Intervention de Sylvie Tolmont

Séance en hémicycle du mercredi 31 octobre 2018 à 15h00
Projet de loi de finances pour 2019 — Culture

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSylvie Tolmont :

Permettez-moi tout d'abord une remarque sur l'organisation de ce débat budgétaire : réunir dans une seule discussion liminaire la totalité des missions assumées par le ministère de la culture ne rend pas la tâche facile aux orateurs que nous sommes. J'espère qu'il ne faut pas y voir, monsieur le ministre, le symbole d'un rétrécissement de l'intérêt pour votre ministère de la part de votre majorité. J'entends que celle-ci soit pressée, mais tout de même ! Débattre en même temps et dans un délai ainsi réduit des missions « Culture », « Médias, livre et industries culturelles » et « Avances à l'audiovisuel public » ne risque pas d'augmenter l'attractivité de nos discussions en cette assemblée ! J'irai donc à l'essentiel, en espérant que notre groupe ne sera pas perçu comme trop réducteur, et nous tenterons par nos amendements de poursuivre la discussion.

Ainsi donc, après votre prédécesseure, vous vous félicitez, monsieur le ministre, de présenter un budget étale par rapport à 2018, faisant ainsi l'éloge de la stagnation. Je précise que, globalement et compte tenu de l'inflation, votre budget diminue en euros constants. Pour nous, Socialistes et apparentés, il s'agit là d'un budget terne, d'un budget qui manque d'élan, d'un budget qui ne concrétise pas la grande ambition portée par le Président de la République, celle de la démocratisation de l'accès à la culture. Si lutter contre la ségrégation culturelle, qu'elle soit d'origine sociale ou géographique, est un objectif que nous partageons, nous considérons que cette impérieuse nécessité mérite mieux que les bonnes intentions et que la politique des petits pas qui semble être devenue la signature de votre gouvernement.

Traduction même de votre manque d'ambition et de choix budgétaires contestables – pourtant qualifié de « révolution » par votre prédécesseure ; projet présidentiel s'il en est, puisque inscrit au programme du candidat Macron ; vanté depuis comme la mesure phare de votre politique en matière de démocratisation culturelle en direction de la jeunesse : je veux parler du fameux Pass culture. Cette idée ancienne de délivrer des bons d'achat de produits culturels, déjà expérimentée dans certaines collectivités, contestée par des personnalités qualifiées, n'a pas fait ses preuves, tant s'en faut, et il suffit pour s'en convaincre de considérer l'expérience ratée du Bonus Cultura en Italie.

C'est pourquoi il nous paraît assez hasardeux de considérer qu'en matière culturelle, une mesure incitative associée à un support numérique permettrait de lutter contre les inégalités sociales et spatiales d'accès à la culture. Comme Françoise Benhamou l'exprime dans une tribune récente, nous ne pensons pas que le Pass Culture soit un outil d'émancipation : c'est la pratique culturelle qui peut l'être, et ce dès le plus jeune âge. C'est le sens même du parcours éducatif et culturel que nous avions mis en place, je le rappelle, dans la loi de refondation de l'école en 2013.

Comment comprendre alors que votre gouvernement persiste dans cette impasse et s'engage à hauteur de 34 millions en 2019 pour l'expérimentation d'un dispositif dont la généralisation est évaluée à 400 millions en année de croisière, dont le financement n'est à ce stade pas assuré et dont la portée concrète en matière d'accès des jeunes à la culture semble bien aléatoire ? À n'en pas douter, ces crédits budgétaires pourraient être alloués efficacement à d'autres programmes : nous pensons en particulier à l'action « Soutien aux établissements d'enseignement supérieur et insertion professionnelle », qui perd 22 millions en crédits de paiement, et à l'action « Patrimoine des musées de France » dont le budget est en baisse pour la deuxième année consécutive alors même que ces musées participent incontestablement à l'effort de démocratisation que nous appelons tous de nos voeux. N'ont-ils pas pour mission, selon le code du patrimoine, de « rendre leurs collections accessibles au public le plus large« et de « concevoir et mettre en oeuvre des actions d'éducation et de diffusion visant à assurer l'égal accès de tous à la culture » ?

Monsieur le ministre, ce n'est pas la présence d'un Picasso dans votre bonne ville de Coulommiers qui nous rassurera sur votre volonté réelle de soutenir l'irrigation culturelle des territoires et l'accès à la culture pour tous.

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