Intervention de Annick Girardin

Séance en hémicycle du mardi 30 octobre 2018 à 15h00
Projet de loi de finances pour 2019 — Outre-mer

Annick Girardin, ministre des outre-mer :

Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, le projet de budget que je vous présente aujourd'hui ne laissera personne indifférent parce qu'il découle de choix politiques majeurs. Par le vote des crédits dont nous abordons l'examen, c'est bien sur des orientations politiques que vous allez vous prononcer.

Les assises des outre-mer ont permis l'expression directe de milliers de nos concitoyens, d'entrepreneurs et de porteurs de projets qui nous ont dit à quel point l'État est attendu. Et les attentes sont claires : une qualité de vie améliorée, plus de services publics, de crèches et de transports ; un système de santé performant ; des formations et des emplois pour la jeunesse ultramarine ; une société moins inégalitaire et plus solidaire.

Face à ces aspirations, nous aurions pu faire des promesses : promettre une égalité « réelle » ou une convergence des niveaux de vie vers un idéal hexagonal, ou encore vers une moyenne nationale dont personne n'ignore pourtant les disparités qu'elle recouvre. Ainsi, à Saint-Barthélemy, le taux de chômage est de seulement 3 %. Que signifie la convergence dans ce cas ? De même, que signifie la convergence dès lors qu'au cours des dix dernières années c'est la dégradation plus rapide des indicateurs métropolitains en matière d'activité qui a permis une réduction de l'écart avec l'outre-mer ? Que signifie la moyenne nationale quand le PIB de la Sarthe est trois fois plus faible que celui de Paris ?

Ce n'est pas ma vision des choses, vous le savez tous. Les outre-mer doivent chacun trouver leur propre modèle de développement ; l'État ne s'y substituera pas. Il a en revanche l'impérieux devoir de créer toutes les conditions pour que les libertés individuelles et collectives s'expriment ; il a l'obligation de protéger les plus modestes et d'encourager les solidarités. Et c'est ce que nous voulons faire.

Pour permettre aux territoires d'engager une dynamique de progrès économique, nous avons fait le choix d'agir sur l'investissement public et sur l'appui aux entreprises.

S'agissant de l'investissement public, les crédits du fonds exceptionnel d'investissement – FEI – passent de 40 à 110 millions d'euros. Ce niveau d'engagement sera maintenu tout au long du quinquennat : ce seront donc près de 500 millions d'euros que le ministère des outre-mer aura affectés au financement des infrastructures essentielles des territoires. Je souhaite qu'une partie de ces crédits, au moins 15 millions d'euros par an, soit dédiée aux infrastructures dont les entreprises ont besoin pour fonctionner. Par exemple, en ce qui concerne la pêche, il faut financer des quais, des terre-pleins, des machines à glace, des entrepôts et du matériel d'avitaillement pour que les entreprises s'implantent et se développent. Une entreprise de transport routier attend, quant à elle, des routes en bon état, éclairées, et des réseaux de télécommunication qui fonctionnent. Voilà exactement ce que je souhaite que nous fassions ensemble.

Je parlais de convergence ; ces crédits y contribuent efficacement. La loi de programmation relative à l'égalité réelle outre-mer – LEROM – a par ailleurs prévu la signature d'une nouvelle génération de contrats dédiés au financement du rattrapage structurel. J'ai souhaité que ces contrats de convergence soient aussi dits de transformation. Ils seront signés avant la fin de l'année et scelleront les engagements de l'État et des collectivités jusqu'en 2022. Les outre-mer sont, de ce point de vue, en avance sur l'Hexagone ! Sur quatre ans, l'effort, au niveau de l'ensemble des périmètres ministériels, s'élèvera à plus de 2 milliards d'euros. Pour ce qui est du ministère des outre-mer, nous y consacrerons, dès 2019, 179 millions d'euros, soit 15 % de plus que l'an passé.

L'investissement public, ce sont également, bien entendu, la construction et la rénovation de logements. Cette politique publique est au coeur de mes préoccupations – et des vôtres, je le sais. La ligne budgétaire unique, la LBU, est donc maintenue à 225 millions d'euros et le produit des cessions des parts de l'État au sein des SIDOM – les sociétés immobilières d'outre-mer – sera reversé au ministère des outre-mer en loi de finances rectificative.

J'ai rencontré la semaine dernière les acteurs du logement à La Réunion et j'y ai réaffirmé les engagements pris en matière d'accession à la propriété et d'aide à la rénovation de l'habitat privé, qu'il s'agisse du traitement de l'ensemble des dossiers actuellement bloqués ou de la création, en 2019, de nouveaux mécanismes en matière d'aide à la rénovation et d'accession à la propriété.

