Intervention de Éric Coquerel

Séance en hémicycle du mercredi 24 octobre 2018 à 15h00
Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019 — Article 7

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉric Coquerel :

Permettez-moi de répondre à M. le ministre. J'ai cherché les moments où vous aviez travaillé en entreprise au cours de votre carrière professionnelle, monsieur Darmanin : je n'ai pas vraiment trouvé, mais vous allez pouvoir me renseigner puisque vous avez une grande connaissance de l'entreprise… Je vais vous dire comment cela se passe dans celles qui emploient le plus en France, c'est-à-dire dans les PME : comme elles sont dans un univers concurrentiel, elles font des devis qui, la plupart du temps, reposent sur le moins-disant au niveau financier, et si toutes s'alignent sur le fait de payer moins le travail, que ce soit au travers des heures supplémentaires, que vous voulez exonérer de cotisations, ou même en substituant à certains moments des stages aux emplois, c'est parce que sinon elles disparaissent. La question n'est pas de savoir comment se conduit un chef d'entreprise par rapport à la morale, mais il faut constater qu'à partir du moment où vous donnez les outils permettant de réduire le coût du travail, vous allez abaisser globalement la valeur financière du travail dans un univers concurrentiel.

Et puis vous nous donnez des leçons extraordinaires : à vous entendre, il n'y aurait qu'une pensée économique, tout le reste relevant de la dictature, du totalitarisme. Mais rendez-vous seulement au Portugal, vous verrez qu'ils mènent là-bas une politique différente de la vôtre, une politique de relance, ce qui devrait vous empêcher de faire ce genre de caricature. Ce n'est pas une bonne manière de débattre, monsieur le ministre. Moi, je connais votre politique : elle consiste à mettre beaucoup d'argent dans le capital pour qu'à un moment donné, cela serve à investir – c'est ce qu'explique M. Le Maire. Mais nous avons démontré, notamment lors des débats sur le PLF, que le pari que vous faites n'a pas marché au premier semestre 2018 : les dividendes explosent, pas le pouvoir d'achat qui, lui, baisse.

Mais, et je vais conclure là-dessus, il y a un autre choix. La plus-value conduit à se demander comment utiliser le temps libéré par l'augmentation de la productivité. Il y a trois possibilités : soit on diminue le temps de travail pour tous parce que l'on estime que quelqu'un qui produit trois fois plus qu'il y a trente ans peut pour cette raison travailler moins, le travail n'étant pas une fin en soi, soit on paye plus les salaires bruts – sans faire donc appel aux subterfuges que vous utilisez – , soit le temps libéré ne profite qu'aux dividendes. Le problème depuis trente ans, c'est que le gouvernement et la majorité en place choisissent les dividendes – et les actions – en espérant que cela nourrisse toute la société, alors que c'est tout l'inverse qui se passe. Je trouve que vu vos résultats économiques, vous devriez être un peu plus humble quand vous donnez des leçons.

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