Intervention de Patrick Hetzel

Séance en hémicycle du mercredi 31 octobre 2018 à 15h00
Projet de loi de finances pour 2019 — Justice

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPatrick Hetzel, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire :

S'agissant de la mission « Justice », je dois à la vérité de dire que je m'interroge, depuis plusieurs exercices, sur la portée exacte du volontarisme budgétaire qui caractérise désormais les projets de loi de finances en la matière. Ces doutes, je suis amené à les exprimer derechef.

À bien des égards, la programmation budgétaire pour 2019 me semble s'inscrire pleinement dans la poursuite de cette logique expansionniste. Que prévoit le présent projet de loi de finances ? Une nouvelle hausse des crédits et un relèvement du plafond d'emplois, comme vient de l'indiquer à l'instant Mme la garde des sceaux ! Il porte les autorisations d'engagement à un peu plus de 9 milliards, et les crédits de paiement également.

Au sein de cette progression globale, qui bénéficie à tous les programmes, l'évolution des crédits de paiement alloués au programme « Administration pénitentiaire » joue un rôle prépondérant. Elle résulte de la hausse des dépenses d'investissements en matière immobilière. Les crédits supplémentaires alloués au titre 5 doivent notamment permettre la construction de structures d'accompagnement vers la sortie et de cinq nouvelles maisons d'arrêt dans les zones où la densité carcérale est la plus élevée.

Toutefois, tous les besoins ne me semblent pas satisfaits. C'est la raison pour laquelle je soutiendrai plusieurs initiatives du groupe Les Républicains visant à renforcer la sécurisation des établissements pénitentiaires. Nous aurons l'occasion d'en débattre.

Le programme 310 voit également ses moyens renforcés. La hausse des crédits de paiement vise à satisfaire les besoins découlant de la mise en oeuvre du plan de transformation numérique engagé en 2018. Les ressources dont bénéficie le programme « Justice judiciaire » enregistrent une augmentation plus modérée, essentiellement due à la hausse des crédits d'investissement. La hausse des crédits du titre 5 résulte de deux facteurs : d'une part, la poursuite des opérations immobilières engagées en application de la loi de modernisation de la justice du XXIe siècle et des agendas d'accessibilité programmée, d'autre part et surtout, l'engagement en 2019 d'une nouvelle programmation judiciaire.

Le PLF 2019 propose d'augmenter le plafond d'emplois de la mission de 1 660 équivalents temps plein. Pourtant les dépenses de personnel – de l'ordre de 2,06 % – progressent moins rapidement que l'ensemble des dépenses de la mission. Au début de mon intervention, j'ai affirmé ressentir des doutes ; de fait, je constate que la maquette de performances pour 2019 vise pour l'essentiel une stabilisation des indicateurs sur la base desquels nous pouvons évaluer l'exercice des missions confiées à la justice. Les délais moyens de traitement des procédures civiles demeurent ceux attendus pour 2018. Il en va de même pour le nombre d'affaires pénales traitées par magistrat du siège et du parquet. La surpopulation pénale ne reculera pas. Ces objectifs sont certes réalistes, mais pas très ambitieux !

Par ailleurs, la programmation pour 2019 ne dissipe pas les préoccupations quant à la maîtrise de la dépense. Ce constat vaut pour les frais de justice, même si des efforts ont été faits. Surtout, je tiens à appeler l'attention sur la croissance très substantielle – plus de 7 % – des crédits accordés à l'aide juridictionnelle. Évidemment, on peut se féliciter de ce que l'État permette un accès au droit et à la justice ; mais cette politique publique me semble aujourd'hui confrontée à un risque inflationniste et il est de mon devoir, en tant que rapporteur spécial, d'alerter la représentation nationale sur ce problème.

Bien entendu, je ne mésestime pas les efforts de modernisation prévus pour 2019. Je pense en particulier aux ressources dégagées en faveur du plan de transformation numérique – un point très intéressant. En y consacrant 49 millions en autorisations d'engagement et 97,3 millions en crédits de paiement, la programmation me semble de nature à permettre un utile renforcement des outils applicatifs et à conforter la dématérialisation des procédures, qui en avaient bien besoin. Répondre aux attentes de nos concitoyens vis-à-vis de la justice appelle une politique de long terme qui va au-delà d'une hausse continue des moyens budgétaires. C'est donc en considération de l'effort fourni et des doutes quant aux résultats que l'on peut en attendre que je préconise l'abstention dans le vote sur les crédits de la mission « Justice ».

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