Intervention de Bruno Bilde

Séance en hémicycle du mardi 23 octobre 2018 à 21h30
Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBruno Bilde :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, en 2018, un Français sur trois renonce à se soigner, faute de moyens. Ce constat alarmant est le résultat du désengagement de l'assurance maladie, qui rembourse de moins en moins certaines prestations essentielles comme l'optique ou les soins dentaires, poussant un tiers de nos compatriotes à faire des arbitrages dans leur budget et, finalement, à sacrifier leur santé. Ce tiers de mal-soignés est aussi celui qui souffre prioritairement du chômage de masse, de la crise du logement, de la précarité énergétique et de l'exclusion territoriale. Devant l'accès aux soins, les Français sont de moins en moins égaux.

Monsieur le secrétaire d'État, ces réalités découlent de votre vision technocratique qui considère la santé comme une marchandise comme une autre. Elles sont les conséquences de votre politique et de celle de vos prédécesseurs, qui imposent un objectif de rentabilité. Pour vous, la santé a un prix et elle est seulement destinée à ceux qui ont les moyens de le payer.

Ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019 s'inscrit dans la droite ligne des orientations du plan santé présenté par Emmanuel Macron le 18 septembre dernier. Un bon diagnostic, certes, mais un très mauvais traitement ! Les remèdes que vous préconisez vont aggraver profondément les tensions de notre système de santé et accentuer les inégalités.

Avec vous, les fausses bonnes idées deviennent rapidement de vraies catastrophes. Prenons l'exemple de la création de 4 000 postes d'assistants médicaux, sur le modèle des assistants dentaires. Ces jeunes peu qualifiés devront surtout optimiser le rendement. Ainsi, il est prévu de gagner 25 à 30 % de temps médical. Le ministère de la santé préfère calculer le temps d'une prise de tension et décréter qu'une toilette ne doit pas excéder dix minutes.

Madame la ministre – qui êtes absente – , avec votre objectif de dégager du temps médical, on ne soignera pas mieux, mais on soignera à la chaîne.

Responsable de la marchandisation de la santé, la tarification à l'acte ne sera pas supprimée, mais concurrencée progressivement par une incitation financière à la qualité et par des financements au forfait pour le diabète et l'insuffisance rénale chronique. C'est encore une fausse bonne idée car ce forfait risque d'être source de dangereuses dérives, certains hôpitaux pouvant refuser de recevoir un diabétique qu'ils auront déjà vu deux fois, sous prétexte que la troisième visite n'est pas comprise dans le forfait.

Sans grande surprise, ce projet de loi ne déroge pas à l'obsession du Président de la République, qui est sa véritable boussole depuis le début de son mandat : vider les poches des retraités. En effet, la mise en place du reste à charge zéro, qui permettra une prise en charge à 100 % des lunettes et des prothèses dentaires et auditives, aura pour conséquence directe d'augmenter les tarifs des complémentaires santé. Après la hausse de la CSG, les retraités vont être une nouvelle fois saignés. Les plus de soixante ans, qui sont par nécessité les plus demandeurs de soins dentaires, de prothèses auditives et de lunettes, pourraient voir leur contrat de mutuelle augmenter de 9,3 % en moyenne : concrètement, un couple de retraités qui paie sa mutuelle 170 euros par mois verrait sa facture passer à 192 euros. Madame la ministre – qui n'êtes toujours pas revenue – , vous ne pourrez que regarder, impuissante, les mutuelles gonfler leurs tarifs et ponctionner davantage nos anciens.

Votre projet de loi s'inscrit donc dans une pure logique de rentabilité, mais aussi dans le sillon de la préférence étrangère. Vous ne pouvez pas faire la chasse aux économies à outrance et pénaliser ainsi l'accès des Français aux soins. Votre décision de ne revaloriser les allocations familiales que de 0,3 % est inacceptable et injuste socialement, alors qu'en même temps, les allocations pour les demandeurs d'asile vont être revalorisées de 1,6 % en 2019. Avec ce projet de loi, vous assumez la sécurité sociale totale pour les migrants et l'insécurité sanitaire pour les Français.

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