Intervention de Émilie Bonnivard

Réunion du mercredi 24 octobre 2018 à 21h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉmilie Bonnivard, rapporteure spéciale (Tourisme) :

Comme l'année dernière, je regrette le manque de visibilité de la présentation budgétaire des crédits relatifs au tourisme. En effet, pour un secteur économique qui pèse 8 % du PIB national, l'éclatement de ces crédits dans de « petites » actions au sein des missions Action extérieure de l'État et Économie ne favorise pas une appréhension claire de la politique du Gouvernement en matière de tourisme.

Par ailleurs, comme nous le verrons, cette politique et les choix budgétaires qui en découlent sont déséquilibrés : la priorité très forte et positive qui est accordée à l'attractivité de la France pour les touristes étrangers fait oublier le volet relatif au tourisme intérieur, à la structuration de nos offres, à la modernisation et la compétitivité de notre parc d'hébergement, à la répartition des flux touristiques en faveur de l'aménagement du territoire. Mon regret est que la politique touristique ne soit pas davantage prise en compte dans la stratégie économique et de cohésion territoriale du Gouvernement, même si elle est bien intégrée au sein du ministère des affaires étrangères.

S'agissant des crédits de l'opérateur Atout France, qui est chargé, entre autres, de la promotion de la destination France, je salue la reconduction à l'identique dans le projet de loi de finances pour 2019 des crédits qui lui ont été alloués en 2018, soit 32,7 millions d'euros. Si Atout France fait un travail remarquable en matière de promotion, il nous faut en revanche connaître plus finement ses stratégies et ses efforts en faveur des grandes catégories de destination en France – Paris et les villes, le littoral, la montagne. Par ailleurs, j'attire votre attention sur l'importance de préserver les missions historiques de cet opérateur en matière d'ingénierie touristique locale.

Je constate que l'une des recommandations que j'ai formulées l'année dernière a été suivie : elle consistait en la pérennisation du reversement d'une part des recettes générées par les droits de visa à Atout France, à hauteur de 3 % des recettes de l'année n-1. Ces recettes devraient consolider durablement les ressources de l'agence, à hauteur de 4,5 millions d'euros en 2019 – même si nous n'en connaîtrons le montant définitif que l'an prochain. Je salue cette décision du Gouvernement mais, dans le même temps, je rappelle qu'il faut préserver les moyens nécessaires pour réaliser cette recette dans un contexte de réduction de 10 % des effectifs du ministère en poste à l'étranger. En Chine, par exemple, la délivrance d'un visa en 48 heures est un enjeu important dans le choix de la destination ; nous devrons conserver la capacité d'y délivrer des visas dans ces délais.

En revanche, je regrette vivement la suppression en 2019 des crédits qui étaient consacrés au tourisme dans la mission Économie, sans que personne ne le remarque ou ne s'en émeuve ! La ligne budgétaire correspondant à la direction générale des entreprises (DGE) a ainsi été purement et simplement supprimée. Elle soutient pourtant, pour des montants qui semblent bien peu élevés – on parle de 140 000 euros ! –, des associations qui oeuvrent pour faciliter le départ en vacances de familles modestes. La DGE développait également des marques de structuration de l'offre comme « Qualité tourisme », ou en matière d'accueil des personnes handicapées avec le label « Tourisme et handicap ». Elle a aussi participé à la création de « Datatourisme », une plateforme nationale de collecte, d'uniformisation et de diffusion en accès libre des données touristiques institutionnelles, essentielle pour les entreprises du tourisme. Pour ces activités, là encore, les budgets n'existent plus, alors que le travail a été mené à bien et qu'il suffit désormais de faire fonctionner les mécanismes ainsi créés.

Il en va de même pour l'action 20 du programme 134, qui permettait à Bpifrance de financer l'activité de garantie des prêts bancaires et bénéficiait surtout aux très petites entreprises, notamment à celles du secteur du tourisme qui peinent à lever du crédit bancaire, comme dans le domaine de l'hôtellerie familiale et indépendante. Dans ce cas, 39,8 millions d'euros ont été supprimés, alors qu'entre 2013 et 2016, grâce à cette activité, Bpifrance a contribué à mobiliser 24,2 milliards d'euros de financement soutenant près de 640 000 emplois.

Il s'agit par ces exemples de montrer qu'il y a, selon moi, un manque d'intérêt patent de l'État en matière d'aménagement et de structuration de l'offre touristique.

Bien que le comité interministériel du tourisme ait validé un certain nombre d'expérimentations en matière notamment d'hébergement – un domaine dans lequel nous devons progresser –, je souhaite vivement que les résultats soient plus que cosmétiques. En effet, nos stations de montagne et de littoral luttent comme elles le peuvent pour trouver les moyens de répondre à ce que l'on appelle couramment le phénomène des « lits froids et volets clos », ces lits qui ne sont occupés que deux ou trois semaines par an parce qu'ils se situent dans des résidences souvent vieillissantes et que leurs propriétaires ne souhaitent plus les louer. Or, c'est tout le modèle économique des communes touristiques concernées qui est en jeu.

Tous les acteurs de terrain savent que sans levier ou contrainte fiscale, il n'est pas possible de résoudre le problème des « lits froids », pourtant au coeur de la compétitivité de nos stations. J'ai donc déposé des amendements d'incitation fiscale pour que les propriétaires rénovent leur bien en contrepartie d'une mise en location pendant au moins huit semaines en haute saison, et pour repenser le modèle de résidence de tourisme afin que les nouveaux hébergements soient durablement marchands. J'ai bien compris que Bercy ne semblait pas favorable à de nouvelles dépenses fiscales et j'en suis tout à fait consciente, mais il s'agit là d'un enjeu d'intérêt général au coeur de toute une économie, sur lequel nous restons à ce jour et depuis longtemps sans aucune solution et alors que nous nous heurtons à de multiples contraintes – réduction des droits à construire, préservation du foncier. Le Gouvernement doit se saisir de cette question au-delà d'études supplémentaires et d'ingénierie – dont nous disposons déjà pour l'essentiel – et qu'il obtienne des résultats concrets ! Le Premier ministre avait annoncé en janvier dernier, en Savoie, la création d'une mission d'inspection interministérielle chargée d'examiner « des mesures incitatives fiscales soit positives soit plus pénalisantes » pour faciliter la remise en location de ces biens. J'aimerais vraiment que nous trouvions des solutions concernant l'aménagement du territoire et la structuration et la qualité de notre offre pour que la France reste attractive à long terme, ce que nous souhaitons tous.

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