Intervention de Didier Quentin

Séance en hémicycle du vendredi 2 novembre 2018 à 9h30
Projet de loi de finances pour 2019 — Défense ; anciens combattants mémoire et liens avec la nation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDidier Quentin, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères :

Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d'État, madame et messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, « ce n'est que quand le caractère national et l'habitude de la guerre se soutiennent mutuellement dans une interaction constante, qu'un peuple peut espérer tenir une position solide dans le monde ». Cette citation de Clausewitz, à laquelle j'associerai les propos du général de Gaulle, selon lequel la « défense [… ] a toujours été la base de la politique », nous rappelle combien la capacité de la France à faire entendre sa voix s'appuie sur deux piliers : la diplomatie et la défense.

Bien entendu, nous ne saurions souhaiter que la France entretienne l'habitude de la guerre, mais il faudrait, à tout le moins, qu'elle soit préparée aux menaces multiples que fait peser notre environnement stratégique dans les cinq milieux : terre, air, mer, espace et cyber. Or, vous l'avez rappelé à juste titre, madame la ministre, le défi est de taille.

Face à ces menaces, d'une ampleur et d'une diversité exceptionnelles, vous nous présentez des moyens que vous qualifiez également d'exceptionnels. Il faut bien reconnaître qu'avec les contraintes budgétaires actuelles, l'effort de défense que nous accomplissons pour 2019 est substantiel. Toutefois, Clausewitz disait encore : « Toute la difficulté consiste en ceci : rester fidèle dans l'exécution aux principes qu'on s'est fixés. » Votre premier budget d'application de la loi de programmation militaire est fidèle et sincère, madame la ministre, nous en prenons acte avec satisfaction ; il conviendra que les prochains le soient également.

Je reviens sur les moyens exceptionnels que vous proposez pour la défense. Il semble utile de rappeler que si ces moyens sont exceptionnels pour notre pays, dans la conjoncture présente, à l'échelle du monde, ils sont en réalité plutôt modestes.

Je suis particulièrement préoccupé par la montée en puissance militaire de la Chine, en qui certains veulent voir une puissance pacifique, non impérialiste. Pourtant, force est de constater que la Chine place ses pions, quitte à bousculer un peu les nôtres. Je pense notamment à la formidable base militaire construite à Djibouti, qui pourrait accueillir jusqu'à 10 000 militaires, alors que nous n'en avons plus que 1 350 dans cette zone hautement stratégique pour nos approvisionnements qu'est le détroit de Bab-el-Mandeb. La Chine investit massivement, avec une stratégie à long terme : l'atteinte de son modèle d'armée complet est fixée à l'horizon 2049. Elle investit notamment dans des domaines où nous sommes particulièrement vulnérables, comme le cyberespace ou l'espace exo-atmosphérique mais aussi, de manière plus banale peut-être, à l'espace maritime. La Chine a déjà construit, en quatre ans seulement, autant de bateaux de guerre que notre marine nationale en possède.

La France a la deuxième plus grande zone économique exclusive du monde mais elle ne se donne pas les moyens de la contrôler. Avec la loi de programmation militaire, nous allons simplement revenir à la présence sur les mers qui était la nôtre au début des années 1980, alors que la contestation de ces zones n'a fait que s'accroître. L'augmentation de la conflictualité en mer pourrait devenir exponentielle au cours des prochaines décennies. Pour le moment, nous semblons considérer que c'est un enjeu secondaire par rapport à d'autres urgences, mais si, dans dix ou vingt ans, les puissances rivales viennent contester par la force nos droits maritimes, il sera trop tard pour réagir ; c'est dès maintenant que la réponse doit se préparer.

J'entends que nous lançons les études sur le futur porte-avions. C'est une bonne chose mais il faudrait aller plus loin. Or le budget de la défense est déjà tiraillé entre de multiples exigences. Vu les nombreux défis auxquels nous sommes confrontés, il faut être réaliste : ce budget n'a pas la taille critique qui nous permettrait d'investir dans tout, tout seuls.

C'est pourquoi nous devons impérativement coopérer avec nos partenaires européens ; vous l'avez souligné à plusieurs reprises, madame la ministre, et j'en suis pour ma part intimement convaincu. Dans ce domaine, qui touche au coeur de la souveraineté des États, rien n'est facile. Vous soulignez les avancées de l'Europe de la défense, mais je remarque que nous n'avons pas encore trop avancé s'agissant de la prise en compte par l'Union européenne de notre engagement au Sahel.

Madame la ministre, dans le cadre de la coopération franco-allemande, vous mettez en avant des projets structurants, comme le système de combat aérien du futur – SCAF – ou le char du futur, mais l'actualité récente nous rappelle, s'il en était encore besoin, combien nos intérêts sont éloignés en ce qui concerne les exportations d'armement, vitales pour nos industriels. À quoi bon produire un avion de combat avec l'Allemagne si nous ne pouvons pas le vendre ? Les commandes européennes ne sauraient suffire. En outre, nous voyons bien, avec le choix du F-35 par la Belgique, que les achats européens sont loin de se diriger exclusivement vers l'offre européenne.

Je terminerai donc mon propos en vous posant, madame la ministre, une question qui complétera celle de mon collègue François Cornut-Gentille : où en êtes-vous de vos négociations avec votre homologue allemande sur les règles d'exportation d'armement ?

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