressenti que le meilleur message de prévention routière, c'est encore d'avoir ses propres enfants assis sur la banquette arrière de sa voiture : c'est souvent par le canal des enfants et de l'éducation des enfants que les meilleurs messages – et notamment ceux de santé publique – peuvent être diffusés.

Les intervenants auxquels nous faisons appel dans le cadre du temps périscolaire ou extra-scolaire, tels les éducateurs sportifs, qu'ils soient municipaux ou associatifs, pourraient bénéficier d'une formation en matière de prévention. Nous proposons ainsi que, dans le cadre de la formation pour la licence STAPS, un enseignement de la prévention et d'éducation à la santé soit dispensé. En effet, si l'on veut que les politiques éducatives, notamment en matière de santé publique, soient efficaces, il faut que les enfants entendent partout où ils passent le même discours éducatif, du moins si l'on veut que ce message marque et qu'il produise des effets durables sur la santé de la jeune génération et des futurs adultes qu'ils sont en puissance.

Enfin, et ce point a été soulevé également par nos deux collègues, lorsqu'ils ont présenté leur rapport sur cette importante question de la prévention et de l'éducation à la santé, il ne faut pas négliger la formation des professionnels de santé. Aujourd'hui, dans le cadre des études médicales, la prévention est enseignée, mais n'est pas sanctionnée par un examen. Or chacun s'accorde à reconnaître qu'une discipline universitaire qui n'est pas sanctionnée n'est pas forcément celle qui attire le plus l'attention des étudiants. Il y a là sans doute une correction à apporter.

Le deuxième titre de la proposition de loi est consacré à la formation des professionnels de santé. D'abord à celle de la profession médicale, bien évidemment : la ministre de la santé a déjà évoqué la suppression de la première année commune des études de santé (PACES), qui est effectivement un drame et un massacre, vers lequel on conduit des milliers d'étudiants tous les ans. Certains d'entre eux ont pourtant une vraie vocation à exercer dans le monde de la santé. Mais ils se voient sélectionnés, assez durement, par des QCM à caractère exclusivement scientifique et technique. Il faut sans doute faire évoluer les choses. Je partage, de ce point de vue, la préoccupation de la ministre de la santé.

Il faut vraisemblablement faire évoluer aussi les épreuves classantes nationales (ECN). L'idée de sélectionner des étudiants est assez classique : il n'y a pas aujourd'hui de filière de formation universitaire dans laquelle on ne sélectionne pas les étudiants. En revanche, sélectionner des étudiants et induire ultérieurement, sur cette base, une hiérarchie des spécialités médicales est aujourd'hui préjudiciable. Alors qu'il faut répondre à l'attente des élus des territoires, comme à celles des populations des territoires, la médecine générale est en effet rarement choisie en priorité parmi les spécialités. Les ECN sont sans doute très préjudiciables à ce très beau métier de médecin généraliste, ou de médecin de famille, comment on le disait autrefois.

Dans cette réforme en profondeur, l'un des points marquants de la présente proposition de loi consiste à introduire, comme cela a déjà été expérimenté par Mme la doyenne Richard à la faculté de médecine d'Angers, un examen oral, à la fin de la première année d'études médicales, de manière à apprécier la motivation d'un étudiant à devenir médecin – je dirais ses capacités empathiques, compassionnelles et tout simplement humaines. Celles-ci, en effet, ne sont pas aujourd'hui prises en compte dans la sélection des futurs médecins. Peut-être gagnerait-on à cette inclusion le fait d'avoir des médecins qui répondent exactement à ce qu'attendent les populations, c'est-à-dire des médecins dont c'est la vocation première et le premier projet professionnel.

