Intervention de Jean-Carles Grelier

Séance en hémicycle du mardi 23 octobre 2018 à 15h00
Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019 — Motion de renvoi en commission

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Carles Grelier :

Les répartiteurs pharmaceutiques livrent aujourd'hui à marge négative. Sans une refonte urgente de leur modèle de financement, les sites fermeront, entraînant la suppression de 12 000 emplois pourtant non délocalisables. Contraintes au regroupement ou à la revente, ces entreprises, au poids économique considérable – pas moins de 27 milliards d'euros de chiffre d'affaires chaque année – seront rachetées par des entreprises étrangères, mettant un peu plus encore en péril l'indépendance sanitaire de la France. Car le médicament est certes un enjeu économique, mais surtout un enjeu de souveraineté nationale.

Que se passera-t-il lorsque la France ne parviendra plus à se fournir à l'étranger en molécules essentielles, comme l'aspirine ou le paracétamol ? La France est en rupture d'approvisionnement pour les traitements de la maladie de Parkinson. Qui s'en émeut ? Qui s'en alarme ?

Alors, par-delà les effets d'annonce, par-delà les gesticulations oratoires, quelles décisions concrètes avez-vous prises ? Quel soutien avez-vous apporté à cette filière stratégique ? Comment accepter que des chercheurs et des praticiens hospitaliers, contraints par des procédures longues et complexes, conseillent à leurs patients d'aller se soigner à l'étranger ? Comment accepter que 150 millions d'euros d'économies soient encore réalisées sur le dos des entreprises, qui ne sont pas des grands groupes internationaux mais des TPE et PME françaises pour la plupart, qui investissent dans des dispositifs médicaux ?

Les engagements du CSIS, unanimement qualifiés de rupture, prônant la simplification, la facilité, l'initiative, promettant une croissance minimale de l'industrie, et favorisant la transparence législative, finissent au cimetière des promesses brisées.

Alors que le Gouvernement avait annoncé un mécanisme d'extension d'indication pour les autorisations temporaires d'utilisation se résumant en six lignes, pouvez-vous, madame la ministre, expliquer, gloser devant la représentation nationale sur les sept pages de l'article 42, lequel est devenu totalement incompréhensible, illisible après être passé sous les fourches caudines de vos services ? Cet article fera assurément l'effet d'un véritable repoussoir pour le monde de la recherche.

J'avais rêvé que dans un pays comme la France, terre de Pasteur, terre de Pierre et Marie Curie, terre historique de la recherche et de l'innovation, le nombre d'essais cliniques ne serait pas en constante diminution, les chercheurs préférant les pays étrangers pour leurs procédures plus souples et plus rapides mais aussi pour leurs financements plus généreux. Je me réjouis que cela vous fasse sourire, madame la ministre.

J'avais espéré que la recherche dans les CHU ne serait pas limitée à cause d'une lecture budgétaire rigide qui conduit à intégrer les chercheurs, pourtant financés par des acteurs privés, dans la masse salariale des structures hospitalières, infligeant à celles-ci une double peine.

Si la France préserve, difficilement, son rang dans la recherche mondiale, c'est grâce à une formation d'excellence et des équipements de pointe. C'est en France qu'a été développé le premier coeur artificiel ; c'est en France qu'ont été faites des découvertes prometteuses de traitement contre le sida ; c'est en France qu'a été créé un dispositif de pancréas artificiel. Mais chaque année, le retard pris par la France est plus grand, faute d'investissements suffisants tant dans les moyens humains que dans l'innovation dans les établissements de santé.

Madame la ministre, monsieur le ministre, l'attente en matière de santé est plus forte que jamais. N'entendez-vous pas les cris, les pleurs et les douleurs qui remontent des professionnels de santé dans les hôpitaux et les cliniques ? N'entendez-vous pas ce cri sourd qui monte des territoires comme une angoisse, celle de chacune et chacun des Français qui craignent aujourd'hui de ne plus pouvoir accéder à des professionnels de santé pour se soigner, faire soigner leurs enfants ou leurs parents âgés ? N'entendez-vous pas cette désespérance qui vient des cabinets médicaux, des infirmiers, des kinésithérapeutes, des sages-femmes, des chirurgiens-dentistes et de tous les professionnels de santé qui subissent depuis des années une pression intolérable ? N'entendez-vous pas cette urgence qui jaillit chaque jour dans l'actualité ? N'entendez-vous pas la complainte discrète mais désespérée des retraités, de nos aînés, ceux qui, en leur temps, ont fait notre histoire, qui voient leurs pensions se réduire sous la violence des charges nouvelles que vous leur imposez ?

Croyez-vous sincèrement que proposer aux professionnels de santé et aux patients une nouvelle loi dans le courant de l'année 2019 et un plan santé pour 2022 seulement leur donnera le courage et la force d'attendre ? Depuis des années, on leur a servi des mots, encore des mots, toujours des mots.

Je ne peux pas croire, madame la ministre, qu'après le parcours professionnel particulièrement éloquent qui a été le vôtre, vous vous en teniez, vous aussi, à ces seules incantations purement déclaratives. Ce n'est pas vous, ce n'est pas votre parcours.

La santé des Français réclame des actes, et elle les exige maintenant. C'est la raison pour laquelle le groupe Les Républicains souhaite au travers de cette motion que votre projet revienne en commission – pas pour une énième pétition de principe, mais pour mettre derrière chaque mot des actes, et derrière chaque acte des moyens budgétaires. Il est temps. Plus que temps.

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