Intervention de Pierre Dharréville

Séance en hémicycle du mardi 23 octobre 2018 à 15h00
Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019 — Motion de rejet préalable

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPierre Dharréville :

Il y a là l'habituel tour de passe-passe, la communication contradictoire brouillant les pistes. C'est l'effet boule de neige, caractéristique de votre discours, sur ce sujet comme sur bien d'autres – le pouvoir d'achat, par exemple. Lorsque l'on secoue la boule, la neige finit toujours par retomber. Nos concitoyennes et nos concitoyens s'en rendent compte.

Quelles sont les conséquences de vos choix structurants ? Si la sécurité sociale est excédentaire – une première depuis 2001 – , elle l'est au prix de sacrifices payés au prix fort. Les hôpitaux et les EHPAD sont parvenus au point de rupture. Les personnels n'en finissent pas de tirer la sonnette d'alarme, déplorant l'effacement de la dimension humaine de leur métier, si indispensable aux soins, l'indigence de moyens, la difficulté quotidienne à répondre aux besoins des patients, la démesure des injonctions, la catastrophe des fermetures en tous genres et les dérives de la confusion public-privé.

Vous alignez là, madame la ministre, des dispositions – dont certaines ont été adoptées par amendement – créant des zones de flou, des artifices et des rafistolages remettant en cause des principes pour un bénéfice sanitaire discutable. Dans ce contexte, comment s'effectuera la remise en cause – que nous avons tant espérée – de la tarification à l'activité, laquelle a lourdement contribué à marchandiser la santé et à favoriser une productivité insensée ? En outre, vous envoyez des signaux brouillés, monsieur le rapporteur général, en proposant un amendement visant à rémunérer les services d'urgence afin qu'ils refusent des patients.

En droit, une telle mesure nous semble constituer une sévère entorse au droit constitutionnel d'accès à la santé de toutes et tous comme aux principes du service public hospitalier et des pratiques des urgentistes. Elle soulève des questions sans réponses en matière de critères d'appréciation et de responsabilités des personnels de santé. Au regard de la situation actuelle, les hôpitaux méritent mieux que cela.

J'ai en mémoire les visages de ces femmes et de ces hommes travaillant dans les établissements que nous, parlementaires communistes des deux chambres, avons visités. Ils veulent faire leur métier et être respectés dans leur travail. J'ai en mémoire leurs paroles, empreintes de souffrance mais aussi de révolte. Au moment de prendre de lourdes décisions, j'aimerais que ces appels au respect de la dignité des soignants et des soignés résonnent ici. Pouvons-nous les ignorer ?

Pouvons-nous ignorer cette infirmière en psychiatrie qui ne veut plus enfermer et droguer ses patients mais demande le droit de les soigner ? Pouvons-nous ignorer cette aide-soignante qui a cinq minutes pour faire une toilette ? Pouvons-nous ignorer ce patient à qui l'on devrait prendre le temps de donner à manger ? Pouvons-nous ignorer ce médecin qui refuse de renvoyer des malades venus aux urgences par manque de lits ?

Pouvons-nous ignorer ces personnels qui demandent que l'on embauche des collègues et refusent que des boîtes privées se disputent des marchés d'entretien qu'elles n'honoreront qu'à moitié, faute de personnel formé à ce lieu singulier qu'est l'hôpital ? Nous ne le devons pas.

Hélas, rien de tout cela n'entre dans les cases des tableaux qui nous sont présentés. La communauté hospitalière, dans toute sa diversité, le dit. Ses membres reçoivent les annonces du plan santé comme la négation de tout ce qu'ils vivent quotidiennement, comme si l'on pouvait s'en sortir en jouant au Rubik's Cube.

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