Intervention de Manuéla Kéclard-Mondésir

Séance en hémicycle du vendredi 2 novembre 2018 à 9h30
Projet de loi de finances pour 2019 — Défense ; anciens combattants mémoire et liens avec la nation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaManuéla Kéclard-Mondésir :

Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d'État, madame, messieurs les rapporteurs, chers collègues, ce budget décline pour la première fois la loi de programmation militaire, qui entre ainsi dans sa phase active. Les crédits, à 35,8 milliards d'euros, sont en hausse de 1,8 milliard d'euros, ce qui répond à l'ambition du Président de la République de porter l'effort de défense à 2 % du PIB. Nous partageons cette volonté.

La France est en effet impliquée sur de nombreux théâtres d'opérations. Elle a été touchée au coeur par le terrorisme. Les Français ont besoin de sécurité : de sécurité physique, de sécurité des biens mais aussi de sécurité culturelle. Cette question est donc l'enjeu du présent comme de l'avenir.

Partout dans le monde – aux États-Unis, en Italie, en Europe centrale, notamment en Pologne, et récemment au Brésil – , le populisme d'extrême droite gagne du terrain. Il ne faut pas jeter l'opprobre sur les peuples ni se voiler la face : les peuples réclament qu'on s'occupe de leurs besoins, au premier chef de leur sécurité.

Ce budget va dans le bon sens, parce qu'il répond aux besoins d'équipement de nos militaires, parce qu'il met en place de nouveaux programmes d'armements comme celui du SCORPION, parce qu'il offre enfin la carte du combattant aux engagés dans le conflit d'Algérie et parce qu'il ouvre un plan famille, essentiel pour les personnels, doté de 57 millions d'euros, et parce qu'il renforce les équipements d'accompagnement et de protection des soldats, grâce à un bonus de 150 millions d'euros par rapport à 2018.

Le budget 2019 inscrit 400 millions d'euros supplémentaires pour le maintien en condition opérationnelle des matériels, 300 millions d'euros pour le renouvellement et la modernisation des équipements conventionnels. Il prévoit que les outre-mer seront dotés de six navires supplémentaires, en deux étapes : 2020 puis 2022.

Toutefois des questions de fond se posent toujours.

La première concerne l'engagement nucléaire, qui pose problème à nombre de parlementaires de mon groupe, qui attendent des réponses en matière de non-prolifération nucléaire et de soutien aux victimes des essais nucléaires outre-mer. Notre collègue Moetai Brotherson l'a exposé avec justesse : 4 millions d'euros seulement sont consacrés aux actions de dépollution en Polynésie française, alors que le Gouvernement consacre 400 millions d'euros à la modernisation de l'arme nucléaire, soit une augmentation de 8 %.

La deuxième concerne l'implication accrue de notre pays dans l'OTAN. La France s'aligne dangereusement sur la stratégie des États-Unis. C'est oublier que la politique française doit aller « de l'Atlantique à l'Oural ». C'est aussi oublier que la France est la deuxième puissance maritime du monde, sur tous les océans, grâce aux outre-mer. Nous devons mener une politique qui réponde à l'ambition universelle de la France et de ses valeurs ; malheureusement, nous n'y sommes pas.

Enfin, après le Brexit, la France sera le seul pays de l'Union européenne membre du Conseil de sécurité de l'ONU – l'Organisation des Nations unies – et la première puissance maritime européenne. Cette situation devrait nous amener à reconsidérer l'enjeu de la défense européenne.

Mon groupe s'interroge également sur le financement du surcoût des opérations extérieures. La solidarité interministérielle devrait jouer, contrairement à ce qu'a déclaré le Président de la République.

Enfin, la décision du Président de la République de ne pas commémorer la victoire militaire de la Grande Guerre nous émeut, particulièrement aux Antilles. Je rappelle que les anciens esclaves émancipés en 1848 étaient exemptés de service militaire et n'ont obtenu la citoyenneté pleine et entière qu'en conquérant le droit de payer l'impôt du sang, c'est-à-dire en obtenant, en 1914, le droit d'aller combattre dans les tranchées de Verdun, de la Marne ou des Dardanelles.

Compte tenu de tous ces éléments, le groupe de la Gauche démocrate et républicaine est partagé : pour les raisons que j'ai avancées, il votera contre les crédits de la mission « Défense » ; reconnaissant les avancées prévues, il s'abstiendra sur les crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation ». Pour ma part, à titre personnel, compte tenu des engagements pris par la ministre des armées, je voterai pour ces budgets dans leur globalité.

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