Intervention de Bertrand Lionel-Marie

Réunion du mardi 2 octobre 2018 à 11h00
Mission d'information sur la révision de la loi relative à la bioéthique

Bertrand Lionel-Marie, responsable du secteur bioéthique de la Confédération nationale des associations familiales catholiques (CNAFC) :

Toutes les familles sont les bienvenues dans les associations familiales catholiques. J'en suis l'illustration, puisque je suis sans enfant. Je ne dispose pas des registres mais j'estime que toutes les configurations sont représentées parmi les milliers de familles adhérentes.

S'agissant de l'articulation entre naturel et artificiel, vous m'avez demandé si je voyais un danger pour l'espèce humaine à « laisser filer » l'assistance médicale à la procréation et qui cette technique pouvait priver d'un droit fondamental.

Le recours de plus en plus important à l'assistance médicale a d'ores et déjà des conséquences sociales. Je ne dis pas que cela remet en cause l'espèce humaine, puisque le phénomène demeure marginal, mais il est en croissance continue : 3 % des enfants sont issus d'une AMP. Loin de moi l'idée de stigmatiser ces enfants puisque je le répète, tous les enfants sont bienvenus et tous doivent être accueillis. C'est indiscutable.

Pour autant, cela a des conséquences sociales. L'existence d'embryons surnuméraires, conséquence directe des fécondations in vitro, si elle ne remet pas en cause l'espèce humaine, devrait nous interroger sur la vision que nous avons de la dignité de l'être humain. Est-il normal que, pour qu'un couple sur deux reparte avec un enfant dans les bras – la moitié des FIV échouent – il faille constituer un stock d'embryons surnuméraires, des petits d'homme au premier stade du développement ? Il me semble que cela concerne quand même l'espèce humaine !

Je rappelle que la France est signataire de la convention internationale des droits de l'enfant, qui stipule, dans son article 7, que l'enfant a le droit, « dans la mesure du possible, de connaître ses parents et d'être élevé par eux ». Dans une configuration où la PMA serait ouverte à toutes, le géniteur, ou le père biologique – on l'appelle comme on veut – sera effacé, rayé de la carte, quand bien même il existera des données non identifiantes. Oui, on prive l'enfant d'un droit fondamental, celui de connaître ses parents et d'être élevé par eux, et ce uniquement pour répondre au désir des adultes.

Notre liberté s'articule nécessairement avec une responsabilité. Si vous achetez un pantalon fabriqué au Bangladesh, cela a des conséquences sociales sur les ouvrières bangladaises. Si vous roulez à 120 kilomètres par heure sur une route départementale, vous mettez en danger votre vie, celle de vos passagers et des autres usagers de la route. Je le regrette, mais le recours par une femme célibataire à l'assistance médicale à la procréation a des conséquences sociales.

Comme cela a été rappelé, ces familles ont des difficultés socio-économiques. Je ne veux pas stigmatiser ces familles – ce n'est pas le sujet – mais je m'interroge sur la cohérence, pour un État, de créer des familles qui, demain, demanderont son aide.

J'ai à l'esprit une mère de famille qui élève seule ses deux garçons adolescents, le père, schizophrène, ayant quitté le foyer. On ne peut pas dire que ce soit une configuration familiale idéale : comme c'est le cas de 70 % des familles monoparentales, elle a été créée par le départ du père, défaillant. Mais, avec l'ouverture de l'AMP, la loi va bel et bien créer des familles monoparentales – qui demanderont l'aide de l'État plus tard. Je ne les stigmatise pas, mon histoire me permet de compatir avec ces femmes qui ont ce désir et qui voient l'horloge biologique tourner, mais il y a tout de même des questions à se poser ! Pourquoi notre société génère autant de femmes qui peinent à rencontrer un homme ? Peut-être crée-t-elle des blocages ? En tout cas, répondre par l'AMP à ce désir légitime me paraît une mauvaise solution, qui plus est incohérente sur le plan socio-économique.

Monsieur Chiche, c'est votre liberté de ne pas être d'accord avec moi – nous sommes là pour débattre –, mais permettez-moi de préciser un point pour éviter toute confusion : je n'ai pas dit que tous ces enfants allaient finir dans les commissariats. Je dis que, dans un certain nombre de cas, l'absence d'une figure paternelle n'est sans doute pas la meilleure configuration pour élever des enfants. Il existe des études sur les aspects socio-économiques des familles monoparentales, le devenir scolaire des enfants, leur parcours en lien avec la justice et les institutions policières.

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