Intervention de Thomas Gassilloud

Réunion du mercredi 24 octobre 2018 à 8h30
Commission de la défense nationale et des forces armées

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaThomas Gassilloud, rapporteur pour avis :

Je commence par la fin, avec les livraisons SCORPION. Les prévisions de 2019 sont en tous points conformes avec la trajectoire fixée en LPM qui, je le rappelle, a rehaussé les cibles et accéléré les livraisons. Il faut laisser le temps aux chaînes de production industrielle de s'adapter mais, je vous rassure, le rythme de livraisons va bien s'accélérer par la suite. J'ajoute que l'armée de terre n'est pas non plus en mesure d'absorber des livraisons à une cadence beaucoup plus élevée, compte tenu des infrastructures et de la formation à mettre en place par ailleurs. J'ai l'impression que l'armée de terre a abordé ce programme de manière très globale et s'y trouve bien préparée. Il faut néanmoins rester attentif à ces cadences de livraisons.

Ensuite, notre collègue Séverine Gipson m'interrogeait sur la formation des pilotes de l'aviation légère de l'armée de terre (ALAT), qui à elle seule concentre beaucoup des difficultés de l'armée de terre pour la remontée en puissance de sa préparation opérationnelle. Les centres de formation et les écoles de l'armée de terre ont été regroupés sous l'égide du commandement de l'entraînement et des écoles du combat interarmes (COME2CIA) tandis que l'ALAT a conservé son propre dispositif de formation et d'entraînement, compte tenu de ses spécificités au sein de l'armée de terre. Nous avons entendu le général Grintchenko, le commandant de l'ALAT. Il nous a rappelé quatre chiffres importants : 300 aéronefs, 220 équipages, 2 500 mécaniciens, 180 heures de vol par an. Si je reprends le premier des deux enjeux que j'ai cités tout à l'heure s'agissant de la remontée en puissance de la préparation opérationnelle, celui de la disponibilité des matériels : sur 300 aéronefs, environ deux tiers ne sont pas en état de voler. Le COM-ALAT estime que le nombre maximum d'hélicoptères indisponibles doit être réduit à 120, notamment en réduisant la maintenance industrielle. Compte tenu de la forte indisponibilité des hélicoptères et du niveau d'engagement opérationnel, le nombre d'aéronefs disponibles pour l'entraînement et la formation se trouve considérablement réduit. Le deuxième enjeu a trait au haut niveau de formation des pilotes. Le retour d'expérience du Donbass doit nous alerter : les militaires ukrainiens avaient des hélicoptères mais ils ont tous été détruits au premier engagement, du fait de l'insuffisante formation des pilotes. Or, le fort renouvellement des effectifs ces dernières années a créé une forte hétérogénéité dans le niveau de formation des pilotes de l'ALAT, seule une minorité de pilotes étant aujourd'hui en mesure de conduire les missions à forte valeur ajoutée.

J'en viens maintenant à la question de notre collègue Philippe Chalumeau sur la boîte de transmission du Tigre en opération Barkhane. Le sable local est effectivement très abrasif. Nous avons tous en mémoire ces chaussures dont les semelles se décollaient. Il n'y a pas que la haute technologie qui souffre de cet environnement. En tout état de cause, l'emplacement de la boîte de transmission a été modifié sur le Caïman. Notre collègue Sereine Mauborgne en parlerait mieux que moi, mais je crois qu'il est question de transférer une partie de la maintenance des hélicoptères sur les théâtres d'opérations puisqu'il s'avère extrêmement difficile de déplacer ces matériels. Il faut notamment démonter l'hélicoptère pour le faire rentrer en pièces détachées dans un A400M.

Notre collègue Nicole Trisse me posait la question de la féminisation. C'est un sujet important mais la demande qui nous est adressée de manière constante depuis le terrain est : « Ne nous imposez pas de quotas ! ». Il faut encourager la féminisation mais ce sont les effets opérationnels que les armées sont susceptibles de produire sur le terrain qui doivent prévaloir. Dans l'armée de terre, les femmes représentent près de 10 % des effectifs, ce qui nous place dans une moyenne honorable par rapport à nos alliés et voisins, bien que ce soit, des trois armées, la moins féminisée, certainement du fait de ses caractéristiques intrinsèques. J'étais au service de santé des armées il y a une quinzaine de jours, et sans avoir fait de décompte précis, je pense que la part des femmes était de plus de 50 % dans les rangs. À ma connaissance, on n'a pas remarqué d'attrition plus particulièrement féminine mais je dois avouer que je ne sais même pas si une telle statistique existe. L'état-major de l'armée de terre a par ailleurs annoncé un plan consacré à l'égalité professionnel entre les femmes et les hommes.

