Intervention de Florence Parly

Réunion du mercredi 3 octobre 2018 à 21h30
Commission de la défense nationale et des forces armées

Florence Parly, ministre des Armées :

Je vais essayer de faire des réponses groupées, notamment sur le SCAF, sur lequel j'ai eu plusieurs questions. Je voudrais quand même insister sur le fait que nous démarrons… Je demande l'indulgence du jury, car nous n'avons pas la réponse à toutes les questions. Nous n'avons pas encore appuyé sur le bouton consistant à incrémenter les crédits d'études ou alors de manière presque anecdotique. Je serai certainement amenée, au cours de l'année 2019, à vous livrer des informations et des détails au fur et à mesure que nous avancerons.

Ce que je peux dire, c'est que nous avons signé le 25 juin dernier une lettre d'intention, que les industriels, comme je vous l'ai dit, ont également signé un accord entre eux, ce qui est important car, pour parler un peu trivialement, ce n'était pas gagné, si l'on en croit les propos que certains tenaient encore il n'y a pas si longtemps. Il y a besoin de définir de façon très précise, très concrète, quels sont les besoins et les capacités, les caractéristiques dont les armées françaises et allemandes ont besoin, de voir comment les concilier et s'y prendre pour créer une organisation dédiée.

Nous avons mis les armées et la direction générale de l'armement (DGA), pour ce qui concerne la partie française, sur un seul et même plateau, afin de gagner du temps dans la compréhension des besoins opérationnels et leur traduction, de telle sorte que les industriels puissent les intégrer et les prendre en compte le plus rapidement possible. Certaines méthodes sont en train d'évoluer. Nous allons les tester sur ces nouveaux équipements. Mais, très honnêtement, je ne peux pas répondre aux questions précises sur les spécificités et les caractéristiques que cet équipement aura. J'ai mentionné, tout à l'heure, plusieurs piliers technologiques qui sont à l'étude. C'est probablement ce que je peux vous dire de plus précis sur le sujet à l'heure où nous parlons.

Par ailleurs, j'ai bien en tête la question des échanges d'informations et de la nécessité de pouvoir faire du transfert de technologies, tout comme nous avons aussi en tête d'intégrer l'exportabilité de ces matériels. Tout cela fait partie, si je puis dire, de notre cahier des charges, mais je ne peux pas encore vous dire comment tout cela sera traité.

Le plan « Famille », sur lequel j'ai déjà dit beaucoup de choses, a fait l'objet de nouvelles questions. J'en ferai un bilan à la fin du mois d'octobre. Nous vous communiquerons alors les documents d'information sur tout ce qui a été fait, de manière très systématique, ce qui permettra de nourrir de façon plus documentée le débat. Ce soir, j'ai peu de choses à vous dire en plus de ce que j'ai pu d'ores et déjà répondre.

S'agissant de l'inflation, notre budget est en effet exposé, comme tous les autres, à son évolution et à celle du coût des facteurs, qui peuvent se traduire à la fois sur les rémunérations mais aussi sur les carburants, par exemple, puisque nous avons une enveloppe dédiée aux carburants, qui représente 450 millions d'euros au sein du budget. Nous avons des mécanismes de lissage ou de couverture de l'évolution de ces coûts.

Par ailleurs, cette enveloppe, que vous avez qualifiée de fermée, est en fait semi-fermée. N'oublions pas que nous avons ensemble un rendez-vous en 2021, qui doit notamment permettre de faire le point sur la manière dont l'évolution du coût des facteurs aura grignoté, en quelque sorte, une partie des moyens destinés à la satisfaction des besoins des forces. Nous avons bien évidemment pris en compte cette hypothèse de l'évolution de l'inflation. Nous avons essayé, comme on le fait traditionnellement, d'en atténuer l'impact par un mécanisme de couverture pour la partie carburant. Pour le reste, je vous donne rendez-vous en 2021.

