Intervention de Jean-Hugues Ratenon

Réunion du mercredi 24 octobre 2018 à 16h15
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Hugues Ratenon :

Premièrement, la présentation de ce budget et le bleu budgétaire transmis n'affichent pas les mêmes chiffres : la page 2 du document de présentation fait état de 2,525 milliards d'euros d'AE, alors que dans le document définitif, cette même ligne affiche 2,576 milliards d'euros... 50 millions de différence ! Que signifie cette incohérence ? D'où vient cette somme et à quoi va-t-elle servir ?

Deuxièmement, où est le document de politique transversale ? Ce document recense les affectations budgétaires dans chaque outre-mer. C'est un élément précieux qui nous permet de travailler sérieusement sur le budget. Mais cette année, nous ne l'avons pas. Est-ce pour essayer de nous tromper, ou une volonté de saboter le travail des parlementaires ?

Au-delà de ce flou, j'aimerais appeler l'attention de ceux qui nous écoutent sur le traitement des amendements. Un simple exemple : l'an dernier, en séance, les députés sur tous les bancs avaient voté mon amendement sur l'enseignement des langues d'outre-mer et la lutte contre l'illettrisme. Et par un tour de passe-passe, il a disparu... Je le redépose cette année, et voilà qu'il n'est même plus recevable pour être examiné ! Comment expliquer cela ?

Nous voilà empêchés d'aborder de vrais sujets de fond pour nos territoires par des astuces et des changements de règle en cours de jeu. Pour rappel, j'ai déposé treize amendements : dix ont été écartés avant même de passer en commission. Ainsi, j'avais prévu des amendements sur la qualité de l'eau potable en outre-mer, sur la continuité territoriale, sur la préservation de notre biodiversité, ou encore sur la question du parc national de La Réunion. Mais nous ne pourrons vraisemblablement pas en discuter, et c'est bien dommage.

Pour revenir à ce budget dans sa globalité, on annonce qu'il est en hausse à structure constante. Mais si on rapporte sa très faible augmentation à l'inflation – + 1,6 % – et à l'augmentation de la population – + 0,4 % –, il manque déjà 25 millions d'euros pour que ce budget soit constant par rapport au budget 2018. Il ne peut donc pas être en hausse.

Pour le reste, on poursuit le maquillage des comptes : on prétend augmenter le fonds exceptionnel d'investissement de 70 millions d'euros, alors que l'on prend dans nos propres poches, puisqu'on les financera par le biais de la réduction de l'abattement fiscal outre-mer !

Dans le même ordre d'idées, la ministre annonce avoir augmenté de 296 millions d'euros le soutien aux entreprises. Mais ce n'est pas une vraie augmentation : ce sont des exonérations de cotisations, autrement dit des ressources qui ne seront pas perçues par la sécurité sociale. On ne saurait y voir des moyens nouveaux. Et tout cela est très éloigné de l'idéal de solidarité nationale...

Je suis heureux de constater que le Gouvernement estime que la situation du mal-logement en outre-mer semble s'être améliorée : l'enveloppe de l'action Logement du budget outre-mer est en recul de 3,6 % par rapport à l'année dernière... Il en va de même pour l'action Insertion économique et coopérations régionales, qui baisse de 6 %. Quant à l'action Pilotage des politiques publiques, elle connaît une diminution de 18 %.

Dans l'insincérité, le Gouvernement annonce aussi des hausses de budget qui n'en sont pas. Ainsi, le budget Sanitaire, social, culture, jeunesse et sport augmente de seulement 1,6 million alors que vous l'avez diminué de 2,1 millions en 2018. Il manque donc 500 000 euros. Idem pour le budget Collectivités territoriales : plus 15 millions cette année alors que vous avez retiré 54 millions l'an dernier...

Bref, ce budget n'est pas acceptable, ni dans la méthode de présentation ni sur le fond.

Alors, le Gouvernement fera certainement comme lors de la première partie du projet de loi de finances : il continuera à humilier les peuples d'outre-mer en faisant voter par les Hexagonaux ce dont les députés ultramarins ne veulent pas. La majorité l'a fait pour les articles 4 et 5, qui faisaient pourtant l'unanimité contre eux. Pire encore, sur l'article 11, le Gouvernement a décidé de faire revoter à 4 heures du matin, alors que notre collègue Letchimy avait réussi à empêcher cette attaque contre le logement social.

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