Intervention de Jean-Paul Dufrègne

Séance en hémicycle du mardi 23 octobre 2018 à 15h00
Projet de loi de finances pour 2019 — Explications de vote

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Paul Dufrègne :

Nous voterons contre la première partie de ce projet de loi de finances, non pas parce que nous sommes dans l'opposition et que vous êtes dans la majorité, mais tout simplement parce que ce budget est d'abord injuste.

Il est injuste comme l'était votre précédent PLF et il reproduit les mêmes injustices, et tout d'abord concernant l'impôt sur le revenu et sa progressivité. Nous souhaitons rouvrir ce débat car nous considérons que la diminution du nombre de tranches et l'abaissement du taux marginal ne permettent pas de prendre suffisamment en compte les disparités de revenu pour une juste contribution à l'impôt que pour notre part, contrairement à d'autres, nous ne diabolisons pas. On peut toujours en effet clamer sur tous les toits qu'on paie trop d'impôts – c'est toujours populaire. Nous pensons au contraire qu'il faut réhabiliter l'impôt sur le revenu parce que c'est le plus juste : il est effectivement progressif et il permet de financer les fonctions régaliennes de l'Etat.

Qui veut moins d'enseignants devant les élèves ? Qui veut moins de policiers, moins de gendarmes ? Je pourrais continuer la liste. Il faut donc plus de recettes d'impôt sur le revenu pour diminuer par exemple la TVA sur les produits de première nécessité. Je rappelle que la TVA est l'impôt le plus injuste car, frappant la consommation, il pèse proportionnellement beaucoup plus sur les petits revenus que sur les gros. Vous avez d'entrée verrouillé ce dossier dont on ne devrait plus parler, alors qu'en 2000 par exemple, il y avait sept tranches avec un taux marginal de 52,75 %, contre cinq tranches aujourd'hui et un taux marginal de 45 % ! Tous nos amendements ont été repoussés sans ménagement, sous prétexte que ce serait confiscatoire !

Ce projet de loi de finances est injuste aussi parce que, contrairement à ce que vous affirmez, il privilégie le capital par rapport au travail en exonérant de contributions les gros patrimoines financiers et en plafonnant à 12,8 % l'imposition des revenus financiers.

Il faut que le travail paie, dites-vous, oubliant d'ajouter : « et que le capital rapporte ! » Ceux qui le détiennent peuvent dormir sur leurs deux oreilles : la maison est bien gardée. Je ne reviens pas sur le véritable scandale que constitue le renforcement de la niche Copé, et que dire de la lutte contre l'évasion et la fraude fiscale, qui reste au stade des bonnes intentions.

Ce PLF est injuste enfin parce qu'il désigne des boucs émissaires, tels les retraités, dont le rôle dans la société n'est pas reconnu, ou encore les familles.

La transformation du CICE en réductions de cotisations sociales offrira un cadeau de 40 milliards aux entreprises sans que soit exigé la moindre contrepartie, ce qui aurait été un minimum !

Pour la seconde année, ce budget est avant tout le budget des riches. D'ailleurs l'Institut des politiques publiques ne s'y trompe pas, qui note que les deux derniers PLF entraînent une baisse du pouvoir d'achat pour les 20 % de ménages les plus modestes et une augmentation importante de celui des 1 % les plus riches.

Ce budget est aussi un budget d'abandon. Les crédits du ministère de la cohésion des territoires connaissent une forte baisse de même que le budget de l'emploi. Ces orientations sont difficilement compréhensibles au moment où les territoires ruraux ou périphériques ont besoin de soutien et de visibilité de l'action publique, notamment pour conjurer un sentiment d'abandon souvent exprimé.

La baisse du budget de l'emploi est particulièrement inquiétante, de même que celle du budget de l'agriculture à un moment où le doute s'est installé dans des campagnes de plus en plus touches par une sécheresse touchant de nombreux départements, comme l'Allier.

Et puis ce n'est pas un budget d'anticipation, mais plutôt un budget de contradictions. Nous estimons qu'il est nécessaire et absolument urgent de s'investir dans la transition écologique. Tous les rapports, et notamment le dernier du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat – GIEC – , tirent la sonnette d'alarme sur les conséquences du réchauffement climatique. Cependant, votre boussole libérale vous entraîne sur d'autres chemins : baisser les dépenses publiques, dites-vous, pour réduire le déficit public, pour baisser les impôts et pour diminuer la dette. Que reste-t-il ? Rien, rien, rien ! Trois fois rien, alors qu'il faudrait des milliards pour inverser la courbe. C'est au moment où on en a le plus besoin qu'on se prive de recettes considérables pour faire plaisir aux copains. Il est pourtant incontournable que ceux qui ont les plus gros patrimoines contribuent à dégager les ressources nécessaires pour lutter contre le réchauffement climatique, et nous y viendrons. La fiscalité énergétique punitive pour celles et ceux qui n'ont pas d'autre choix que d'utiliser leur véhicule – pour des raisons toutes aussi recevables les unes que les autres – a atteint son niveau d'acceptabilité, surtout lorsque l'on sait que seuls 25 % de cette taxe sont véritablement affectés à des opérations structurantes ou de compensation. Ceux qui passent à la caisse pour financer les cadeaux fiscaux faits aux plus riches apprécieront ! Pour toutes ces raisons – et pour bien d'autres, que je n'ai pas le temps de développer – , le groupe GDR, avec ses composantes communiste et ultramarine, votera donc contre ce projet de loi de finances.

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