Intervention de Olivier Dussopt

Séance en hémicycle du mercredi 10 octobre 2018 à 15h00
Lutte contre la fraude — Commission mixte paritaire

Olivier Dussopt, secrétaire d'état auprès du ministre de l'action et des comptes publics :

Madame la présidente, monsieur le président de la commission des finances, madame la rapporteure, mesdames, messieurs les députés, j'ai plaisir à vous retrouver après l'adoption, par la commission mixte paritaire, d'un texte de compromis, quelque quinze jours après que votre assemblée a adopté le projet de loi relatif à la lutte contre la fraude, par une ample majorité de 497 voix contre 36. Je salue les travaux menés par tous les groupes de cette assemblée, ainsi que la très grande qualité de la réflexion et de l'engagement dont vous avez fait preuve, madame la rapporteure, depuis le début de l'examen du texte.

La réussite de la commission mixte paritaire, inédite sur ce type de texte – il convient de le rappeler – , démontre que les dispositions du projet de loi, présenté par le Gouvernement et amélioré par vos soins, s'inscrivent en rupture avec les précédents plans de lutte contre la fraude fiscale et apportent de véritables novations en la matière.

Le texte issu de la CMP est le reflet du travail que vous avez mené collectivement tout au long de l'examen du projet de loi. En premier lieu, vous avez réussi à surmonter les doutes de la Chambre haute, en conservant les dispositions portant création d'un nouveau service de police fiscale. Cette mesure nous semble essentielle, car elle permettra d'affecter des officiers fiscaux judiciaires au ministère chargé du budget et de constituer auprès du pôle judiciaire formé par le service national de la douane judiciaire un département fiscal complémentaire de la brigade nationale de répression de la délinquance fiscale. Ce nouvel équilibre offrira au parquet la possibilité de saisir le service instructeur le plus pertinent en fonction du dossier concerné et du risque de fraude qu'il présente.

Au demeurant, votre assemblée a renforcé la portée de l'article 1er en alignant les prérogatives des officiers fiscaux judiciaires sur celles des officiers de la douane judiciaire, ce dont nous devons nous réjouir. Je réitère devant vous, mesdames, messieurs les députés, les engagements pris par Gérald Darmanin : nous assurerons la bonne coordination des services de Bercy afin d'améliorer le traitement des dossiers de fraude fiscale, conformément aux attentes que vous avez exprimées.

Le même esprit transpartisan a permis l'adoption des dispositions de l'article 11, lesquelles mettent un terme au principe de l'exclusion des États membres de l'Union européenne de la liste française des États et territoires non-coopératifs, grâce à l'adoption d'amendements issus des groupes communiste, socialiste, MODEM et de La France insoumise. Cette modification importante résulte de notre volonté conjointe de mettre un terme aux pratiques fiscales dommageables, en accompagnant les pays concernés vers des modèles économiques plus vertueux.

Votre implication a été également décisive pour parvenir à un consensus à propos de l'article 13 relatif au mécanisme appelé « verrou de Bercy ». La commission mixte paritaire n'a pas supprimé les importantes améliorations du texte apportées par l'Assemblée nationale. Adopté à l'unanimité en séance, l'article assure la transparence de la procédure pénale applicable à la fraude fiscale, en fixant dans la loi des critères objectifs visant à amener l'administration fiscale à transmettre des informations au parquet en la matière. Permettez-moi à cet égard de saluer à nouveau l'engagement de la mission d'information commune sur les procédures de poursuite des infractions fiscales, notamment celui de Mme la rapporteure, qui a mené un travail déterminant afin de faire adopter ces dispositions.

Au sujet de dispositions moins polémiques, il faut saluer le consensus auquel est parvenue la commission mixte paritaire afin d'en améliorer substantiellement plusieurs. Citons notamment la création des articles relatifs à la lutte contre les trafics de tabac, introduits dans le projet de loi au Sénat et complétés par votre assemblée, notamment par l'ajout d'un article relatif à la traçabilité des produits du tabac.

