Intervention de Bruno Retailleau

Séance en hémicycle du lundi 3 juillet 2017 à 15h00
Débat sur la déclaration du président de la république

Bruno Retailleau :

Monsieur le président du Congrès, monsieur le président du Sénat – cher Gérard Larcher –, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les membres du Gouvernement, chers collègues parlementaires, députés ou sénateurs, le Président de la République a souhaité convoquer cette réunion du Congrès, ici à Versailles.

La réunion de nos deux assemblées est un moment important parce qu'il est rare. Il nous oblige à une certaine hauteur, comme l'a dit il y a quelques instants, ici même, le Président de la République.

Nous devons d'abord être à la hauteur de ce lieu chargé d'histoire, d'une histoire longue qui s'enracine dans une culture, notre culture, cette culture française, que le monde nous envie tant, mais aussi d'une histoire récente, dramatiquement récente. Quelques-uns d'entre nous étaient déjà ici lorsque le Congrès s'est réuni, quelques jours après le massacre du Bataclan. À mon tour, je voudrais avoir une pensée émue pour toutes les victimes de la barbarie islamiste, pour celles et ceux qui portent encore dans leur chair et leur esprit des blessures profondes. Cela doit nous inciter à une action encore plus déterminée. En ce moment, nous devons donc trouver la bonne hauteur.

Ce moment est paradoxal parce que l'espérance qu'a fait naître l'élection présidentielle chez certains de nos compatriotes contraste avec un silence, mes chers collègues : le silence de celles et ceux qui n'ont pas voté, qui ne veulent plus participer. Bien souvent, les grandes douleurs sont muettes : c'est d'abord la douleur du déclassement économique, du chômage de masse, et de l'ascenseur social bloqué ; c'est aussi la douleur de la dépossession culturelle, enfouie sous tant de non-dits, après tant de reculs dont nous payons aujourd'hui le prix fort, à travers des poussées communautaristes auxquelles répondent des replis identitaires.

Alors, oui, ce moment nous oblige, et il nous oblige tous. Nous devons faire en sorte que nos discussions parlementaires à venir ne soient pas seulement l'expression d'un entre-soi, mais le recommencement de la construction d'un entre nous, pour enfin renouer le fil de la conversation civique avec une France silencieuse qui attend qu'on lui parle et surtout, au-delà des mots, qu'on agisse concrètement. Il faut désormais passer à l'exercice pratique. Cette France silencieuse attend que l'on relève le défi des crises et des fractures qui déchirent le tissu national. Il faudra beaucoup plus que des demi-réformes, peut-être une réforme institutionnelle : d'abord du courage. Or le courage ne réside dans aucune institution ; au cours de l'histoire, il a toujours été porté par les femmes et les hommes.

Plus que des réformes, peut-être même plus que des transformations, il faudra une Révolution, pour reprendre un titre désormais célèbre.

La révolution devra être d'abord économique, pour lutter contre le chômage de masse. Bien sûr, il faut faire sauter les verrous et baisser le coût du travail pour prendre en compte la situation chez nos partenaires européens – les deux vont de pair. Il faut rééquilibrer le poids de la sphère publique par rapport à celui de la sphère privée. L'addiction de l'État à la dépense publique nous mène dans le mur. L'an prochain, monsieur le Premier ministre, la dette atteindra sans doute 100 % de la richesse annuelle produite par les Français. C'est une bombe qui menace de faire imploser notre modèle social. Vous devrez nous expliquer dès demain comment vous entendez réduire les dépenses publiques.

La révolution devra être aussi territoriale. On ne peut pas considérer, mes chers collègues, d'où que vous veniez, que l'avenir de la France se trouve uniquement dans les grandes métropoles mondialisées. Il y a, cher Gérard Larcher, cette France d'à côté, cette France périphérique que nous défendons dans nos circonscriptions et nos départements. Peut-être faut-il une conférence territoriale, oui, mais vous devrez nous préciser votre vision de cette belle idée qu'est l'aménagement du territoire. Il faudra choisir entre l'amputation de la liberté communale et l'élan d'un nouvel acte de décentralisation, parce que la France, c'est d'abord des territoires – Mona Ozouf parlait de « composition française ».

Une autre révolution, civique, doit avoir lieu. Les terroristes islamistes nous ont désignés – ce n'est pas nous qui l'avons fait – comme leur ennemi. Nous devons leur opposer la détermination la plus totale, ici comme là-bas. Cette détermination exige bien sûr un arsenal militaire, policier et judiciaire, mais aussi une réponse civique, au travers, d'une part, de ce creuset que doit redevenir l'école – creuset de la transmission, bien sûr – et, d'autre part, de la reconstruction de l'autorité de l'État. La loi de la République doit s'appliquer sur tout le territoire. Aucune parcelle de ce territoire ne doit être abandonnée, pas même la ZAD de Notre-Dame-des-Landes, monsieur le Premier ministre !

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