Intervention de Bastien Lachaud

Séance en hémicycle du vendredi 2 novembre 2018 à 9h30
Projet de loi de finances pour 2019 — Défense ; anciens combattants mémoire et liens avec la nation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBastien Lachaud :

Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d'État, chers collègues, le budget de la défense qui nous est proposé s'inscrit, bien sûr, dans le cadre de la LPM adoptée avant l'été. Le Gouvernement fait de grands efforts pour se donner l'air visionnaire, mais en réalité, sa politique est marquée par la continuité dans les alliances, les moyens et les objectifs.

Le Gouvernement cède à la pente des événements au lieu d'influer sur leur cours. Par exemple, dans le domaine spatial, tout le monde constate que l'« arsenalisation » fait peser un risque exorbitant sur la sécurité planétaire et que le droit international doit donc être étoffé sur ce point. Cependant, au lieu de porter une voix singulière, le Gouvernement prend prétexte du développement des capacités spatiales de la Chine et de la Russie pour affirmer qu'il faut faire de même. Étrangement, il met ses pas dans ceux du gouvernement états-unien, qui a décidé de franchir un cap dans la guerre spatiale.

J'observe aussi que, dans ses dernières interventions, la ministre a beaucoup insisté sur la nécessité d'associer le secteur privé au financement de la défense et de l'innovation. Je ne peux que protester contre cette fausse bonne idée qui consiste à satisfaire l'intérêt privé en s'imaginant servir l'intérêt général ; j'y vois, à moyen terme, un asservissement à des opérateurs que la commande publique aura largement subventionnés.

L'obsession de la réduction des coûts amène aussi à privilégier la coopération européenne. Quelle dangereuse illusion, puisqu'il n'y a pas plus de souveraineté européenne que de peuple européen ! Nous abandonnons notre souveraineté et notre capacité industrielle de défense à des coopérations naïves : les partenariats ne sont pas équilibrés et les partenaires pas forcément sincères. Nous sacrifions la souveraineté nationale puisque l'Europe de la défense nous place aussi dans la dépendance vis-à-vis de l'OTAN. C'est la pire des choses quand l'OTAN sert les visées bellicistes d'un Trump. Nous devrions au contraire oeuvrer pour la paix.

D'ailleurs, votre principal objectif, faire atteindre 2 % du PIB au budget de la défense, est imposé par l'OTAN. Les partisans de l'indépendance nationale que nous sommes le déplorent. Il est absurde de se donner pour objectif un taux plutôt qu'une stratégie ; c'est la meilleure façon de perdre de vue que nous parlons de la vie de femmes et d'hommes.

De fait, le moyen choisi pour atteindre cet objectif à la fois étrange et étranger de 2 % est celui qui demandait le moins de réflexion : l'exécutif a choisi d'investir dans la modernisation et le renouvellement de la dissuasion nucléaire. Je rappelle que ce choix a été effectué par le Président de la République sans aucune discussion, a fortiori sans aucun débat démocratique. Il nous engage pourtant sur des décennies et s'inscrit à rebours des obligations que nous avons souscrites en matière de désarmement. Des centaines de millions d'euros sont immobilisés pour plusieurs années et ne seront pas affectés à la préparation opérationnelle, au soutien, à la protection du territoire maritime, au renseignement humain ou à la montée en puissance des capacités cyber, qui devraient être nos véritables priorités.

Dans le domaine du cyber, les moyens et la doctrine ne sont toujours pas prêts. Le COMCYBER, commandant de la cyberdéfense, doit avoir les moyens de nos ambitions. Il est illusoire de penser que l'action dans ce domaine, aussi technique soit-elle, puisse être cantonnée à de petites unités au sein des armées. C'est au contraire par une mobilisation large et par la création d'une véritable culture de défense dans la société que nous pourrons nous protéger et atteindre un niveau de résilience et de réponse satisfaisant.

Du point de vue de la préparation des forces, je me bornerai à citer le général Lecointre, qui constate qu'à l'issue de la période couverte par la LPM, et malgré le fait que nous resterons vraisemblablement engagés sur des théâtres de guerre, notre armée sera toujours une armée de temps de paix. Je note d'ailleurs qu'il faut lire la presse pour apprendre que l'opération Barkhane finira probablement par s'étendre au Burkina Faso.

Personne ne prétend que la remontée en puissance puisse se faire d'un claquement de doigt, mais ce budget ne donne pas réellement aux armées les marges de manoeuvre nécessaires pour qu'elles puissent remplir les missions qui leur ont été confiées. L'argent immobilisé par le renouvellement de la dissuasion aurait aussi permis d'améliorer l'accompagnement des anciens combattants, de fidéliser nos soldats et de compenser réellement les contraintes du service. Je le dis solennellement : la situation dans les armées est préoccupante. Le recrutement n'est certes pas un problème, le désir de servir et le courage trouvent à s'employer, mais ils ne sont pas infinis. Signe des temps : l'esprit de carrière est remplacé par l'esprit contractuel.

Il faut aussi répéter que l'opération Sentinelle est un répulsif très efficace au recrutement, tandis que son efficacité, du point de vue de la sécurité de la population, est très discutable. En outre, il faut dire que la nation ne fait pas tout ce qu'elle peut pour adoucir la condition des militaires, qu'il s'agisse de l'hébergement, des salaires, des carrières ou même, si j'ose dire, du confort : le plan famille est bien lent à se concrétiser ; une demande aussi simple que celle d'un meilleur équipement en wifi n'est toujours pas prise en compte.

Je regrette qu'un débat à part entière ne soit pas consacré aux anciens combattants. Pourtant, le sujet le mérite. Sur ce sujet, je me bornerai à dire que si les choses ont évolué, il reste beaucoup à accomplir, notamment dans la prévention et la prise en charge des blessures psychiques – d'autant que le nombre de victimes ira croissant, compte tenu des années d'engagement que nous avons derrière et devant nous.

En cette année du centenaire de la fin de la Première Guerre mondiale, je ne peux conclure sans adresser un mot d'hommage aux femmes et aux hommes qui ont combattu et servi lors de ce conflit pour défendre leur patrie républicaine et les principes de liberté, d'égalité et de fraternité. Que leur souvenir nous éclaire.

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