Intervention de Florence Parly

Réunion du mercredi 19 septembre 2018 à 16h30
Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes

Florence Parly, ministre des Armées :

En réponse à la question de la mobilité et des rapprochements de conjoints, je dirai que la très grande mobilité géographique des militaires est une des caractéristiques de la vie militaire et qu'elle emporte un certain nombre de conséquences lourdes à gérer pour les familles.

La première conséquence est le fait qu'il y a souvent trop peu de visibilité sur ces mobilités. C'est par là que nous avons commencé, dans le cadre du plan « Famille », c'est-à-dire en essayant d'éclairer le plus tôt possible une famille sur une éventuelle mobilité géographique. Nous nous sommes fixé comme objectif pour les mutations qui sont intervenues tout récemment, avec prise d'effet au mois de septembre, que 80 % des notifications de décisions de mutation soient faites cinq mois à l'avance, de façon à permettre aux familles d'avoir plus de temps pour trouver un logement, procéder aux inscriptions des enfants à l'école,… bref, leur laisser le temps de s'organiser. Je suis assez fière de pouvoir vous dire que nous avons presque atteint notre objectif, ou plutôt que nous ne l'avons manqué que de très peu : deux armées sur trois sont au-delà de 80 % et la dernière a fait d'énormes efforts, de sorte que je crois qu'on doit pouvoir les féliciter de ce qui a été réalisé en l'espace de quelques mois.

La deuxième étape consiste à prendre en compte une autre dimension, à savoir le fait qu'au sein d'un couple, en général l'un et l'autre travaillent. Lorsque l'un des membres du couple est militaire et l'autre non, il faut donc essayer de tenir compte de la nécessité de faciliter le retour à l'emploi de celui ou celle qui va devoir renoncer à son emploi, du fait de la mobilité géographique de son conjoint. Et c'est la raison pour laquelle nous avons demandé que l'agence de reconversion pour la défense puisse aussi être ouverte aux conjoints de militaires. Cette agence reclasse déjà 10 000 personnes chaque année puisque vous savez qu'il y a un flux d'entrées et de sorties très important parmi les militaires.

Il y a un autre axe sur lequel nous avons travaillé, avec Jean-Michel Blanquer. Lorsque le conjoint ou la conjointe relève du ministère de l'éducation nationale et qu'une mobilité est induite par la mobilité d'un conjoint ou d'une conjointe militaire, nous avons mis au point un processus permettant l'examen « bienveillant », ou, en tout cas, un examen dans un délai qui permette, dans la mesure du possible, de traiter les dossiers avec pragmatisme et de trouver des solutions intelligentes. Cela se fait dans le respect des règles de mutations géographiques qui sont propres au personnel de l'éducation nationale et qui doivent évidemment être appliquées, sans quoi des contestations pourraient intervenir.

Enfin, il existe le cas de figure où, au sein d'un couple, les deux conjoints sont militaires : là, il revient aux directions des ressources humaines des armées de prendre en compte ces situations et de les traiter au mieux.

Je suis certaine qu'on va pouvoir – et qu'on va devoir – progresser, parce que les armées sont à l'image de la société française et changent avec elle. Ce qui est frappant, c'est de voir le taux de couples bi-actifs qui n'a cessé de s'élever ; au fond, il est assez comparable à celui qu'on trouve dans la population civile. Mais il n'y a pas que des enseignants, ou que des conjoints militaires, donc il va nous falloir essayer de systématiser notre approche pour faciliter le retour à l'emploi de ceux qui ne sont pas mutés au premier chef.

J'en viens au temps partiel dans les armées. Vous avez rappelé l'article du code de la défense qui indique que les militaires peuvent être appelés à servir en tout temps et en tout lieu. Il pose ainsi le principe de disponibilité, principe qui ne souffre pas de limite.

C'est pourquoi, lorsque l'on est militaire, et que l'on est assujetti au statut militaire, il n'est pas possible de voir organiser un temps partiel. Autrement dit, le temps partiel n'est pas un droit, parce que le droit qui s'applique est celui du code de la défense et du statut militaire. Évidemment, on n'est pas obligé de ne s'en tenir qu'au droit et à la règle ; on peut aussi essayer d'imaginer des solutions pragmatiques qui tiennent compte des situations auxquelles les individus et les familles sont confrontés. C'est l'objet du plan « Famille » que d'essayer, de manière assez pragmatique, de résoudre les situations de vie. C'est pourquoi j'ai beaucoup insisté, au moment où nous l'avons annoncé il y a un an, sur le fait que les priorités de l'année 2017 qui étaient apparues aux différentes associations et aux différents relais avec lesquels nous avons travaillé pouvaient tout à fait évoluer avec le temps.

