Intervention de Fabien Roussel

Réunion du jeudi 25 octobre 2018 à 15h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFabien Roussel, rapporteur spécial :

Les crédits de paiement demandés pour la mission Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation pour 2019 s'élèvent à 2,301 milliards d'euros contre 2,461 milliards d'euros en loi de finances pour 2018, soit une diminution de 159 millions d'euros (soit 6,5 % des crédits). Pour justifier cette baisse, le Gouvernement rappelle chaque année la baisse démographique naturelle – et réelle – du nombre de bénéficiaires de pensions militaires et d'invalidité et de la retraite du combattant. En tant que rapporteur spécial, j'estime que la solidarité de la nation envers les anciens combattants et les militaires en opérations extérieures devrait au contraire permettre de réaffecter les crédits libérés par la baisse naturelle du nombre d'anciens combattants vers les actions de mémoire et, d'autre part, vers la reconnaissance des anciens combattants et de leurs ayants droit. Depuis 2012, le budget de la mission Anciens combattants aura perdu 680 millions d'euros. Les marges de manoeuvre libérées par la diminution du nombre d'anciens combattants et de leurs ayants droit, estimées à 100 millions d'euros par an, devraient permettre de répondre aux demandes fortes du monde combattant et des parlementaires, réitérées chaque année, en pure perte.

Cela étant, la secrétaire d'État a ouvert le dialogue avec les associations d'anciens combattants et mis en place une commission tripartite. Ce budget comporte des mesures nouvelles qui ont été élaborées en lien avec le monde combattant. Leur montant estimé s'élève à 9 millions d'euros.

Tout d'abord, l'article 73, pour un coût global d'environ 2,5 millions d'euros, consiste à revaloriser de 400 euros l'allocation de reconnaissance et l'allocation viagère versées aux harkis, à leurs conjoints et à leurs ex-concubins, ainsi qu'à créer un fonds de solidarité pour les enfants de harkis, doté de 7,5 millions d'euros sur quatre ans – provenant a priori du budget de l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONAC) – dont la création est renvoyée à un arrêté des ministres compétents.

Sur ce point, il est important que le Gouvernement apporte des informations sur la manière dont les dossiers seront étudiés : le seront-ils par l'ONAC seul ou par une mission interministérielle ? Qu'en sera-t-il du financement ? Un arrêt du Conseil d'État du 3 octobre 2018 accordant une indemnisation de 15 000 euros à un enfant de harki pour conditions de vie désastreuses dans les camps peut ouvrir la voie à de nouveaux contentieux.

Autre mesure nouvelle importante, qui répond à une demande ancienne d'associations et de parlementaires de tous bords, que le Gouvernement a enfin entendue : l'attribution de la carte du combattant aux anciens militaires justifiant de quatre mois de présence en Afrique du Nord entre le 2 juillet 1962 et le 1er juillet 1964. Cette mesure bénéficiera à 50 000 anciens militaires pour un coût budgétaire de l'ordre de 6,6 millions d'euros en 2019. À terme, le Gouvernement évalue ce coût à 30 millions d'euros. J'ai eu l'occasion de défendre cette mesure dans le cadre d'une proposition de loi, avec notre collègue Gilles Lurton.

Dernière mesure nouvelle : la dotation allouée aux dépenses d'expertise médicale sera revalorisée pour un montant global de 300 000 euros en 2019.

Ce budget répond donc en partie à quelques-unes des revendications légitimes du monde combattant, mais de nombreuses demandes demeurent insatisfaites. Il ne s'agit pas de tout régler d'un coup, mais certaines mesures pourraient être adoptées dès ce projet de loi de finances, concernant par exemple la situation des veuves d'invalides de guerre qui ont consacré leur vie à rester auprès de leurs conjoints. Moins de mille personnes sont concernées. Des amendements seront présentés en ce sens, pour un coût estimé entre 650 000 et 750 000 euros.

De même, s'agissant des harkis de droit commun, soixante-quatorze personnes sont concernées. La ministre s'est engagée à examiner ces demandes au cas par cas ; elles doivent être budgétées – l'investissement serait de l'ordre de 300 000 euros.

J'en viens enfin à l'attribution de la demi-part fiscale pour les conjointes d'anciens combattants dont le mari est décédé avant l'âge de 74 ans. Cette condition d'âge est une mesure injuste qui mérite une révision du code général des impôts. Quant à la réévaluation des pensions d'invalidité, elle ne saurait attendre 2021 comme l'envisage la ministre. Eu égard à l'âge des personnes concernées, ces mesures doivent être évaluées et mises en oeuvre au plus vite.

Pour conclure, une idée forte monte parmi les associations d'anciens combattants et au-delà, face à la résurgence des nationalismes en Europe et à la banalisation des emblèmes nazis. Plusieurs associations auditionnées plaident pour consacrer davantage de moyens en faveur de la politique de mémoire destinée aux enfants et aux adolescents. Je sais que le rapporteur pour avis, M. Michel-Kleisbauer, partage ce souci. L'idée est la suivante : faire en sorte que chaque enfant scolarisé dans les collèges et lycées puisse visiter au moins une fois au cours de sa scolarité un site de mémoire, en particulier un site lié aux crimes nazis, afin d'avoir une meilleure compréhension de l'histoire de l'Europe. L'État devrait aider plus et mieux les associations qui travaillent en ce sens. Des moyens existent déjà en faveur de certaines associations ; mais si l'on veut que chaque gamin scolarisé dans nos collèges ou nos lycées fasse au moins un voyage dans ces hauts lieux de mémoire, il faut afficher une volonté forte et donner davantage de moyens aux associations qui agissent dans ce domaine.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.