De même, conformément à l'objectif de détection de la fraude fiscale, l'article 4 du projet de loi a répondu pour l'essentiel à des préoccupations exprimées à de nombreuses reprises par votre assemblée, en précisant les obligations fiscales et sociales imposées aux plateformes d'économies collaboratives. Je salue également le travail du Sénat, qui a complété ce dispositif par l'article 4 ter, lequel prévoit, à compter du 1er janvier 2020, un régime transitoire de responsabilité solidaire des plateformes en ligne en matière de TVA due par les vendeurs et les prestataires.

Cette avancée majeure – dans l'attente de la transposition d'une directive européenne adoptée l'an dernier – permettra de sanctionner les fraudeurs mais également les plateformes, dont la responsabilité est de veiller à ce que leurs utilisateurs ne se soustraient pas à leurs obligations. Enfin, j'évoquerai les dispositions du texte de loi d'ordre transactionnel, relatives à la possibilité de recourir à une convention judiciaire d'intérêt public en matière de fraude fiscale, ainsi que le rétablissement de la possibilité, pour l'administration fiscale, de mener des transactions s'agissant du volet administratif des sanctions prononcées. Chacun de ces dispositifs résulte du consensus avec les sénateurs que vous avez rendu possible, mesdames, messieurs les députés.

Hormis la qualité de votre travail tout au long de l'examen du texte, je dois saluer la qualité et la justesse de l'équilibre auquel la CMP est parvenue entre deux objectifs : la lutte contre la fraude et le pragmatisme économique. La commission mixte paritaire a parfaitement su conjuguer la volonté du Gouvernement d'améliorer la lutte contre la fraude et la compétitivité de notre économie, afin que ce combat ne soit pas mené au détriment de celle-ci.

Vous avez su faire preuve de pragmatisme, notamment en maintenant en l'état les dispositions de l'article 7 relatives aux sanctions des tiers complices de fraude fiscale. Permettez-moi de vous assurer une nouvelle fois que cet article n'a pas pour objet de sanctionner abusivement certaines professions – par exemple les experts-comptables ou les avocats – ou de les malmener. Il n'a pas non plus pour objectif de se substituer aux règles déontologiques déjà en vigueur au sein des ordres professionnels considérés. Enfin, il ne vise pas à remettre en cause le secret professionnel auquel ces professions sont soumises. Il ne vise que les officines proposant des montages financiers dont l'unique objectif est de permettre aux contribuables d'échapper à leurs obligations fiscales en toute impunité.

Pragmatisme également s'agissant de l'article 6, dans lequel la CMP a réintroduit des dispositions garantissant le respect de la vie privée, en restreignant le dispositif prévu aux seules personnes morales et en ajoutant une nouvelle disposition précisant que l'administration est tenue de rendre publique toute décision erronée. Tout comme M. le ministre de l'action et des comptes publics, je reste convaincu de la puissance des enjeux de réputation pour une entreprise, donc de la force de cet article qui, en vue de mieux combattre la fraude, s'adapte aux enjeux du monde actuel.

Pragmatisme, enfin, s'agissant des articles 7 bis et 7 ter : la commission mixte paritaire a conservé l'obligation, pour les entreprises cotées, de rendre compte de leurs actions en matière de lutte contre l'évasion fiscale, tout en supprimant une disposition introduite à l'initiative du groupe GDR prévoyant une information et une consultation des représentants des personnels à propos de la politique de prix de transfert retenue par l'entreprise. Je précise toutefois que ces informations demeurent bien entendu à la disposition de l'administration fiscale si nécessaire.

Le texte fera date – je le crois – car il apporte des réponses inédites et de qualité en vue de lutter contre la fraude fiscale. Les dispositions adoptées par la commission mixte paritaire traduisent, sans la trahir, la volonté politique du Gouvernement. Face à la fraude, seule la fermeté est de rigueur.

Sur un tel sujet, Gérald Darmanin et moi-même n'avons jamais douté que tous les groupes, toutes les sensibilités politiques, appuieraient cette démarche et soutiendraient le projet de loi. La contribution de votre assemblée à son enrichissement a été décisive et je vous en remercie.

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