Intervention de Boris Vallaud

Séance en hémicycle du mardi 23 octobre 2018 à 21h30
Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBoris Vallaud :

Parfois, il est vrai, le Gouvernement semble faire, mais il fait le plus souvent semblant, comme avec l'augmentation de 20 euros de la prime d'activité, qui ne sera que de 8 euros au niveau du SMIC. Le Gouvernement n'a pas été avare d'annonces en matière de lutte contre la pauvreté, de santé, de dépendance, mais qu'y a-t-il derrière les mots ? L'essentiel des mesures contenues dans votre projet est à contre-courant des révolutions promises – ce n'est pas mon appréciation mais le constat fait ce matin, dans un communiqué de presse, par les associations du secteur de la solidarité.

Alors que les comptes sociaux reviennent à l'excédent, sous l'effet des mesures d'économies portées par les familles, les retraités, les malades et les soignants depuis près de dix ans, le Gouvernement choisit le PLFSS pour siphonner ces excédents et financer, en réalité, les baisses d'impôts pour les ménages les plus aisés. Pour la première fois, il revient sur le compromis historique introduit par la loi Veil de 1994 : la compensation intégrale des exonérations de cotisations sociales. Cela revient à dire que la désocialisation des heures supplémentaires sera, en vérité, payée par ceux qui n'auront pas la possibilité d'en faire. À l'horizon 2022, ce sont près de 25 milliards d'euros dont seront ainsi privés les comptes sociaux. Cela vous empêche de financer à hauteur des besoins les crèches, les maisons de retraite, le plan pauvreté et les hôpitaux, où la situation est explosive. On peut certes saluer l'augmentation de l'ONDAM, mais celle-ci demeure bien insuffisante si l'on tient compte de l'inflation.

L'hôpital est en péril, avec un taux d'investissement historiquement faible et un résultat d'exploitation des établissements de santé négatif pour la première fois. Les poches de productivité sont vides : on ne peut plus considérer, comme continue de le faire le Président de la République, que les difficultés de l'hôpital sont solubles dans une meilleure organisation.

L'heure est venue de réinvestir, mais votre grand plan d'investissement de 920 millions d'euros ne financera pas même le futur CHU – centre hospitalier universitaire – de Nantes, dont le coût est estimé à l,5 milliard d'euros. Il faudra donc nous dire à quels projets vous renoncez.

Mais il y a pire que l'hôpital : le Gouvernement continue de demander des efforts aux familles, en décidant de sous-indexer les allocations familiales et les pensions, dont les branches sont pourtant excédentaires. Combien de familles, d'étudiants et de chômeurs y perdront ? Songez qu'une famille au SMIC avec trois enfants y perdra plus de 130 euros par an. Malgré les effets d'annonce sur la désocialisation des heures supplémentaires, ces familles devront travailler plus, uniquement pour ne pas gagner moins.

Ce gouvernement proclame plus souvent qu'à son tour qu'il souhaite que le travail paye ; c'est d'ailleurs le sens que vous voulez donner au basculement des cotisations sur la CSG. Heureusement, votre gouvernement dit la vérité par écrit, dans l'étude d'impact du PLFSS : il s'agit de faire baisser le coût du travail. Vous admettez de la sorte que l'augmentation du pouvoir d'achat ne sera que temporaire.

Ce que vous prétendez donner d'une main, vous le reprenez immédiatement de l'autre. Ces sous-indexations permettront d'économiser 3,5 milliards d'euros en 2019 et près de 7 milliards d'euros en 2020, quand par ailleurs vous pérorez sur un plan pauvreté de 8 milliards d'euros sur quatre ans – pauvre plan !

Le Gouvernement nous parle d'égalité républicaine par l'école et instaure l'obligation scolaire à partir de trois ans. Comment ne pas être d'accord ? Pourtant, vous modifiez le code de la sécurité sociale pour que l'allocation de rentrée scolaire soit versée non pas à trois ans, au moment de l'obligation de scolarisation, mais toujours à six ans.

Le Gouvernement proclame en outre l'égalité hommes-femmes grande cause du quinquennat. Toutefois, après avoir bloqué un projet de directive européenne sur le sujet, il ne prévoit rien, dans le PLFSS, à propos du congé paternité.

Et, quand le Gouvernement ne travestit pas les mots, il se paye de mots. Ainsi en est-il, madame la ministre, de l'article 28 : vous indiquez que, dès 2019, les traitements du diabète et des insuffisances rénales chroniques seront payés au forfait et non plus au séjour, comme actuellement. Mais que vaut une telle déclaration si nous ne savons pas, par exemple, pour le diabète, comment seront calculés les forfaits, comment seront répartis les forfaits si un patient veut se faire soigner dans plusieurs hôpitaux dans la même année, quels seront les établissements qui y gagneront et ceux qui y perdront, si les honoraires des médecins libéraux dans les cliniques seront ou non inclus dans ce forfait, et si oui, comment, et sinon, quel est le sens d'un tel forfait ?

Enfin je terminerai par la prise à charge à 100 % des lunettes, des audioprothèses et des soins dentaires. C'est un bel objectif, une belle annonce, une nécessité. Mais, pour que les mots aient un sens, il aurait fallu une prise en charge à 100 % par la sécurité sociale et non après intervention des complémentaires. Vous en aviez les moyens mais vous avez préféré siphonner les excédents. Ce sont donc les plus modestes qui paieront les 100 % après complémentaire – dont les tarifs sont d'ailleurs annoncés à la hausse.

Madame la ministre, selon qu'ils croient encore ou non aux paroles du Gouvernement, les Françaises et les Français auront le choix entre des mots falsifiés ou des mots pour rien.

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