Permettez-moi un point particulier sur la formation des autres professionnels de santé que les médecins. Nous proposons d'inclure la formation des paramédicaux dans le dispositif licence, master, doctorat – le dispositif LMD. Car il faut qu'on puisse offrir à un certain nombre de professionnels de santé des perspectives de carrière. Ainsi, une infirmière, après avoir obtenu son diplôme d'État, est cantonnée à demeurer infirmière une bonne partie de sa carrière et, si elle est à l'hôpital, à n'avoir, comme seule perspective de développement de sa carrière professionnelle, que la possibilité de passer, à un moment donné, le concours de cadre de santé, lequel la fait sortir du domaine du soin pour que lui soient confiées des tâches un peu plus administratives… Voilà qui n'est pas satisfaisant.

Une infirmière doit avoir la possibilité de reprendre, dans le cours de sa vie professionnelle, un cycle de formation. Elle doit pouvoir acquérir des mentions de spécialité, en fonction de ce qu'ont été ses expériences professionnelles. Car une infirmière qui a passé dix ans dans un service de chirurgie, que ce soit à l'hôpital ou dans un établissement privé, doit pouvoir faire reconnaître, dans le déroulé de sa carrière, y compris dans le montant de sa rémunération, l'acquis de son expérience. Je milite, pour ma part, pour un véritable statut des infirmiers en pratique avancée (IPA) et pour une reconnaissance d'une mention de spécialisation à un niveau bac plus 5, soit un niveau master 2. Nous voulons, avec mes collègues, que cette formation puisse faire l'objet d'une reconnaissance statutaire et salariale pour les futures infirmières.

Nous avons aussi l'idée de développer un cursus LMD dans les soins infirmiers et de faire accéder des infirmiers à un niveau doctoral. Cela favorisera la recherche française et les publications internationales en soins infirmiers, domaine dans lequel la France est aujourd'hui un peu le parent pauvre de l'Europe.

Nous voulons également réfléchir à une conférence pédagogique qui, placée auprès de chaque faculté de médecine, pourrait faire se rapprocher, faire dialoguer et mettre en cohérence les programmes pédagogiques de l'ensemble des formations aux métiers de la santé d'un même territoire. Je sais que les préoccupations de la ministre rejoignent les nôtres à cet égard. Nous pouvons ainsi envisager que puissent dialoguer, dès leurs études, l'ensemble des futurs professionnels de santé. Le Président de la République a parlé, à juste raison, de la mise en place de coopérations de professionnels de santé sur les territoires. Eh bien, cette coopération ne sera efficace et ne produira les effets escomptés que si les professionnels de santé se connaissent et savent ce à quoi ils ont été formés, quel est le niveau et le degré de compétence de tous… Il faut qu'ils apprennent, dès leurs études, à travailler ensemble. Il y a là, me semble-t-il, une piste intéressante.

Mon dernier point porte sur une expérimentation conduite dans un certain nombre d'universités et de facultés de médecine et qui mériterait qu'on la dote d'un véritable statut. Il s'agit de l'expérimentation du patient formateur. Cette expérimentation pourrait intervenir de manière plus régulière et bénéficier d'une vraie reconnaissance statutaire au sein de l'université. Ce n'est pas une révolution en soi, mais simplement l'officialisation de pratiques déjà avérées. Cette reconnaissance permettrait à ceux qui en profitent de jouir d'un statut proche de celui de « collaborateur occasionnel du service public », lequel, défini depuis de longues années par le Conseil d'État, parlera aux juristes présents dans la salle. Il me semble que cela consacrerait la place des patients à l'intérieur du dispositif de formation.

Le troisième titre de cette proposition de loi est consacré à l'accès aux soins. Le constat auquel nous sommes parvenus est un peu identique à celui qui a été fait par le Président de la République, sans doute parce qu'il s'agit de mesures de bon sens : le numerus clausus et l'organisation actuelle des formations dans les facultés de médecine ne permettront pas d'alimenter les territoires en professionnels de santé, et notamment en médecins, à la hauteur des attentes de nos concitoyens.