M. Furst, vous disiez qu'il faudrait un certain temps avant l'atteinte de notre ambition opérationnelle. Vous avez raison et je pense qu'il faut que nous en ayons tous conscience. C'est facile de diminuer les effectifs. Reconquérir un capital opérationnel, c'est coûteux et cela prend du temps. Comme je l'ai dit, la remontée en puissance se fera en deux temps : depuis 2015, elle fut essentiellement quantitative, avec le passage de la FOT de 66 000 à 77 000 hommes, et le temps est venu aujourd'hui de travailler davantage sur la dimension qualitative, en revenant à certains savoir-faire qui ont été un peu négligés du fait des contraintes opérationnelles.

Notre collègue André Chassaigne me posait une question sur l'externalisation. Celle-ci est toujours regardée avec une certaine inquiétude de la part des militaires. Au Tchad, il y a une dizaine de jours, j'ai été assez étonné de notre dépendance à l'égard du monde civil pour le soutien, qu'il soit terrestre ou aérien, et notamment pour acheminer les éléments dont nous avons besoin dans nos bases avancées, sur les théâtres d'opérations. Pour autant, il faut trouver les bons équilibres ; on ne peut pas gagner toutes les guerres à la fois. La ministre a d'ailleurs fait des annonces importantes sur le MCO lors de son déplacement au 2e régiment du matériel de Bruz en juillet, allant dans le sens d'une meilleure répartition entre les prestations réalisées en interne et les prestations externalisées. À mon sens, le principal enjeu, c'est celui de la contractualisation. Il faut demander à nos partenaires extérieurs de s'engager davantage sur les délais. Le plan MCO-Terre 2025 permettra d'avancer dans cette direction, étant entendu que l'armée de terre conservera toutes ses ressources en matière de maintenance opérationnelle, indispensables sur le terrain.

Sur la simulation, Jean-Michel Jacques et moi-même nous sommes rendus ensemble au 3e RIMa. Je confirme que la simulation est un outil complémentaire à l'entraînement sur le terrain. Cela fait quelques années, je pense, que nous ne jouons plus, les uns et les autres, aux jeux vidéo. Mais nous avons été frappés par le réalisme des simulations qui n'ont rien à envier aux jeux vidéo d'aujourd'hui. Bien entendu, les soldats ne s'entraînent pas uniquement derrière un ordinateur. Mais ils peuvent répéter, et à moindre coût, des procédures collectives pour valoriser pleinement ensuite leur passage en centre d'entraînement. Les moyens prévus dans le projet de loi de finances pour 2019 sont satisfaisants. Il y a peut-être un point à déplorer seulement : la simulation permet de s'entraîner à l'échelle des brigades, comme nous l'avions vu à Vannes, mais les capacités d'interconnexion entre les régiments sont parfois insuffisantes pour supporter le flux de données induit par l'entraînement simultané de plusieurs milliers de soldats.

Pour répondre à la question de M. Jean-Charles Larsonneur sur les réserves, j'indique que la dynamique se maintient. Deux chiffres en témoignent : mille réservistes ont été mobilisés l'été dernier dans le cadre de Sentinelle, ce qui conforte le rôle de la réserve désormais indispensable même en temps de paix, et la cible de 34 000 réservistes est maintenue. Dans tous les régiments où nous allons, on nous parle d'un désir de s'engager qui ne faiblit pas et qui ne se heurte qu'au manque de disponibilité.

Il me reste à répondre à deux questions, et d'abord à celle de M. Joaquim Pueyo sur la fidélisation, que j'ai décrite comme le premier défi de l'armée de terre. En la matière, il y a deux axes de travail que j'ai rappelés : « bien vivre de son métier » et « bien vivre son métier », avec, notamment, les améliorations apportées par le plan Famille. Chacun insiste sur l'amélioration de la condition militaire et l'arrivée des équipements individuels, d'où l'importance de bien communiquer sur les avancées de cette nouvelle LPM, compte tenu du temps parfois nécessaire pour que les nouveautés arrivent dans les régiments. Pour un engagé de l'armée de terre, une durée de deux ou trois ans est extrêmement longue. Il s'attend à des arrivées beaucoup plus rapides et il faut pouvoir le rassurer.

Enfin, je réponds à la dernière question, celle de Christophe Lejeune, qui me tient particulièrement à coeur et sur laquelle j'espère que nous trouverons des marges d'adaptation. Le coût du renouvellement de la tenue de sport a été calculé par l'armée de terre : c'est 15 millions d'euros. Cela peut paraître anecdotique…

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