Intervention de Jacques Marilossian

Séance en hémicycle du vendredi 2 novembre 2018 à 9h30
Projet de loi de finances pour 2019 — Défense ; anciens combattants mémoire et liens avec la nation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJacques Marilossian, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées :

Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, depuis 1991, les lois de programmation militaire se sont distinguées par les mesures de réduction d'effectifs et de limitation des équipements. La loi de programmation militaire 2019-2025 a posé les jalons de la remontée en puissance de notre pays. L'objectif d'une autonomie stratégique nationale et européenne pérenne, baptisé « ambition 2030 », a été affirmé.

Le programme de préparation des forces navales, avec plus de 5,3 milliards d'euros en autorisations d'engagement et 2,4 milliards en crédits de paiement – soit, respectivement, 191 % et 8 % de plus qu'en 2017 – , traduit les priorités suivantes : le plan famille, consacré aux personnels militaires et civils ; le renouvellement accéléré de nos capacités opérationnelles ; l'autonomie stratégique nationale et européenne, dans laquelle la France sera au coeur des coalitions ; l'innovation permanente enfin, qui doit assurer la supériorité opérationnelle et technologique de nos armées face aux défis futurs.

La loi de programmation militaire ouvre la voie à un programme très important de réarmement de la marine nationale qui permettra de consolider nos capacités militaires, jusqu'alors insuffisantes, et de moderniser nos forces armées.

Les crédits inscrits dans le projet de loi de finances pour 2019 vont dans ce sens. C'est un marqueur incontestable de la remontée en puissance de nos armées. Bien sûr, pour y parvenir, madame la ministre, le suivi rigoureux de l'exécution du budget de 2019 sera indispensable.

Sur nos capacités militaires, certains constats sont en effet nécessaires : un déséquilibre important persiste entre les ressources et les activités de nos forces navales ; les réductions temporaires de capacités, survenues ou prévisibles, résultent d'investissements passés très insuffisants ; les infrastructures sont encore trop souvent non conformes ; la France, il faut le savoir, est mobilisée sur tous les océans, et la suractivité touche toutes les composantes de la marine nationale.

Mais les crédits pour 2019 s'inscrivent bien dans une ambition de modernisation de nos forces navales. La loi de programmation militaire prend en compte la croissance des besoins de financement, notamment pour le maintien en condition opérationnelle de la marine, puisque les autorisations d'engagement passent de 2 à 4,7 milliards d'euros.

Cela dit, la modernisation de nos forces navales doit être non seulement capacitaire mais aussi humaine. Le véritable défi des ressources humaines est de fidéliser les recrues, avec une nouvelle politique de rémunération des marins, qui passe notamment par la revalorisation des activités opérationnelles.

Lors du salon Euronaval, madame la ministre, vous avez annoncé le lancement d'une phase d'études de dix-huit mois pour la construction d'un nouveau porte-avions. Vous savez combien je m'en réjouis.

Je souhaite maintenant évoquer la guerre des mines. La Russie et la Chine développent en effet des mines modernes, avec l'objectif de réaffirmer leur puissance, cependant que les Houthis du Yémen, par exemple, fabriquent des mines rustiques à partir de réfrigérateurs. Si la France ne développe pas de nouvelles mines, la loi de programmation militaire planifie le renouvellement de nos capacités en matière de guerre de mines.

Pour faire face à de nouveaux déploiements, un saut technologique majeur s'impose. Le programme du système de lutte anti-mines du futur – SLAMF – repose sur la future commande de plusieurs modules de drones pour ce type de guerre ; il devra s'inspirer des innovations du programme franco-britannique MMCM de lutte contre les mines maritimes, lequel propose un système de systèmes. S'agissant du programme SLAMF, j'appellerai cependant à la vigilance sur plusieurs points. D'abord, le calendrier, fixé par la loi de programmation militaire, me semble très contraint. D'autre part, face à l'option de véhicules téléguidés ROV – Remotely Operated Vehicles –, il existe des alternatives, de type mine killer, qui apparaissent plus simples, plus éprouvées et plus robustes. Souvenons-nous qu'efficacité et sophistication ne font pas toujours bon ménage ! Au niveau européen, la coopération industrielle pourrait s'opérer autour des bâtiments mères, avec les Belges et les Hollandais, tout en évitant les querelles entre industriels français.

En conclusion, je crois que la France doit faire preuve d'audace et de vigilance : audace à travers une coopération européenne forte, qui permettra de bâtir une véritable Europe de la défense navale, autonome de celle de l'OTAN et complémentaire avec elle ; vigilance, car l'état actuel de nos forces navales est le fruit d'années de sous-investissements, eux-mêmes consécutifs aux précédentes lois de programmation militaire. J'ai en mémoire une phrase de Sénèque : « Lorsqu'on ne sait pas vers quel port on navigue, aucun vent n'est le bon. » La France, me semble-t-il, sait aujourd'hui dans quelle direction elle navigue. J'émets donc un avis favorable sur le budget de la marine nationale pour 2019.

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