Intervention de François Cornut-Gentille

Séance en hémicycle du vendredi 2 novembre 2018 à 9h30
Projet de loi de finances pour 2019 — Défense ; anciens combattants mémoire et liens avec la nation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois Cornut-Gentille, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire :

Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d'État, monsieur le président de la commission, madame et messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, je voudrais profiter de ce débat pour poser quelques questions sur le budget, l'information du Parlement et l'Europe de la défense.

Madame la ministre, les crédits proposés par le Gouvernement pour la mission « Défense » sont conformes à la loi de programmation militaire. Nul ne peut nier que l'effort est significatif. Mais le passé nous apprend que toutes les premières annuités budgétaires de LPM respectaient la programmation prévue, les difficultés n'intervenant que plus tard. Cette expérience toujours répétée doit nous inciter à être vigilants. On voit en effet poindre des motifs d'inquiétude.

Lors des auditions auxquelles j'ai procédé, j'ai ainsi été étonné par la prudence des propos de l'ensemble des responsables du ministère lorsque je les interrogeais sur la fin de gestion : personne ne pouvait affirmer que Bercy tiendrait parole. Le dégel de la réserve de précaution ou la couverture des surcoûts liés aux OPEX sont encore et toujours des sujets pouvant impacter la bonne exécution des crédits. Certes, il n'est plus question de recettes exceptionnelles, et nous nous en réjouissons. Mais quid de la surchauffe des prix du carburant pour les armées ? Quid du périmètre de la provision des surcoûts OPEX en 2019 ? Est-il de 850 ou de 950 millions d'euros ? La technique budgétaire a des ressources inattendues pour contourner la volonté du législateur. Madame la ministre, pouvez-vous nous en dire plus sur la fin de gestion, et, à plus long terme, sur les engagements de Bercy à respecter la LPM ?

Le budget 2019 valide les axes de réforme portés par la LPM, que je partage. J'aurai toutefois à formuler à votre attention, madame la ministre, plusieurs demandes, qui concernent l'information du Parlement.

Personne ne conteste la nécessité de réformer les dispositifs actuels de MCO – maintien en condition opérationnelle. Si la DMAé – la direction de la maintenance aéronautique – , nouvellement créée, aura une tâche difficile, nous devons tous souhaiter le succès de votre réforme. Mais, de façon incompréhensible, les services du ministère rechignent toujours à transmettre des chiffres précis sur la disponibilité des matériels, qui permettraient d'évaluer l'efficacité des mesures prises. Un seul exemple : les documents budgétaires évoquent un taux de disponibilité pour les appareils d'attaque ou de reconnaissance, sans plus de distinction. Or qui peut croire que le MCO du Tigre et celui de la Gazelle soient de même nature ? Plus de transparence ne peut qu'aider à la réussite de la réforme engagée. Le ministère doit donc cesser de s'obstiner à gommer les difficultés. Madame la ministre, allez-vous donner des instructions à vos services afin que soient transmises au Parlement des informations exhaustives sur la disponibilité des matériels ?

D'une façon plus générale, lors du printemps de l'évaluation, j'avais regretté l'absence ou l'imprécision des réponses aux questions parlementaires. Cet automne budgétaire se heurte aux mêmes difficultés. C'est d'autant moins compréhensible que la majorité, à juste titre, fait une priorité de la sincérité budgétaire, de la transparence et de l'évaluation. Madame la ministre, comptez-vous vous engager personnellement pour une meilleure information du Parlement ?

Enfin, que ce soit pour le MCO ou pour l'innovation, de nouvelles structures ont été créées. Outre la DMAé, je mentionnerai également l'Agence de l'innovation de défense. Si ces structures existent en droit, elles n'apparaissent pas dans la présentation budgétaire. L'architecture de la mission « Défense » est en effet inchangée depuis 2006. Il est ainsi impossible, à partir des documents dont nous disposons, de déterminer quels sont les moyens humains et financiers de la nouvelle Agence de l'innovation de défense. On ne peut se satisfaire de ce trou noir. Madame la ministre, seriez-vous favorable à une nouvelle présentation budgétaire, avec des indicateurs reprenant vos propres priorités ?

Je voudrais conclure mon propos par l'Europe de la défense. Que ce soit en matière d'engagement, de capacités ou d'industrie, tous les gouvernements renvoient à l'Europe pour dépasser les difficultés nationales. Le vôtre ne déroge pas à la règle, et je ne remets pas en question cette ambition. Je m'interroge cependant sur le réalisme de la stratégie menée. Si la France est assurément la première puissance militaire européenne, ce statut ne lui suffit manifestement pas pour enclencher une réelle dynamique.

Je donnerai un seul exemple, modeste mais révélateur : le MCO des équipements développés en coopération, plus précisément celui des hélicoptères Tigre et NH90. Leur taux de disponibilité est particulièrement faible, malgré leur jeunesse. Améliorer leur disponibilité impose de s'entendre entre Européens sur l'approche contractuelle, financière et industrielle. Or, de l'aveu même de la directrice de la DMAé, nous en sommes encore très loin.

Plus largement, le Brexit, le nouveau gouvernement italien et l'affaiblissement de Mme Merkel doivent nous inciter à nous interroger sur la capacité de la France à convaincre ses partenaires.

Et que dire de l'acquisition de F-35 par la Belgique, de l'âpre compétition en matière de sous-marins ou des risques et des menaces qui pèsent sur le projet de SCAF, le système de combat aérien futur ?

Chaque semaine apporte ainsi son lot de divisions et de replis nationaux en Europe. Madame la ministre, ces difficultés ne doivent-elles pas nous amener à revoir notre copie ?

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