Nous n'aurons donc vraisemblablement pas d'autre choix que de faire travailler les professionnels de santé ensemble. Il convient de leur proposer de travailler dans des coopérations territoriales et de s'organiser, de sorte que nous soyons en mesure d'offrir à nos concitoyens un accès le plus rapide et le plus proche possible à des professionnels de santé, quelle que soit l'heure du jour ou de la nuit.

Certes, des communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) ont été créées par la loi de 2016. Mais, si 200 projets sont aujourd'hui dans les tuyaux, assez peu ont été concrétisés : de l'ordre d'une vingtaine de ces CPTS sont pour l'heure opérationnelles, ce qui est notoirement insuffisant. L'inspection générale des affaires sociales a eu l'occasion de rendre un rapport sur le sujet, il y a peu de temps. Elle y notait notamment que, vraisemblablement, le mode incitatif à créer des CPTS, par le canal des agences régionales de santé (ARS), n'était pas suffisamment efficace.

C'est la raison pour laquelle nous avons fait, pour notre part, le choix d'un concept un peu différent. Nous avons donné à ces structures un nom qui rappelle cette dimension de proximité avec la santé à laquelle nos compatriotes sont particulièrement attachés, puisque nous les avons baptisés « villages de la santé ». Les villages de la santé sont des CPTS dans lesquelles pourront se retrouver tous les professionnels de santé et tous les acteurs de santé d'un même territoire.

Nos villages de la santé sont des CPTS qui naissent de l'initiative non pas des agences régionales de santé, mais des professionnels de santé eux-mêmes. Car il me semble que proposer clé en main, rédigées et préparées par les ARS, des coopérations territoriales, sans que les professionnels libéraux ne puissent exprimer leur choix et leur volonté, est une erreur. En effet, cela ne permet pas de se donner les moyens de faire adhérer massivement les professionnels libéraux au dispositif. Laissons plutôt à ces derniers l'initiative tant de leur organisation que de la rédaction des chartes constitutive de ces villages de la santé. Soyons, là encore, extrêmement souples et légers en matière normative. Nous ne leur imposons ainsi que le strict minimum, à savoir assurer la permanence des soins, organiser les soins non programmés et veiller, une fois encore, à ce que chaque patient du territoire puisse avoir un accès, le plus rapide et le plus proche possible de chez lui, à un professionnel de santé.

Apprenons aussi à regarder la santé et les professionnels de santé avec un regard nouveau. Le Président de la République a parlé d'un changement de paradigme. C'est peut-être de cela qu'il s'agit effectivement. Porter un regard nouveau sur la santé, c'est regarder la compétence des professionnels de santé de manière différente : le pharmacien d'officine n'est pas qu'un marchand de pilules, c'est un professionnel de santé formé à un niveau doctoral et vraisemblablement armé pour rendre sur les territoires des services en santé supérieurs à ceux pour lesquels on le sollicite ; les infirmières comptent, dans les décrets qui répertorient leurs actes de compétences, des actes qu'on ne leur confie pas aujourd'hui sur les territoires. Peut-être pouvons-nous, là aussi, regarder les choses de manière différente.

J'aurai même l'occasion de vous proposer, par voie d'amendement, que les décrets de compétences de chacune des professions de santé puissent faire l'objet de révisions beaucoup plus régulières pour s'adapter à l'air du temps et à l'évolution, notamment celle des techniques et des moyens numériques qui sont à leur disposition. Regardons donc les professionnels de santé avec un regard différent.

Pourquoi les villages de la santé ? Parce que nous proposons d'impliquer les élus des territoires. Certes non pour diriger les villages de la santé, qui doivent rester sous la maîtrise des professionnels de santé, mais pour participer à l'initiative, en l'accompagnant, le cas échéant, de moyens de fonctionnement et d'investissement. Car, comme nous le savons tous, un réseau de professionnels de santé ne peut fonctionner que s'il est coordonné. Or ce n'est pas le médecin généraliste du secteur qui a le temps de la coordination, non plus que l'infirmière libérale, le kinésithérapeute, la sage-femme ou le chirurgien-dentiste… Peut-être que les collectivités locales, aux côtés de l'État, via les ARS, et aux côtés des caisses primaires d'assurance maladie, auront aussi la possibilité de participer au financement de ces villages de la santé. Elles pourront ainsi favoriser cette coordination entre les professionnels de santé, peut-être grâce à la présence d'un agent ou en permettant tout simplement le changement des systèmes informatiques des différents professionnels de santé, pour qu'ils soient cohérents et dialoguent.