Nous avons déjà sur un certain nombre de munitions opérationnelles dans nos armées des systèmes de guidage laser ou GPS, c'est le cas en particulier pour les bombes qui sont utilisées par l'armée de l'air et l'aéronavale. Dans certains pays, il existe des obus d'artillerie guidés eux aussi par laser. Des entreprises françaises développent ce genre de munitions, mais, en général, elles le font sur fonds propres, et nos armées, en particulier notre artillerie, ne disposent pas de telles munitions. Cela ne signifie pas que nous n'y réfléchissons pas, en particulier pour les combats en localité.

Quelles perspectives pour l'espace ? Je serai amenée à y revenir lorsque nous aurons proposé au président de la République un certain nombre d'orientations. L'objectif de la revue en cours est d'abord de trouver comment mieux protéger nos systèmes spatiaux. Les leçons tirées des expériences récentes montrent qu'ils peuvent être menacés. D'autre part, il s'agit de voir comment tirer profit de ce que l'on appelle le new space, de cette capacité technologique de miniaturiser de plus en plus les équipements qui peuvent être mis en orbite, grâce à quoi nous passerons probablement des très gros satellites actuels à des constellations de tout petits satellites. Cela rend l'accès à l'espace beaucoup moins onéreux et ouvre des possibilités considérables, auxquelles nous ne songions même pas il y a dix ou quinze ans. Nous avons donc, d'une part, une interrogation sur une meilleure protection, une meilleure robustesse et une meilleure résilience des systèmes spatiaux indispensables à notre fonctionnement et aux opérations et, d'autre part, des possibilités non seulement industrielles mais aussi technologiques et économiques, grâce à l'émergence de ce nouvel espace, grâce aussi à de nouvelles sociétés qui développent des lanceurs réutilisables, etc.

Au Sahel, Monsieur Corbière, vous avez pu le constater, la situation n'est pas simple et, comme toujours, la solution ne saurait être purement militaire. La force Barkhane a succédé à la force Serval, avec 4 500 personnes sur le terrain. Notre objectif, nous l'avons toujours dit, n'est pas de rester : il est de contribuer à la sécurisation et de partir dès que les conditions seront réunies. Nous ne sommes donc pas inactifs pour préparer ces conditions. Dans le domaine militaire, cela passe par la préparation des forces armées locales, par le soutien remarqué que nous apportons à la force conjointe des pays du G5 Sahel, puisque nous contribuons à leur formation, que nous les conseillons et que nous agissons pour que soient tenues les promesses de contributions et de dons faites pour permettre l'équipement de cette force. Les armées participent également à des actions civilo-militaires visant à rétablir un certain nombre de services indispensables à la vie des populations.

L'action strictement militaire doit évidemment être complétée par une action diplomatique qui relève des autorités politiques, en particulier maliennes, pour faire respecter les accords de paix signés en 2015, pour permettre le retour des institutions de l'État dans des zones désertées depuis de nombreux mois, pour mettre en oeuvre une décentralisation plus poussée, pour permettre aussi l'inclusion au sein de l'armée malienne et des forces régulières d'un certain nombre de groupes qui contribuent à la sécurité.

Enfin, il faut promouvoir les actions de développement économique. Des moyens supplémentaires sont prévus à cette fin. Le ministre de l'Europe et des affaires étrangères pourrait mieux vous en parler, mais les moyens consacrés au développement augmentent.

Il nous revient maintenant de bien articuler la présence des militaires qui permettent la sécurisation indispensable à l'enclenchement d'actions de développement. C'est, j'en ai tout à fait conscience, un travail de longue haleine, qui ne s'achèvera pas en quelques mois. Cependant, notre ambition est non de rester éternellement dans cette région mais d'aider ces pays qui se sont pris par la main, parce que ce sont des initiatives tout à fait inédites que les pays du G5 Sahel ont prises – personne ne leur a soufflé l'idée de cette force conjointe, c'est leur propre démarche. Il est très important que, par tous les moyens – Barkhane mais aussi d'autres moyens, y compris diplomatiques –, nous aidions cette force conjointe à gagner sa pleine efficacité. Elle lancera prochainement de nouvelles opérations alors qu'elle a été fortement menacée, vous vous en souvenez sans doute, par des attaques survenues au début de l'été. Je ne m'étends pas, il me faut répondre à d'autres questions, mais je suis à votre disposition, Monsieur Corbière, pour en parler plus en détail si vous le souhaitez.

