Intervention de Fabien Lainé

Séance en hémicycle du jeudi 11 octobre 2018 à 22h00
Création d'un répertoire des maladies rares ou orphelines — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFabien Lainé :

Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, chers collègues, la proposition de loi qui nous est soumise par notre collègue Pierre Vatin vise à créer un répertoire de l'ensemble des maladies rares et orphelines, afin de faciliter l'obtention d'un certain nombre de dérogations administratives pour faciliter la vie des malades. L'intention est louable, cela ne fait aucun doute. Cependant, ce texte présente un véritable problème de méthode qui nous empêchera de lui accorder notre vote.

Tout d'abord, l'intitulé de cette proposition de loi associe maladies rares et maladies orphelines. Ce premier écueil crée une certaine confusion. En effet, l'on a tendance à confondre maladie rare et maladie orpheline. Or la grande majorité des maladies rares sont orphelines, sur bien des plans : manque d'information sur la maladie, retard ou erreur dans le diagnostic, difficultés de la prise en charge médicale, traitement inexistant. La majeure partie des maladies rares – près de 80 % d'entre elles – sont d'ordre génétique et de type syndromique. Cela signifie qu'elles ne se réduisent pas à une affection particulière présente chez tous les patients. À une affection peut s'ajouter une grande diversité de phénotypes. Ainsi, certains malades souffriront d'un désordre musculaire, d'autres non ; certains seront affectés d'un désordre auditif, d'autres non. À chaque patient, et non à chaque pathologie, sa vérité. Dès lors, chaque patient est détenteur d'une carte de soins personnelle, qui résume l'ensemble des spécificités cliniques de son détenteur.

Par ailleurs, un répertoire des maladies rares existe déjà : Orphanet, créé en 1997 par l'INSERM et la direction générale de la santé. Il fait désormais autorité à l'échelon international puisque cette initiative s'est étendue à l'Europe à partir de 2000, à travers un financement de la Commission européenne. Cette plateforme délivre un ensemble d'informations pour près de 8 000 maladies rares. Il donne un accès exhaustif aux symptômes, aux déficits et handicaps générés, aux centres pour le diagnostic et le soin, aux traitements existants. Il est utilisé par près de 50 000 personnes par jour, en français, en anglais, en italien, en espagnol, en portugais, en allemand et en néerlandais. Ce répertoire offre déjà un panel de services adaptés aux besoins des malades et de leur famille, mais aussi aux professionnels de santé, aux chercheurs ou encore aux associations. Pourquoi ne pourrait-il pas en être autant pour les administrations ?

De plus, les spécificités des maladies rares sont bien identifiées et ont fait l'objet de trois plans nationaux. Le dernier a d'ailleurs été lancé en juillet dernier. Aujourd'hui, en France, l'organisation des soins est subdivisée en 23 filières coordonnant 387 centres de référence, 1 757 centres de compétence et 83 centres de ressources. Au travers de ces plans, l'expertise maladies rares est construite, développée et organisée, et elle est aujourd'hui pleinement accessible et identifiable. S'agissant de l'information des professionnels non experts, dont les services administratifs, sur ces affections, les outils existent et fonctionnent relativement bien. La plateforme maladies rares assure ce rôle d'informateur depuis 2001. Plusieurs contributeurs, comme Orphanet, Maladies rares info services ou encore l'AFM-Téléthon, la mettent à jour régulièrement.

Cette proposition de loi soulève la question des affections particulières qu'entraîne chaque maladie. Or il faut garder à l'esprit que les maladies rares peuvent entraîner des symptômes plus ou moins intenses, un handicap ou non. Pour une même pathologie, ces situations de handicap sont de types et d'intensité divers – en génétique, c'est ce que l'on appelle la diversité de pénétrance. Certaines maladies conduisent à des handicaps très spécifiques dus à la rareté des déficiences qui se combinent ; ce sont les handicaps rares. Pour répondre à leurs besoins liés au handicap, les personnes atteintes de maladies rares ont accès aux réponses spécifiques du champ du handicap, en particulier celles relevant des MDPH.

Si des actions doivent encore être menées pour améliorer la sensibilisation des intervenants de proximité, la connaissance des dispositifs mobilisables et la simplification des démarches sont à l'ordre du jour, notamment depuis le troisième plan national maladies rares, présenté en juillet dernier. En effet, depuis 2005, notre pays s'est attaché à traiter la problématique des maladies rares à travers des plans nationaux dont l'objectif est de proposer des solutions globales allant du dépistage au traitement en passant par l'accompagnement des malades et de leurs aidants dans leurs démarches quotidiennes.

La France est le pays au monde qui dispose du panel de services le plus complet sur les maladies rares ; elle est d'ailleurs reconnue dans le monde entier pour cela. S'il existe encore des méconnaissances, cela ne justifie pas une nouvelle loi, qui déstabiliserait les acteurs travaillant actuellement à une meilleure information des professionnels. La demande exprimée par cette proposition n'a d'ailleurs jamais été évoquée lors des consultations des professionnels de santé et des 220 associations de patients atteints de maladies rares. En outre, Mme la ministre vient à l'instant de prendre des engagements clairs en réponse à la proposition de loi. C'est pourquoi le groupe MODEM, que je représente, votera contre ce texte.

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