Intervention de Sébastien Jumel

Réunion du mercredi 24 octobre 2018 à 9h30
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSébastien Jumel :

Ses propos reflètent la réalité. Il est juste et cohérent de traiter en même temps la politique de la ville et le logement car la place du logement social est évidemment déterminante dans les quartiers de la politique de la ville. Un tiers de la ville dont j'ai été maire est en QPV. Force est de constater que les familles monoparentales, les retraités modestes, les salariés précaires et les jeunes demandeurs d'emploi ont été les premières cibles des mauvaises politiques que vous avez décidées depuis un an. Elles ont certes produit un résultat positif : les millionnaires se portent mieux. Leur nombre a augmenté de 147 000 depuis le début du quinquennat, ce qui place la France au deuxième rang mondial juste derrière les États-Unis de Trump, avec 2,147 millions de millionnaires.

Quant aux pauvres, qui sont au coeur de la politique de la ville – et même si je souligne le courage de Mme la rapporteure pour avis qui a dénoncé l'impact de la suppression des emplois aidés, laquelle ne sera pas compensée par le doublement des « emplois FONJEP », et qui a insisté sur la fragilité de ces quartiers, notamment en matière de politique sportive – les pauvres, donc, souffrent, et ils souffrent fort. Vous abondez le budget de la politique de la ville de 80 millions d'euros et, dans le même temps, vous asphyxiez les départements qui ferment des services de protection maternelle et infantile, qui réduisent les dotations horaires globales des collèges situés dans les quartiers de la politique de la ville ou qui diminuent les moyens d'accompagnement des fonds de solidarité logement (FSL). Vous asphyxiez également les petites communes – pourtant le partenaire essentiel des politiques de la ville –, ce qui a pour effet de battre en brèche et même de réduire en miettes les contrats de ville. La politique de la ville est pourtant censée être conduite selon le principe de subsidiarité. Or, en flinguant les politiques publiques de droit commun, vous rendez la vie des populations de ces quartiers plus difficiles.

Stéphane Peu a dénoncé les risques majeurs que présentait le projet de loi ELAN. Si Claire O'Petit était ici, elle dirait qu'il faut que les jeunes arrêtent de pleurer pour 5 euros, mais la ponction sur les APL constitue un véritable hold-up, qui me fait craindre un décrochage des plus fragiles d'entre nous dans l'accès au logement social.

Outre le fait qu'elle rendra moins facile la construction de logements dans les villes moyennes et les territoires tendus, la loi ELAN va flinguer les bailleurs à dimension humaine, en les privant de leur capacité à agir sur la rénovation thermique, le cadre de vie, la gestion urbaine de proximité, les murs humides, les ascenseurs en panne et les cages d'escalier indignes.

Pour étayer mon propos, j'userai de chiffres objectifs : entre 2017 et 2018, le nombre de permis de construire a chuté de 19 %. Selon la Fondation Abbé Pierre, le nombre de logements financés par un prêt locatif aidé d'intégration (PLAI) ou un prêt locatif à usage social (PLUS) a subi une baisse de 12 %. Votre politique de démolition du logement social commence déjà à produire ses effets, et ce, jusque dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville.

Que les efforts accomplis par les maires, dans la proximité, puissent être à ce point déconstruits m'interpelle et je suis profondément inquiet de la déstabilisation que cela peut produire chez les publics les plus fragiles. Un an après l'« appel de Grigny », le danger est plus que jamais présent : il y a urgence à se trouver au chevet de la France qui manque, de la France qui souffre – une France qui a pourtant de l'énergie à revendre. C'est le sens de notre contribution à l'examen des crédits du programme politique de la ville : leur progression ne compense pas l'abandon des politiques de droit commun et la démolition de la politique du logement social.

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