Intervention de Vincent Ledoux

Réunion du mercredi 24 octobre 2018 à 21h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaVincent Ledoux, rapporteur spécial (Action extérieure de l'État) :

La mission Action extérieure de l'État porte sur les moyens de notre réseau diplomatique au sens large, dont je rappelle le périmètre : avec 163 ambassades, notre réseau diplomatique est le troisième au monde ; la France s'implique fortement dans 83 organisations internationales et dispose d'un réseau consulaire dont l'offre de service public touche 2 millions de Français établis à l'étranger mais aussi 25 millions de touristes français de passage, et d'un réseau culturel vecteur d'influence qui se compose de 120 instituts français et plus de 300 alliances françaises conventionnées, ainsi que d'un réseau d'enseignement français de 500 établissements très majoritairement privés.

Le budget 2019 atteint 2,85 milliards d'euros de crédits de paiement pour ses trois programmes permanents. Sans tenir compte d'un programme temporaire lié à l'organisation de la présidence française du G7, ce budget connaît donc une baisse de 140 millions d'euros – soit 4,7 % – en une année. Évitons d'emblée tout malentendu : cette diminution n'affecte pas par elle-même les moyens dont dispose le ministère des affaires étrangères pour exercer ses missions. Le budget est en effet proche des montants consommés en 2017. Dans les ambassades, par exemple, les crédits de fonctionnement sont stables. Le réseau consulaire se modernise pour réussir le programme de « consulat numérique et traiter convenablement un nombre d'actes toujours croissant – 110 000 actes d'état civil ont ainsi été traités l'an passé. De même les crédits des instituts français et des alliances françaises augmentent alors qu'ils ont diminué de 11 % de 2012 à 2017. Enfin, 105 millions d'euros permettront de financer environ 25 000 bourses dans le réseau d'enseignement français.

La diminution des crédits est due principalement à des économies de constatation. C'est le cas de la baisse de 70 millions d'euros au titre des contributions obligatoires aux organisations internationales : le coût de certaines opérations de maintien de la paix décroît et nous pouvons anticiper des baisses d'appels de fonds de l'Organisation des Nations unies puisque la quote-part de la France diminue et parce que le taux de change devient plus favorable pour les contributions payées en devises. De même, 30 millions d'euros ne sont pas inscrits sur ce budget pour les investissements de sécurité dans le réseau mais les crédits seront bien disponibles en 2019 et 2020 sous la forme d'avances du compte d'affectation spéciale Gestion du patrimoine immobilier de l'État. Le ministère devra rembourser ces avances entre 2021 et 2025 par des cessions de biens immobiliers.

En outre, le Quai d'Orsay devra appliquer un schéma d'emploi en baisse de 1 %, soit 130 équivalents temps plein (ETP). L'an prochain, le ministère contribuera ainsi à 8 % de la baisse totale des emplois de l'État, alors qu'il ne représente que 0,7 % de l'ensemble de ces emplois.

L'enjeu du budget 2019 consiste à d'aller au-delà d'une approche mécanique de baisse des effectifs afin de mettre en oeuvre une réforme majeure et structurelle issue de la démarche « Action publique 2022 ». Dans ce cadre, le Quai d'Orsay pilotera enfin l'ensemble des réseaux de l'État à l'étranger – non seulement ses propres effectifs mais également ceux qui, dans les ambassades, sont issus d'autres ministères, comme les conseillers économiques, les conseillers sociaux, les attachés de sécurité intérieure... Ainsi, l'ambassadeur aura la responsabilité de constituer lui-même l'ensemble de son équipe en définissant les compétences nécessaires au regard du « plan d'action » du poste diplomatique qu'il aura établi. Comme j'ai pu vous l'indiquer lors du printemps de l'évaluation, c'est une garantie de cohérence des actions de la « Maison France », et donc de qualité de notre diplomatie. L'ambassadeur pourra désormais rationaliser la gestion des moyens du poste et mieux adapter les effectifs aux besoins.

Dès lors, la réforme prévoit que le Quai d'Orsay pilotera d'ici à 2022 une réduction de 10 % de la masse salariale de l'ensemble des réseaux de l'État à l'étranger, soit une économie de 110 millions d'euros de dépenses relevant du titre II en quatre ans, dont 78 millions d'euros au titre de la mission que nous examinons.

Contrairement aux réformes précédentes, il ne s'agira pas automatiquement de baisses d'ETP car il sera possible de diminuer la masse salariale en transformant des emplois d'expatriés en contrats de recrutement local tant que faire se peut – car il va de soi que l'on ne saurait transformer tous ces emplois. Dès 2019, le ministère récupérera directement l'ensemble des fonctions support qui étaient rattachées à d'autres programmes : chauffeurs, secrétaires, interprètes, agents d'entretien. Un rapport des inspections de 2013 avait recensé une quarantaine de catégories très dispersées. En conséquence, pour mutualiser ces fonctions support, 5,2 millions d'euros de crédits de fonctionnement et 10 millions d'euros de dépenses relevant du titre II sont transférés sur le budget, pour 383 emplois de catégories B et C. Ce sont des économies de gestion en perspective mais qui seront progressives, car il faut harmoniser les règles d'emploi et les rémunérations.

Les transferts budgétaires proprement dits ne concernent pas les postes de catégorie A, comme ceux du réseau international du Trésor. Cependant, d'ici à janvier 2019, le Quai d'Orsay conclura un contrat de gestion avec l'ensemble des ministères concernés afin de respecter les étapes successives de réduction des enveloppes de masse salariale définies pour chaque poste. C'est un effort considérable que produiront ainsi nos agents ; il faut en avoir conscience.

Cette réforme ne doit pas être une « réforme-rabot » de plus après les ponctions successives qui ont réduit les effectifs du Quai d'Orsay de 12 % entre 2007 et 2017. En effet si le ministère des affaires étrangères était durablement perçu comme condamné à l'attrition, nous prendrions le risque – je vous mets en garde sur ce point car les premières pannes de recrutement sont constatées – de détourner les talents du service diplomatique. Il est donc essentiel de réussir une réforme qui doit avoir du sens – elle en a – et dans laquelle la recherche d'économies doit être comprise comme un levier de réinvention et d'amélioration du service. Il convient en particulier de renforcer le pilotage de l'ensemble des directions et des opérateurs autour des grands défis internationaux que connaît notre pays, comme la relation à l'Afrique.

Je conclurai en prenant en exemple la réforme du réseau de l'enseignement français à l'étranger, qui montre que la contrainte budgétaire peut être un levier de renouveau.

En 2019, la subvention pour charges de service public de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE) est stabilisée à 384 millions d'euros, comme en 2018, mais l'agence est confrontée, sur la durée, à l'effet de ciseau de la baisse des dotations et de la hausse du nombre d'élèves dans le réseau – ils étaient 350 000 en 2018, dont 125 000 Français. Ce réseau doit continuer à se développer car il est un vecteur majeur d'influence de la France et de diffusion du français. Le Président de la République lui a fixé des objectifs ambitieux en ce sens, mais la solution ne consiste pas forcément à accroître les dotations publiques et le nombre de postes d'enseignants titulaires – alors même que nous manquons d'enseignants en France. Il convient plutôt à mon sens de diversifier les formats du réseau, d'accroître la fluidité des parcours des professeurs titulaires et d'encourager le développement d'établissements privés partenaires, notamment dans le pays du Sud, en leur proposant une nouvelle offre de service de l'AEFE, par exemple pour former sur place des enseignants qualifiés pour le réseau français. Tels sont les grands défis qui se présentent à nous !

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