Intervention de Marc Le Fur

Réunion du mercredi 24 octobre 2018 à 21h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarc Le Fur, rapporteur spécial :

Ce budget marque une rupture après des années de baisse de l'effort français en matière d'aide au développement durant la présidence de François Hollande, passé de 0,45 % du revenu national en 2012 à 0,38 % en 2016 en crédits de paiement. Il s'agit désormais de renouveler un outil essentiel à l'influence internationale de la France. Cette loi de finances est la première étape d'un effort conséquent demandé aux finances publiques. Pour atteindre l'objectif des 0,55 % fixé par le Président de la République en 2022, les crédits doivent encore augmenter de 6 milliards d'euros par rapport à 2016.

La mission Aide publique au développement est concernée au premier chef. Elle est composée de deux programmes : le programme 110 Aide économique et financière au développement, piloté par la direction générale du Trésor, et le programme 209 Solidarité à l'égard des pays en développement, piloté par la direction générale de la mondialisation du ministère de l'Europe et des affaires étrangères.

Avant d'aborder l'évolution des crédits, notons que la structure budgétaire de l'aide publique au développement française est complexe : les crédits sont répartis entre vingt-quatre programmes budgétaires, dans treize missions, gérées par quatorze ministères et une agence. S'y ajoutent des crédits extrabudgétaires. L'objectif de 0,55 % inclut l'ensemble de ces moyens. La mission Aide publique au développement ne représente qu'un quart de l'aide publique française – la moitié en incluant les prêts de l'Agence française de développement (AFD).

Le constat de complexité est partagé par notre collègue Berville, auteur d'un rapport demandé par le Gouvernement sur la rénovation de l'aide publique au développement, et par nos collègues Kokouendo et Poletti, membres de la commission des affaires étrangères.

Dans ce contexte, le projet de loi de finances pour 2019 traduit les nouveaux objectifs du Gouvernement : il prévoit une hausse des autorisations d'engagement de 1,83 milliard d'euros, soit une progression de 68,40 % par rapport à 2018 – sans équivalent dans le budget de l'État. L'essentiel de cette progression porte sur le programme 209 du ministère des affaires étrangères.

Les crédits de paiement progressent moins vite, d'environ 15 % pour l'ensemble de la mission, soit une hausse de 397 millions d'euros. Certains dénoncent donc une hausse en trompe-l'oeil des crédits de l'aide publique au développement, notamment ce milliard supplémentaire annoncé par le Gouvernement. Je ne m'associe pas à ces critiques : les projets en matière d'aide au développement demandent du temps, ce qui explique le décalage entre les montants d'engagement et de paiement.

Les priorités sont clairement définies. En premier lieu, la France doit aider davantage les pays qu'elle juge prioritaires – les cinq pays du Sahel et les dix-neuf pays les plus pauvres. Jusqu'à présent, ces priorités étaient assez peu respectées. Nous publierons en annexe du rapport le classement des pays les plus aidés. Parmi les dix pays les plus aidés, seuls deux pays font actuellement partie des « prioritaires » : le Cameroun et l'Éthiopie. On aide beaucoup plus la Chine, la Turquie ou l'Égypte, qui ne sont pourtant pas considérés comme prioritaires...

En seconde lieu, l'aide bilatérale doit être privilégiée. Je souscris à ce choix. L'aide bilatérale progressera plus vite que le total des crédits de la mission : 2,13 milliards d'euros, contre 1,83 milliard en autorisations d'engagement. Ce rééquilibrage est à saluer car il nous permettra de nous rapprocher de la moyenne des pays de l'Organisation de coopération et de développement économiques, où l'aide bilatérale représente 74 %, alors qu'elle n'était que de 58 % en France en 2017.

Au total, les orientations données par le Gouvernement à l'aide publique au développement, reprenant les réflexions de nos collègues, ont pris le bon chemin. Plusieurs sujets m'inquiètent néanmoins. Certes, l'effort financier est conséquent, réorienté vers les pays prioritaires et la part du don est renforcée. Mais cet effort important demandé à la Nation doit s'accompagner de trois sortes de contreparties.

Tout d'abord, la maîtrise des flux migratoires : on ne peut pas aider des pays qui, en retour, sont réticents à accueillir leurs propres ressortissants quand nous les renvoyons chez eux. C'est un sujet sérieux, notamment avec certains pays de la bande sahélienne. Il va sans doute falloir être plus clair à leur égard.

Il n'est également pas tolérable que l'aide française, qui va très sensiblement augmenter, finance des entreprises étrangères dont certaines n'ont pas nos exigences en matière de responsabilité sociale et de transparence. Ce serait paradoxal. Nous demanderons à l'AFD d'y être particulièrement attentive.

En dernier lieu, une meilleure évaluation des projets va devenir indispensable. La montée en puissance des demandes d'aides, du fait de la hausse des crédits, ne doit pas conduire à les accepter tous.

Pour conclure, l'engagement du Président de la République se traduit très concrètement en termes d'autorisations d'engagement, même si ce n'est pas encore – et logiquement – le cas en termes de crédits de paiement. Les priorités sont réaffirmées et le soutien aux organisations non gouvernementales renforcé dans les pays concernés. Je suis donc favorable à l'adoption de ces crédits.

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