Voilà donc quelques mesures relativement simples, mais qui sont de nature à apporter une solution rapide, dans des délais assez brefs. Car les projets en santé que nous pouvons faire pour nos compatriotes ne peuvent pas être à dix ans, à quinze ans ou à vingt ans. C'est aujourd'hui que les besoins sont exprimés sur les territoires ! J'imagine que les élus, que nous sommes tous dans cette salle, l'entendent régulièrement dans leur permanence ou dans leur circonscription.

Les villages de la santé replacent également le patient au coeur du dispositif, grâce à la présence en leur sein d'associations représentant des patients. Ce nouveau système ne sera pas élaboré soit en opposition soit sans concertation avec les patients. Il se fera au contraire avec eux, parce qu'ils sont in fine les destinataires de tout ce que nous pouvons imaginer, organiser et mettre en oeuvre en matière de santé.

Le titre suivant est relatif à l'innovation en santé. Il s'agit de faciliter l'accès à des données de santé. Ce sont des sujets un peu plus techniques. Avec votre permission, je vais donc les passer rapidement.

Un titre est aussi prévu sur la modernisation de l'exercice libéral. À vrai dire, il vise plutôt les médecins que les autres professionnels de santé. L'idée est de remettre en place ce que certains ont appelé, à juste raison et avec un terme plutôt sympathique, le compagnonnage. Il faudrait qu'un médecin qui s'apprête à prendre sa retraite puisse bénéficier d'un statut, y compris fiscal et en termes de cotisations sociales, qui lui permette d'accompagner pendant quelque temps un confrère qui prend sa suite sur un territoire. Cela suppose un cumul emploi-retraite défini par des plafonds et des taux un peu plus intéressants que ceux qui existent aujourd'hui.

Cela passe aussi par la reconnaissance de la place et du rôle des professionnels de santé, en leur conférant une protection juridique dans le cadre du code pénal, notamment, et en assimilant tous les professionnels de santé, tels qu'ils sont définis par le code de la santé et de la famille, à des personnes dépositaires d'une autorité publique. Cela vise à renforcer le niveau des sanctions pénales pouvant être imposées à une personne qui outragerait, invectiverait ou violenterait un professionnel de santé dans l'exercice de ses fonctions.

Le dernier titre de cette proposition de loi est relatif au financement. Je m'arrêterai sur deux mesures plus éclairantes de notre volonté en matière de santé.

La première vise à prévoir une loi de programmation en santé. Les professionnels de santé et les établissements de santé, qu'ils soient publics ou privés, à but lucratif ou non lucratif, ont besoin en effet, dans leurs investissements et leur programmation budgétaire et financière, d'aller au-delà de la règle de l'annualité budgétaire, qui nous impose de concevoir tous les ans un nouveau budget pour la santé. Il faut qu'un gouvernement s'engage sur deux, trois, quatre ou cinq ans, éventuellement la durée d'un mandat, sur ses objectifs et sa politique budgétaire. Car il convient que, par-delà les effets d'annonce, tout soit inscrit et gravé dans le marbre de la loi. Cela me paraît de nature à rassurer les professionnels de santé et à leur permettre d'envisager l'avenir avec un peu de sérénité sans attendre, tous les ans, que le couperet du PLFSS tombe.

La seconde mesure porte sur le financement « au parcours ». Le Président de la République l'a évoqué pour deux types de pathologies. Vous savez comme moi, parce que notre rapporteur général a produit en la matière un rapport, que le financement au parcours de soins est vraisemblablement ce vers quoi il faudra que nous tendions. Il permettra en effet de sortir du tout T2A et d'éviter tous les actes redondants et inutiles, qui encombrent et pèsent très lourdement sur le budget de l'assurance-maladie.

