Intervention de Patrice Verchère

Réunion du mercredi 24 octobre 2018 à 8h30
Commission de la défense nationale et des forces armées

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPatrice Verchère :

Avec ce budget 2019 nous avons à discuter de la première année de la mise en oeuvre de la LPM votée au printemps dernier. Les annonces budgétaires semblent être en conformité avec la LPM votée puisque nous pouvons constater que le budget est en augmentation. Cette hausse pour la deuxième année consécutive ne doit pas cependant faire oublier que la première mesure en matière de défense du tout nouveau président de la République avait été d'amputer le budget 2017 de 850 millions d'euros. Une fois de plus, c'est le programme 146 qui avait le plus sollicité. Il est à noter, et c'est regrettable, l'absence de publication à ce jour de l'annuaire statistique de la défense 2018 qui faciliterait pourtant la vision globale au regard du budget de la Nation. En effet, cette augmentation de votre budget ne doit pas occulter le fait que la part des dépenses de la défense dans le budget de l'État a reculé de 0,1 % en 2017 pour s'établir à 1,4 % du PIB, pour la seule mission « Défense », hors pensions et anciens combattants, donc loin des 1,7 % annoncés par le Gouvernement. La question du périmètre des dépenses à prendre en considération se pose donc une fois de plus. Mes chers collègues, vous pourrez reconnaître que cette distorsion entre les chiffres, pourtant tous publiés par le ministère des Armées, n'aide pas à la lisibilité du budget et entretient le doute sur l'effort réel accordé aux armées, dont la trajectoire affichée par le Gouvernement est d'atteindre 2 % du PIB en 2025, soit environ 50 milliards d'euros, hors pensions et à périmètre constant.

La fin annoncée et demandée dès 2013 par le groupe Les Républicains des déflations d'effectifs dans les armées se concrétise cette année par la création de 466 postes supplémentaires pour les armées. La LPM 2014-2019 votée fin 2013 prévoyait sur la période une réduction nette de 33 675 équivalents temps plein. Au final, et malgré ses annonces, le ministère de la Défense, a perdu sur la période près de 500 postes.

Venons-en au surcoût des OPEX. Véritable serpent de mer du budget de la défense depuis des années, il devrait dépasser le milliard d'euros en 2018 pour atteindre un total de 1,5 milliard d'euros, soit 1,3 milliard d'euros pour les OPEX et 200 millions pour les OPINT, selon le chef d'état-major de l'armée de terre. La provision initiale dans le budget 2019 a été fixée à 850 millions d'euros, contre 650 millions d'euros en 2018, déjà en hausse par rapport à l'année précédente. La tradition veut que le surcoût par rapport au prévisionnel adopté relève d'un financement interministériel, dont 20 % sont d'ailleurs supportés par le ministère de la Défense. Une fois de plus, les députés Les Républicains demandent que le ministère de la Défense ne participe pas à cette réserve de précaution en vue de financer le surcoût des OPEX tant il nous paraît évident que le ministère de la Défense ne doit pas payer deux fois.

Mes chers collègues, au surcoût des OPEX s'ajoute désormais le coût des opérations intérieures. Celles-ci bénéficiaient dans le budget 2018 de crédits de 100 millions d'euros dans le programme 212, soit une hausse de 59 millions d'euros. Cette somme du titre 2 est inscrite dans la LPM, portant en réalité les sommes consacrées au surcoût pour les OPEX et des OPINT à 950 millions d'euros.

Les députés du groupe Les Républicains restent inquiets quant à un éventuel financement par le ministère de la Défense du service national universel (SNU), ce qui serait contraire à l'article 3 de la LPM 2019-2025. Nous constatons en effet que le SNU n'est mentionné dans aucun document budgétaire alors qu'une expérimentation, réduite certes, est prévue dès 2019. Nous craignons que l'augmentation de 9 millions d'euros inscrite au titre 2 du programme 212 liée à l'augmentation du personnel travaillant à la Journée défense et citoyenneté ne soit un financement déguisé du SNU. Nous y reviendrons plus longuement en séance.

En ce qui concerne le budget des anciens combattants, nous regrettons que le budget 2019 soit en baisse de 5,13 %. Nous regrettons au nom de la reconnaissance de la Nation en faveur du monde combattant que la spirale de la baisse enclenchée en 2013 se poursuive après une baisse de 3,2 % en 2018. Malgré cette baisse du budget et grâce à la diminution naturelle des effectifs, le Gouvernement peut cependant annoncer quelques mesures en faveur des anciens combattants et de leurs ayants-droit, comme la mise en place d'un mécanisme de solidarité au profit des enfants de harkis ou l'attribution de la carte du combattant aux militaires déployés en Algérie après le 2 juillet 1962 et jusqu'au 1er juillet 1964. Les députés Les Républicains se réjouissent de ces annonces mais déplorent que, pour des raisons purement politiciennes, le Gouvernement ait fait rejeter par sa majorité le 5 avril dernier la proposition de loi de notre collègue Gilles Lurton portant sur l'attribution de la carte du combattant aux militaires déployés en Algérie après le 2 juillet 1962 et jusqu'au 1er juillet 1964.

Nous regrettons que ce budget des anciens combattants renoue avec des habitudes de la précédente majorité et rompe de nouveau avec la dynamique enclenchée il y a dix ans sous l'ancienne majorité UMPLR qui avait permis l'augmentation de 30 % de la retraite du combattant, entre 2007 et 2012, son montant étant ainsi passé de 488 euros à 609 euros. Le groupe Les Républicains poursuivra donc cette logique et demandera à l'occasion du budget 2019 la poursuite de l'augmentation de la retraite du combattant. Il s'agit pour nous de rappeler notre attachement au monde combattant et de faire en sorte que cette augmentation soit régulière et ne dépende pas des aléas électoraux.

Plus généralement les députés LR s'associent aux associations d'anciens combattants qui font part de leurs inquiétudes quant à l'avenir de leur budget et sa refonte dans certains dispositifs existants.

Le groupe Les Républicains regrette également que dans ce nouveau monde aseptisé, Emmanuel Macron ait décidé que la commémoration annuelle du 11 novembre se fera sans militaires ou presque. Il est à noter que ce choix diplomatique n'a pas été effectué par les Britanniques et les Américains. Il faut aussi préciser que, depuis le 11 novembre 2011, la France ne commémore plus seulement l'armistice de 1918 mais aussi tous les soldats tombés en opérations extérieures.

Pour conclure, le groupe Les Républicains, compte tenu des observations exposées, s'abstiendra sur le budget que vous nous présentez. Nous formulons aujourd'hui une abstention vigilante en commission. Vigilante, car nous avons été échaudés dans le passé par des annonces non concrétisées budgétairement. En effet, le chef d'état-major des armées a récemment rappelé à quel point nos armées étaient, je cite, éreintées, sous-équipées, sous-dotées, sous-entraînées, épuisées par leurs multiples engagements qui dépassent largement leur contrat opérationnel. Ceci démontre à quel point les députés LR, depuis 2014, ont eu raison à chaque audition dès l'engagement de nos armées dans le cadre de l'opération Serval d'alerter l'exécutif de l'inadéquation entre la LPM 2014-2019, même réactualisée, et l'action de nos forces. Dois-je rappeler les commentaires alors dithyrambiques de certains affirmant, malgré les évidences, en audition et à la presse que la LPM de M. Le Drian était totalement en adéquation avec les missions demandées. Nous sommes aujourd'hui dubitatifs et vigilants, certains députés appartenant à la majorité précédente étant toujours dans la majorité, bien qu'ayant changé de parti. Notre abstention est donc vigilante au sein de cette commission.

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