Intervention de Gérald Darmanin

Séance en hémicycle du mercredi 24 octobre 2018 à 15h00
Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019 — Article 7

Gérald Darmanin, ministre de l'action et des comptes publics :

Il ne faut pas faire d'idéologie fiscale ou sociale sur ce sujet : nous savons tous qu'il s'agit d'une mesure favorable au pouvoir d'achat de ceux qui travaillent, même si elle peut parfois avoir, lorsqu'elle s'applique en opposition au cycle économique, des effets qui, selon certains économistes, pourraient être négatifs, pour un certain nombre d'emplois, dans une période de chômage particulière. M. Vallaud n'est plus dans l'hémicycle, mais je suis certain qu'il nous entend. Cette exonération est une mesure très forte de pouvoir d'achat pour nos concitoyens, en particulier pour les ouvriers et les employés. Il n'y a qu'Emmanuel Macron qui l'ait proposé, et il n'y a que nous qui vous le proposons.

Je remercie M. Maillard, qui a dit que nous avions écouté. Nous avons écouté la majorité. Dans le programme d'Emmanuel Macron, dans la présentation du projet de loi de financement de la sécurité sociale, des heures supplémentaires « désocialisées » – je reprends ce terme négatif – étaient prévues pour 2020. Plusieurs députés du groupe La République en Marche et du groupe MODEM, que je remercie de son soutien, nous ont demandé d'anticiper. Pourquoi avons-nous proposé que la mesure s'applique au 1er septembre – le groupe majoritaire a déposé un amendement pour que ce soit dès le 1er janvier ? Nous le faisons également pour des raisons de finances publiques.

Nous n'allons pas avoir ce débat maintenant, mais j'ai entendu l'intervention de M. Jean-Carles Grelier qui nous encourageait à dépenser plus – en gros, il demandait que l'on sorte de l'orthodoxie budgétaire, soit l'inverse de ce que demandait le groupe Les Républicains lors de l'examen du projet de loi de finances – je le dis à Mme Louwagie et à M. Woerth qui ont bien suivi cela. Il faudra vous mettre d'accord.

Nous avons eu l'occasion d'en parler avec M. le président de la commission des finances. Nous en sommes à 24 milliards d'euros de dépenses non financées sur proposition du groupe Les Républicains dans le PLF. Cette fois, vous nous proposez de dépenser 1,3 milliard le 1er janvier, puis 300 millions pour les charges patronales, soit 1,6 milliard d'euros dont vous ne nous dites pas comment vous les financez.

J'en viens à un certain nombre de sujets tout à fait intéressants.

Je pense à la question de la défiscalisation. Je remercie M. Grelier d'avoir souligné que ma démonstration se tenait, même s'il estime qu'elle est discutable. Si je regarde PLF et PLFSS, que proposons-nous, que proposez-vous ? Il est important de regarder cela lorsque l'on est une opposition responsable prise au sérieux par une majorité qui sait qu'elle fait des propositions – et je ne nie pas que vous en fassiez.

Nous proposons de supprimer les cotisations sociales payées par les salariés et celles qui s'appliquent aux heures supplémentaires travaillées au-delà du temps légal de travail. Vous proposez de maintenir les cotisations sociales des salariés – vous avez voté contre leur suppression, et vous êtes opposés au principe, ce n'est pas votre modèle. En revanche, vous proposez d'appliquer le modèle TEPA ou les grands axes de la loi en faveur du travail, de l'emploi, et du pouvoir d'achat du 21 août 2007, c'est-à-dire défiscalisation et « désocialisation » des heures supplémentaires.

Je constate que nous renonçons à davantage de recettes que vous, mais, en termes de pouvoir d'achat, quelle est la solution la plus efficace pour nos concitoyens ? Pour certains d'entre eux, votre choix est plus favorable : c'est le cas du célibataire qui fait des heures supplémentaires et gagne plus de 2 500 euros par mois. Il gagnera, avec votre formule, 100 euros de plus qu'avec la nôtre. Mais dans tous les autres cas, votre formule est défavorable, et la nôtre est même parfois largement plus favorable.

Un célibataire sans enfant qui gagne 1 350 euros net paie des impôts. Avec notre politique économique, son gain de pouvoir d'achat sera de 516 euros par an ; avec la vôtre, il sera de 264 euros. Pour le couple avec deux enfants, dont chacun des membres gagne le SMIC – soit l'essentiel des ouvriers et des employés pour lesquels nous prenons cette mesure d'exonération des heures supplémentaires – , avec notre politique, le gain de pouvoir d'achat sera de 792 euros par an ; avec la vôtre, il s'élèvera à 264 euros.

Je ne sais pas si vous vous en êtes rendu compte, mais la moitié des ouvriers et des employés de France ne paient pas d'impôt sur le revenu : en défiscalisant les heures supplémentaires, vous prendriez une disposition qui ne s'appliquerait pas à tous les Français courageux qui voudraient travailler plus pour gagner plus. Certes, il faut qu'ils puissent faire des heures supplémentaires et qu'il y ait des commandes dans leur entreprise, mais nous y reviendrons en traitant de la politique économique de façon générale. En tout cas, nous donnons trois fois plus de pouvoir d'achat aux Français que vous, parce que votre effort est consacré à ceux qui paient l'impôt sur le revenu, et pas aux autres qui travaillent pourtant aussi et font également des heures supplémentaires.

Même en considérant un couple avec deux enfants qui gagnerait 6 000 euros net par mois, soit des gens qui commencent à avoir un revenu un peu supérieur à la moyenne, notre dispositif leur ferait gagner 1 428 euros, le vôtre, 1 032 euros.

Non seulement nous mettons en place le mécanisme d'encouragement des heures supplémentaires que vous avez naguère refusé – je reconnais qu'il ne sert à rien de se renvoyer la balle en la matière et qu'il est préférable de discuter ensemble d'une nouvelle tendance économique – , mais notre politique sociale et économique se trouve être plus avantageuse pour tous ceux qui travaillent, en particulier ceux qui ne paient pas d'impôt sur le revenu et qui ont des charges de famille, comme la moitié de la classe ouvrière et des employés, sans rien retirer à ceux qui paient des impôts par ailleurs.

Je crois que la plupart des membres du groupe Les Républicains souhaitaient aider ceux qui travaillent et qui ont des demi-parts fiscales. Vous devriez être convaincus par cette démonstration sans idéologie particulière.

Je veux aussi évoquer ce qui relève de la gauche et de la droite. Aujourd'hui, M. Vallaud fait de belles déclarations, mais je suis désolé de lui rappeler qu'un Premier ministre socialiste a dit que la suppression des exonérations de charges des heures supplémentaires était une belle erreur du quinquennat précédent. Après tout, c'est normal, on fait tous des erreurs.

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