Nous avons donc réfléchi à une formule un peu originale : comme le dossier médical partagé (DMP) devrait se mettre en place très prochainement et que chacun et chacune d'entre nous a dans sa poche sa carte Vitale, on peut parfaitement imaginer que, demain, le financement et le suivi du parcours de soins, dans le cadre des protocoles arrêtés sur le diabète, la néphrologie ou d'autres maladies chroniques, puissent s'effectuer depuis la carte Vitale. L'assurance maladie, comme les professionnels de santé, pourraient savoir, au travers de parcours de soins accompli par le patient, mentionné dans le DMP et rendu lisible par la carte Vitale, où en est le patient et comment s'effectue sa prise en charge.

Il ne s'agit pas de « fliquer » les professionnels de santé dans leur pratique et dans leur droit à prescrire, ou dans la façon dont ils envisagent le suivi de leurs patients. Il ne s'agit pas non plus de pénaliser le patient, à qui on dirait : « ça y est, vous avez terminé votre parcours et on ne vous rembourse plus les soins ». Il s'agit simplement de pouvoir rendre lisible le suivi du parcours.

La crainte qui s'exprime aujourd'hui dans les hôpitaux, notamment par rapport au parcours de soins, porte sur la modification en profondeur des règles de fonctionnement qui leur sont imposées. Les hôpitaux ont en effet mis dix ans à s'adapter à la T2A et à modifier leurs procédures internes pour pouvoir produire de la tarification à l'activité. Aussi, l'idée qu'on puisse, demain, leur demander, de modifier grandement leur champ d'organisation pour que le parcours de soins puisse être pris en compte n'est pas audible. Les professionnels de santé ou administratifs du monde de l'hospitalisation publique ne peuvent l'entendre.

C'est la raison pour laquelle l'idée de rebasculer sur le patient, au travers de sa carte Vitale, le suivi du parcours nous a semblé pertinente. Il se trouve que j'ai, dans ma circonscription, un organisme national ayant en charge la programmation des données qui figurent sur nos cartes Vitale. Je m'y suis fait confirmer que, techniquement, tout cela était parfaitement viable et réalisable. C'est une proposition un peu originale et un peu innovante qui vous est faite. Elle devrait nous permettre d'arriver au résultat attendu, c'est-à-dire d'offrir, à coup mesuré et à coût maîtrisé, le meilleur système de santé pour chacune et chacun de nos compatriotes.

Mes chers collègues, la santé mérite d'être traitée au plus haut niveau politique – c'est d'ailleurs pourquoi je me suis réjoui que le Président de la République se saisisse de la question. C'est un sujet qui, sans être politicien, dans sa transversalité et par son côté oecuménique, intéresse tous nos concitoyens. Il doit être, à mes yeux, fédérateur. Certes, on peut évidemment débattre de la pertinence de telle ou telle disposition, mais le sujet doit nous rassembler et non pas nous diviser. En la matière, il n'y a pas, à mes yeux, de place pour la posture.

Le groupe Les Républicains a pris en tout cas la mesure de l'importance de l'enjeu. Telle est la raison d'être de cette proposition de loi qui vous est aujourd'hui soumise dans un esprit extrêmement constructif et ouvert.

Pour finir, je voudrais remercier celles et ceux qui m'ont accompagné dans cette démarche, tels mes collègues du groupe Les Républicains, qui ont cosigné cette proposition de loi à mes côtés. Je voudrais saluer le travail de mes collaborateurs, saluer le travail du groupe d'experts dont je me suis entouré depuis plusieurs mois et qui m'accompagne dans chacune de mes réflexions et de mes propositions en matière de santé. Voilà, mes chers collègues, en quelques mots, ce que je souhaitais vous dire ce matin pour vous parler de la santé.

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