Intervention de Sabine Rubin

Réunion du mardi 9 octobre 2018 à 21h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSabine Rubin :

L'amendement I-CF1171 a pour objet d'abandonner le mécanisme de prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu.

Adopté sous la précédente législature, ce dispositif a vu son entrée en vigueur reportée à plusieurs reprises, officiellement en raison des difficultés techniques suscitées par sa complexité, mais plutôt, en réalité, pour permettre au Gouvernement de communiquer en 2018 sur les baisses de cotisations que le prélèvement à la source aurait éclipsées.

Notre groupe est opposé à ce dispositif pour huit raisons principales.

Premièrement, il est d'une trop grande complexité, comme l'ont montré les nombreux bugs repérés en 2018, lors de la phase de test – je pense notamment aux 500 000 contribuables qui ont reçu une déclaration préremplie erronée. Si le Gouvernement a cherché à modifier son dispositif, avec par exemple le report de la mise en place du prélèvement à la source à 2020 pour les salariés à domicile, ou encore la possibilité pour les entreprises de moins de 20 salariés de laisser le soin à l'URSSAF de collecter l'impôt à leur place, ce dispositif n'en reste pas moins complexe et inabouti.

Deuxièmement, nous estimons que ce n'est pas à l'entreprise, mais bien à l'administration fiscale, de collecter l'impôt.

Troisièmement, cette réforme est inutile, car la France dispose déjà d'un excellent taux de recouvrement en matière d'impôt sur le revenu – 99,4 % au 31 décembre de l'année « n+1 ».

Quatrièmement, nous estimons que le prélèvement à la source se traduit par un manque de lisibilité, qui empêche le contribuable d'appréhender correctement la charge fiscale et ses variations. Le prélèvement à la source pourrait ainsi constituer le premier pas vers un impôt sur le revenu non progressif, que les Français seraient dans l'incapacité de mesurer : de ce fait, la pression fiscale pourrait être modifiée plus facilement.

Cinquièmement, le prélèvement à la source apportera de la complexité pour les contribuables en impliquant de multiples formalités supplémentaires induites par l'année de transition.

Sixièmement, nous pensons que ce système est incompatible avec notre culture fiscale, du fait de la très forte personnalisation de l'impôt sur le revenu français et de la prévalence du concept de foyer fiscal sur celui d'individu.

Septièmement, le prélèvement à la source impose la rupture de la logique française de confidentialité des revenus privés, car en prenant connaissance du taux d'imposition de ses salariés, un employeur pourra en déduire le montant de leurs revenus familiaux et patrimoniaux – ce qui va obliger certains salariés à mettre en oeuvre des stratégies de dissimulation.

Huitièmement, enfin, le passage au prélèvement à la source va engendrer un coût important pour des finances publiques déjà malmenées. En effet, l'administration va devoir adapter son organisation et ses logiciels déclaratifs et de paiement, mais aussi lancer d'importantes campagnes d'information, en recourant pour cela à des prestataires extérieurs privés.

Pour toutes ces raisons, le passage au prélèvement à la source nous semble une véritable folie.

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