La diversification des parcours résidentiels outre-mer est une grande préoccupation du Gouvernement. Le présent projet de loi de finances comporte, vous le savez, de nombreuses mesures fiscales favorables à la construction de logements : prolongation de la défiscalisation, amélioration de la chronique de versement des crédits d'impôt, augmentation des quotas de prêts locatifs sociaux, allongement des délais de mise en location, extension de la défiscalisation dans les collectivités d'outre-mer pour la réhabilitation du parc social existant.

C'est grâce à des ambitions fortes, et des moyens à la hauteur de celles-ci, que nous pourrons relever de la manière la plus pertinente les défis du logement en outre-mer. Je vous propose donc de les construire et de les réaffirmer ensemble, à l'occasion d'une grande conférence dédiée au logement qui nous réunira tous, avec mon collègue Julien Denormandie, avant la fin du mois de décembre.

J'ai souhaité que ce renforcement de l'investissement public s'accompagne d'un soutien réaffirmé aux entreprises. La dépense publique doit en effet être mise au service d'une société créatrice de valeur et d'emplois. Ces priorités sont réaffirmées ici. Notre objectif est de construire un écosystème d'accompagnement des entreprises pérenne et ciblé, et de faire des outre-mer des territoires de conquête économique.

La transformation du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi – CICE – en allégement renforcé de charges sociales a, vous le savez, entraîné un bouleversement des exonérations spécifiques outre-mer. Dans ce contexte particulier, notre volonté a été d'assumer une politique de l'emploi, de simplifier les barèmes existants et de parier sur les secteurs d'avenir que sont l'économie bleue, l'innovation, le tourisme et l'industrie. Nous rendons donc possible le « zéro charges » dans les zones les plus pourvoyeuses d'emplois. Vous le savez, outre-mer, 53 % des salariés gagnent moins de 1,4 SMIC et 80 % des demandeurs d'emploi sont peu ou non diplômés.

Je précise que la modification des circuits de financement des exonérations de charges a entraîné pour notre budget une mesure de périmètre entrante de 296 millions d'euros. Il s'agit, comme j'ai déjà eu l'occasion de le dire à plusieurs reprises, d'une mesure purement technique : il n'est donc pas question d'enfermer les outre-mer dans un modèle économique de faible valeur ajoutée, puisque près de 700 millions d'euros seront investis dans la formation outre-mer au cours du quinquennat.

Lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019, le Gouvernement a créé un certain nombre de dispositifs et amendé le dispositif prévu afin de renforcer les exonérations applicables à des secteurs comme la presse et les transports maritimes et aériens.

Nous souhaitons préserver l'attractivité de la Guyane : à cette fin, une réflexion est en cours et un amendement sera présenté soit au Sénat, soit en nouvelle lecture à l'Assemblée nationale.

Ce nouvel écosystème économique ne se résume pas aux exonérations, même si celles-ci occupent une place importante dans les crédits du ministère. Pour améliorer le financement de l'économie, la mission outre-mer sera enrichie de quelque 50 millions d'euros ainsi que de nouveaux outils nécessaires au démarrage des projets : c'est l'objet de la nouvelle action 04 « Financement de l'économie », qui figure désormais au programme 138 « Emploi outre-mer ». De quoi s'agit-il ? De garanties d'emprunt, de prêts bonifiés, de dotations en fonds propres, de capital-risque, de préfinancement ainsi que d'apports en subventions dans le cadre d'appels à projets ciblés. Nous répondons ainsi, tout simplement, aux demandes des entreprises qui peinent aujourd'hui à accéder au financement nécessaire à leur développement.

Avec la réforme des dispositifs zonés et la prolongation de la défiscalisation, nous construisons un ensemble cohérent et efficace, sans compter le renforcement des moyens dédiés au financement des investissements structurants, qui bénéficiera directement à l'activité des entreprises. Je vous rappelle que, pour les secteurs qui bénéficient des nouvelles zones franches d'activité – ZFA – , le taux d'impôt sur les sociétés a été réduit à 6 % : c'est mieux que l'Irlande ! Au total, ce sont bien 100 millions d'euros qui seront investis dans le soutien à l'activité économique.

Mesdames et messieurs les députés, les assises des outre-mer n'ont pas été l'année zéro des politiques publiques outre-mer, le Livre bleu n'est pas un catalogue de mesures non financées et le budget de la mission « Outre-mer » pour 2019 n'est pas attentiste. Les assises ont traduit des besoins précis ; le Livre bleu est une feuille de route qui oblige l'ensemble du Gouvernement ; ce projet de budget propose de transformer nos territoires pour les rendre plus attractifs, plus agréables à vivre – comme on nous l'a demandé – , pour en faire des terres d'excellence et de rayonnement. Telle est notre ambition.

Investir pour l'avenir, mettre la dépense publique au service du développement des territoires et soutenir les porteurs de projets : ce sont, pour nos territoires d'outre-mer, des choix que j'assume et auxquels je crois.

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