Intervention de Charles de Courson

Séance en hémicycle du lundi 15 octobre 2018 à 21h30
Projet de loi de finances pour 2019 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCharles de Courson :

Une bonne politique doit être compréhensible, monsieur le secrétaire d'État : le marketing et la communication n'effaceront jamais l'aspect embrouillé de ce projet de loi de finances. Défaites-vous de cette politique qui consiste à ménager la chèvre et le chou, traduction du « en même temps », qui n'a jamais permis de gagner une seule élection. Vous êtes à une année charnière : vous devez faire des choix forts.

Or le non-respect de nos engagements européens est l'un des problèmes centraux de ce projet de loi de finances comme du projet de loi de financement de la sécurité sociale. En 2019, le montant des économies reste très insuffisant et la réduction des déficits publics, notamment du déficit structurel, est très faible et en contradiction avec nos engagements européens.

Votre cadrage macro-économique n'est pas déraisonnable à l'heure où nous parlons, comme le confirme, dans son avis, le Haut Conseil des finances publiques : vous avez choisi une hypothèse de croissance de 1,7 %, comme en 2018, et une hypothèse d'inflation de 1,3 % en 2019, contre 1,6 % en 2018. Le problème est que vous laissez peu de marge de manoeuvre dans l'hypothèse d'un ralentissement plus important de la croissance, alors que le contexte mondial est de plus en plus incertain. En effet, les nuages s'amoncellent, qu'il s'agisse du prix du baril de pétrole, des taux d'intérêt ou la démultilatéralisation des échanges internationaux.

Le projet de loi de finances estime le prix du baril de pétrole de brent à 73 dollars en 2019, en moyenne annuelle. Or le brent cote actuellement à 80 dollars – il est même monté à 84, voire 85 dollars, et un écart de 10 dollars au moins entraîne une hausse mécanique de l'inflation de 0,25 % l'année suivante et une surestimation de 0,1 point de la croissance du PIB. Dans le contexte géopolitique actuel – sanctions contre l'Iran et plafonnement de la production décidé par les autorités saoudiennes – , le prix du baril de pétrole pourrait très bien franchir le seuil symbolique des 100 dollars, qu'il avait du reste atteint en 2014-2015. L'hypothèse est envisageable et les Français pourraient voir leurs factures de carburant augmenter encore plus fortement, alors que les taux d'intérêt à long terme remonteront courant 2019, du fait de la fin de la politique expansionniste de la Banque centrale européenne et des hausses programmées du taux d'intérêt directeur de la Fed, la Réserve fédérale des États-Unis.

Les taux d'intérêt aux États-Unis se sont d'ailleurs hissés à leur plus haut niveau depuis sept ans et devraient poursuivre leur progression au cours des prochains trimestres, n'en déplaise à M. Trump. Ils devraient donc aussi augmenter en France, comme dans le reste de la zone euro, et peut-être entraîner une crise obligataire, si cette remontée est trop rapide.

Cet environnement dégradé – augmentation du prix du pétrole, hausse des taux d'intérêt et démultilatéralisation des échanges internationaux – risque de perturber l'équilibre de ce projet de budget, monsieur le secrétaire d'État. Je ne saurais donc trop vous exhorter, comme l'année passée, à fournir un plus grand effort sur la dépense publique. À l'heure des tensions commerciales qui pourraient bien faire flancher la croissance, le manque d'effort sur la dépense sera votre faiblesse en cas de fort ralentissement de l'activité économique.

En 2019, le déficit structurel ne baissera pas significativement au regard de nos engagements européens, et le poids de la dette publique augmentera. Voilà le constat brut. Nous sommes, au groupe UDI, Agir et indépendants, des gens raisonnables et pragmatiques : nous savons que la remontée du déficit public en 2019, à 2,8 % du PIB, contre 2,6 % en 2018, est principalement due à la transformation du CICE en exonérations de charges patronales, et nous nous réjouissons que, depuis 2017, le déficit public reste sous la barre des 3 %.

Toutefois, nos partenaires européens attendent encore que nous nous rapprochions de l'équilibre structurel, qui ne dépend pas des effets de la conjoncture économique sur les comptes publics. S'il est une baisse qui se fait désirer, c'est celle du niveau du déficit structurel, qui s'opère à tout petits pas : 0,1 point de PIB en 2018, 0,2 en 2019 – et non 0,3 puisque, comme l'a souligné le Haut Conseil des finances publiques, il faut faire abstraction de la mesure d'accélération de l'augmentation du cinquième acompte, laquelle est conjoncturelle et non structurelle, puisqu'elle est limitée à la seule année 2019.

En effet, au lieu de réduire fortement le déficit structurel, vous préférez une baisse des impôts à une diminution suffisante de la dépense publique. Nous serons donc en contradiction avec la règle européenne qui veut que les États membres réduisent d'au moins 0,5 point leur déficit structurel chaque année, une fois revenus sous la barre des 3 % de déficit. La Commission européenne autorise une déviation de 0,5 point sur deux ans par rapport à la réduction du déficit structurel requise de 0,5 point par an. Or nous avons utilisé toutes les souplesses possibles, si bien, mes chers collègues, que nous avons désormais deux options : soit nous reconstituons les marges de manoeuvre budgétaires en faisant des économies de dépenses suffisantes, tant qu'il en est encore temps, afin de pouvoir relâcher l'effort lorsque la prochaine crise arrivera ; soit nous exposons la France, en cas de fort ralentissement de l'économie, au risque d'ouverture d'une procédure pour « déviation significative de son objectif » de retour à l'équilibre structurel – une procédure qui peut, sur le papier, aboutir à des sanctions financières.

Si nous ne faisons rien, selon l'avis du Haut Conseil des finances publiques, le déficit structurel, qui « reste à un niveau élevé », « ne se réduir[a] que lentement et la France n'aur[a] pas encore amorcé, à l'horizon de 2019, la réduction de son ratio de dette publique au PIB, à la différence de la quasi-totalité des pays européens ».

L'effort en matière d'économies est effectivement très insuffisant, monsieur le secrétaire d'État. S'agissant de l'évolution des dépenses, vous révisez à la baisse votre ambition de maîtrise de la dépense publique. Il y a un an, en juillet 2017, au cours du débat d'orientation budgétaire pour 2018, le Gouvernement nous promettait 20 milliards d'euros d'économies : or vous n'en avez réalisé que la moitié en 2018 – 0,4 point de PIB, soit 10 milliards. Je pourrais paraphraser Jacques Brel : « T'as voulu voir 20 milliards et on a vu... 10 milliards ! »

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