Quant aux opérations extérieures, je ne saurais vous dire si elles coûteront plus ou moins cher en 2019 qu'en 2018. La seule chose dont je suis à peu près certaine, c'est que leur coût sera inférieur en 2018 à ce qu'il était en 2017, pour une raison assez simple : au Levant, à cause de la chute de Mossoul et de Raqqa, les tirs de munition ont été moins importants qu'en 2017. Il ne faudrait pas que nos décisions d'intervention soient contraintes par des considérations budgétaires. C'est ce que permet le principe de la provision. Nous avons donc souhaité une provision plus importante, non parce que nous comptons sur un coût plus élevé des opérations extérieures mais dans un souci de sincérité que j'ai rappelé tout à l'heure, pour réduire le trop important hiatus qui a longtemps prévalu.

La plupart de nos programmes en coopération sont gérés par l'OCCAr : l'A400M, les FREMM, les satellites d'observation MUSIS, l'hélicoptère Tigre, la radio logicielle European secure software defined radio (ESSOR), l'avion ravitailleur nouvelle génération MRTT et, demain, les navires pétroliers ravitailleurs Flotlog, en coopération avec l'Italie, le drone MALE, en coopération avec l'Allemagne, l'Espagne et l'Italie, ainsi que le système de guerre des mines Maritime Mine Counter Measures (MMCM).

Quant aux outils dédiés à la reconversion des militaires, l'agence de reconversion est dotée de 37,6 millions d'euros en 2019. Elle est également dotée d'un crédit complémentaire pour l'accompagnement des civils et des militaires, parce qu'il y a d'une part une dotation au sein du programme 212 au profit de la reconversion des militaires stricto sensu et un programme d'accompagnement des civils et militaires « restructurés », pour 37 millions d'euros. Un certain nombre de militaires ne retrouvant pas immédiatement un emploi, nous sommes notre propre assureur en matière chômage. La dépense devrait, en 2018, s'élever à 135 millions d'euros. Dans le projet de loi de finances pour l'année 2019, les coûts sont évalués à 138 millions d'euros.

Chaque année, l'agence accompagne plus de 14 000 militaires et civils vers l'emploi. C'est un dispositif d'accompagnement de bout en bout, qui promeut les compétences de nos ressortissants, leur savoir être, leur valeur. En 2017, nous aurons réussi 12 000 reclassements, faisant passer le nombre moyen d'anciens militaires et civils indemnisés de 14 700 à 14 300 en un an, soit une baisse de 3 %, ce qui est plutôt une très bonne tendance. Les contrats à durée indéterminée ont représenté 44 % des reclassements et 96 % des employeurs se sont déclarés satisfaits des candidats qu'ils ont recrutés dans ce cadre. C'est donc, je crois, un dispositif plutôt très performant, qui a tendance à améliorer le taux de reclassement.

Le programme MILAD de lutte anti-drones se voit doté de moyens à hauteur de 80 millions d'euros. Le marché a été attribué à la société CS au mois de mars dernier. Il s'agit d'améliorer la protection des sites sensibles en neutralisant des drones qui s'en approcheraient trop, en opération ou bien sur le territoire national. Huit systèmes sont en cours de production après les premiers essais, concluants, de cet été. Les livraisons commenceront dès la fin de l'année et cinquante systèmes seront livrés au cours des trois prochaines années. Ils comprennent des radars et des radiogoniomètres, ainsi que des fusils brouilleurs.

Quant au porte-avions de nouvelle génération, nous avons lancé de premières études. Nous avons libéré 32 millions d'euros de frais d'études tout récemment. Il s'agit d'être au rendez-vous en 2020, puisque c'est alors que les principales caractéristiques du porte-avions devront correspondre au SCAF, celui-ci devant notamment comporter des capacités aériennes susceptibles de décoller et d'atterrir sur une plateforme en mer. Nous avons donc deux ans de travaux devant nous. Évidemment, vous conservez à l'esprit le fait que la loi de programmation militaire 2019-2025 ne prévoit pas autre chose que des crédits d'études : la réalisation sera reportée sur la loi de programmation suivante.

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