Intervention de Alain David

Séance en hémicycle du mercredi 31 octobre 2018 à 15h00
Projet de loi de finances pour 2019 — Culture

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAlain David, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères :

.. un monde d'images où les rumeurs et les fake news font l'opinion publique, un monde hyperconcurrentiel où les Chinois et les Russes investissent des sommes faramineuses dans leur audiovisuel extérieur. La France doit être capable de s'y investir, sans quoi nous disparaîtrons du paysage international.

Sur les crédits relatifs à l'action audiovisuelle extérieure, j'ai quelques motifs de satisfaction, mais surtout beaucoup de motifs d'inquiétude.

Quelques motifs de satisfaction, d'abord, à propos des résultats de nos groupes de médias internationaux, et du chemin qu'ils ont parcouru ces dernières années. En 2017, France Médias Monde – c'est-à-dire France 24, Radio France internationale et Monte Carlo Doualiya – a touché 150 millions de personnes chaque semaine. Le lancement de France 24 en espagnol à Bogota en 2017 et à Buenos Aires a été l'occasion de mesurer l'enthousiasme des autres médias et des autorités. TV5 Monde reste, quant à elle, numéro un en nombre de téléspectateurs pour l'Afrique francophone. Arte, qui repose sur un socle franco-allemand, est en train de devenir une véritable chaîne européenne.

Nous n'avons donc pas à rougir des résultats de notre audiovisuel extérieur, mais les défis sont nombreux pour garder une présence forte. Nous n'avons pas pris toute la mesure de la révolution numérique. La convergence numérique bouscule les frontières – y compris entre médias nationaux et internationaux – et les modes de production et de diffusion. Elle impose de modifier les contenus et l'organisation interne des groupes, et de faire évoluer les métiers et les méthodes de travail.

J'en viens aux motifs d'inquiétude. On demande à l'audiovisuel extérieur de faire, à nouveau, des économies. L'État s'était engagé, par la convention d'objectifs et de moyens de France Médias Monde, à procéder à une augmentation de 23,1 millions d'euros des ressources publiques. Cette trajectoire n'a pas été respectée : en 2018, les économies demandées ont été de 1,9 million, et en 2019, on attend de France Médias Monde près de 3 millions d'euros d'économies.

Je me permets, à ce propos, d'appeler votre attention sur le sort de nos correspondants à l'étranger, qui ne bénéficieront plus d'une réelle couverture sociale.

Le développement d'Arte Europe nécessite, quant à lui, un soutien pérenne de 1,5 million d'euros par an ; or la contribution française est en baisse. Pour TV5 Monde, la France va diminuer sa dotation de 1,2 million. Par comparaison, le BBC World Service a reçu un financement de 291 millions de livres en 2016, sur une période de quatre ans, et le budget de la Deutsche Welle devrait atteindre 350 millions d'euros en 2019.

Le problème n'est pas, en soi, la participation de ces opérateurs à l'effort de réduction des dépenses : le problème, pour ces chaînes, tient à l'absence totale de visibilité à plus de six mois, ce qui est totalement incompatible avec les ambitions qu'on leur fixe par ailleurs. Monsieur le ministre, il y a une absence de réflexion stratégique au plus haut niveau sur notre audiovisuel extérieur. Il manque une vision à dix ou quinze ans, une idée de ce que doit être la place de l'audiovisuel extérieur dans le paysage audiovisuel français d'une part, et dans notre diplomatie d'influence d'autre part.

L'audiovisuel extérieur devait initialement être intégré à la réforme de l'audiovisuel public. Il a été finalement décidé d'y consacrer un groupe de travail ad hoc, présidé par le secrétaire général du Quai d'Orsay. Nous pensons que c'est une erreur, car la question est tout autant celle de l'internationalisation de notre audiovisuel national que celle de la réforme de notre audiovisuel extérieur. Les partenaires privés, par ailleurs, devraient être associés à cette réflexion.

La commission des affaires étrangères a déjà décidé de s'emparer de cette question : j'espère, monsieur le ministre, que vous répondrez favorablement à notre appel.

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