Le plan est maintenant inscrit dans la durée, puisque la loi de programmation militaire lui alloue 500 millions d'euros sur la durée de la programmation. Il est important qu'on puisse s'adapter sans cesse aux besoins qui s'expriment dans la communauté militaire. Donc je réponds que, sur le principe, le temps partiel n'est pas possible, parce que le statut militaire est unique. C'est ce qui fait sa force, donc il faut le préserver. Mais je crois qu'il ne faut pas non plus s'interdire de réfléchir à des solutions pragmatiques ; je suis très attachée à maintenir le dialogue sur ce sujet avec les différentes structures et organisations, notamment avec le conseil supérieur de la fonction militaire, avec lequel nous avons bâti le plan « Famille » et auquel je demande sans cesse de réfléchir aux évolutions qui lui paraîtraient souhaitables. En effet le plan doit être très évolutif, son seul objectif étant de répondre aux besoins des militaires établis.

La troisième question portait sur la cellule Thémis. Cette cellule a été créée, de façon pionnière, dès 2014, au sein du ministère de la Défense. C'est un dispositif assez unique et complet de lutte contre le harcèlement, les discriminations et les violences sexuelles ou d'origine sexiste. Son action concerne l'ensemble des personnels et comprend différents axes : un axe lié à la prévention prévoit le déploiement d'un plan de formation autour d'un tronc commun et s'adresse de façon très large à l'ensemble des personnels du ministère ; un deuxième axe consiste à traiter les cas connus du dispositif de signalement grâce à des cellules d'écoute et de traitement des personnes qui s'estiment victimes d'actes de harcèlement ou de discrimination. J'insiste sur le fait que ce dispositif situé hors hiérarchie fait remonter très rapidement et directement, y compris jusqu'à mon cabinet, les différents cas. Nous suivons de manière très précise chacun des cas, comme nous suivons les statistiques relatives à la réalisation des enquêtes de commandement que cette cellule diligente.

Nous appliquons le principe que je rappelais tout à l'heure, c'est-à-dire, d'une part, la prise en charge des victimes et, d'autre part, la sanction des auteurs – le tout s'inscrivant dans un contexte de tolérance zéro.

Quand on regarde l'activité de cette cellule depuis sa création, on constate qu'elle est assez stable jusqu'à présent. Il y a eu, suivant les années, entre 70 et 85 cas traités. Cette année, au premier semestre, les derniers chiffres montrent qu'il y avait 36 nouveaux dossiers ouverts, ce qui nous place dans l'ordre de grandeur des années précédentes. Il est intéressant de noter que la grande majorité des signalements sont faits par les femmes, environ 90 %, et que le harcèlement sexuel est l'infraction la plus déclarée.

Les atteintes à la vie privée font également partie des cas de signalement et renvoient à un phénomène malheureusement on ne peut plus courant, à savoir la captation et la diffusion d'images sans consentement. C'est l'un des motifs de saisine de la cellule Thémis qui va croissant.

J'ai eu l'occasion de dire précédemment que des sanctions sont prises – chaque fois que c'est approprié naturellement. Je voudrais saluer le fait que ces sanctions peuvent donner lieu par ailleurs à des poursuites judiciaires lorsque les faits le justifient. Je n'ai pas les chiffres sous les yeux, mais j'ai constaté que mon invitation en ce sens avait été suivie d'effets.

En ce qui concerne les réserves, chaque année, nous publions un bilan social qui est une mine d'informations et dont je vous recommande chaleureusement la lecture. Il fournit beaucoup de statistiques sur le nombre d'hommes et de femmes, par catégories d'emplois et de grades, en fonction des armes et des services, ainsi que des informations qui sont liées aux rémunérations… Il ne me semble avoir vu, dans la partie qui est dédiée à la réserve, de répartition statistique des réservistes entre hommes et femmes. Cela peut pourtant constituer une donnée intéressante. La preuve en est que vous avez posé la question. Je m'engage donc à ce que, dans le bilan qui sera fourni en 2018, nous nous attachions à fournir cette information qui nous donnera aussi un bon indicateur des évolutions de tendances affectant la réserve.

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