Intervention de Christophe Castaner

Réunion du jeudi 25 octobre 2018 à 10h05
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Christophe Castaner, ministre de l'Intérieur :

J'ai le plaisir d'ouvrir aujourd'hui ces auditions budgétaires sur les crédits relevant de la responsabilité du ministère de l'Intérieur en évoquant les crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l'État ». Je n'hésite pas à parler, moi aussi, de plaisir, car j'ai à vous présenter un budget solide et réaliste, reflétant la conscience qu'a le Gouvernement de l'importance des missions accomplies par le ministère de l'Intérieur. C'est pourquoi notre budget augmente en 2019 de 3,4 % par rapport à celui de 2018. Cette augmentation de 575 millions d'euros porte l'ensemble des crédits du ministère à 17,4 milliards d'euros.

Je suis heureux, également, de débuter cette audition par cette mission. Cette dernière abrite en effet les crédits de l'administration centrale du ministère, qui sont indispensables pour venir en soutien et à l'appui de l'activité opérationnelle des forces. Elle inclut aussi le budget du réseau des préfectures et des sous-préfectures. Or, les missions accomplies par le réseau préfectoral sont à mes yeux fondamentales. Je le sais, comme certains d'entre vous, en tant qu'ancien élu local, et je le mesure désormais aussi en tant que ministre de l'Intérieur, tout particulièrement à l'heure où le Premier ministre a souhaité ouvrir le chantier de la réorganisation de l'administration territoriale de l'État. Je sais la place des préfets et je sais qu'ils sont au coeur de cette réorganisation.

Au sein d'un budget dynamique, la mission « Administration générale et territoriale de l'État » présente elle-même des crédits consolidés et préservés, qui atteignent 2,2 milliards d'euros, en croissance de près de 5,6 %.

Je commencerai par évoquer les crédits portés par l'administration centrale du ministère au bénéfice de toutes ses composantes, dans une logique de transversalité et de mutualisation des ressources. Je souhaite en effet m'inscrire autant que possible dans la recherche de la mutualisation des moyens dans tout le périmètre ministériel, pour dégager autant que possible des marges d'efficience. Le regroupement, en soi, n'a strictement aucun intérêt s'il ne permet pas de gagner en efficacité.

Il me semble important de commencer par évoquer les moyens qui sont au service de tous au sein du programme « Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur ». Ces crédits augmentent significativement, d'un peu plus de 40 millions d'euros.

Le premier projet est immobilier et concerne la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI). Après la réalisation d'une première tranche de travaux de mise en sécurité en 2018, pour 18 millions d'euros, des travaux d'aménagement nécessaires à l'accueil de 400 postes de travail seront réalisés sur le site de Neuilly en 2019, pour accompagner la montée en puissance de ce service de renseignement. Je souhaite que nous nous engagions très vite à trouver les conditions de réalisation d'un site unique pour cette direction générale. Chacun sait que c'est plus que jamais d'actualité. La création de ce site unique figure dans le schéma pluriannuel de stratégie immobilière du ministère de l'Intérieur : 450 millions d'euros sont ainsi mobilisés d'ici à 2022 pour le financement de ce projet de très grande ampleur. Les recherches se poursuivent pour identifier le site à même d'accueillir la DGSI et l'année 2019, voire peut-être la fin de l'année 2018, devrait voir l'engagement des premiers crédits d'études.

Le deuxième projet que je souhaite évoquer est celui du réseau radio du futur, que le Président de la République avait annoncé dans son discours du 18 octobre 2017 aux forces de sécurité : 22,5 millions d'euros seront mobilisés pour entrer dans la phase opérationnelle de ce projet dont le coût global est estimé à 145 millions d'euros. L'exercice 2019 sera celui des premières réalisations concrètes, avec la mise en place d'un établissement public porteur du projet, la conception des premières briques techniques et le lancement des études relatives aux infrastructures physiques. Ce dispositif est absolument indispensable pour permettre aux forces de sécuriser les grands événements à venir, tels que les Jeux Olympiques de Paris. Il figurait d'ailleurs parmi les atouts du dossier de candidature de la capitale.

Le troisième projet d'importance est le plan de renforcement de la sécurité des applications et systèmes d'information du ministère de l'Intérieur. Là encore, votre Commission sait l'importance de ce sujet – importance justement rappelée par le récent rapport de vos collègues Didier Paris et Pierre Morel-À-L'Huissier. En matière d'identité, chacun se souvient des débats afférents au fichier « titres électroniques sécurisés », dont le Conseil d'État vient de confirmer la légalité. Soulignons aussi l'importance de ce plan dans le domaine des élections politiques ou dans celui du contrôle aux frontières. La combinaison d'un patrimoine applicatif sensible et d'un niveau de menace élevé font que les enjeux de sécurité vont croissant : il faut sans cesse améliorer la profondeur et la robustesse de nos défenses. C'est une matière en laquelle le ministère de l'Intérieur n'a pas le droit à l'erreur : la confiance de nos concitoyens dans l'action des forces et la protection des libertés publiques serait en effet très directement affectée par des défaillances qui porteraient atteinte à l'intégrité, à la confidentialité ou à l'opérationnalité de nos systèmes d'information. C'est pourquoi le budget pour 2019 prévoit de financer un plan de renforcement de la sécurité des systèmes d'information, doté de 9,5 millions d'euros.

Je dirai à présent quelques mots de notre administration territoriale.

S'agissant des préfectures, le budget se maintient à 1,2 milliard d'euros, avec 8 millions d'euros de moins que l'année précédente. Avant d'évoquer les crédits et les effectifs prévus par ce projet de loi de finances pour 2019, je voudrais évoquer les priorités qui me semblent devoir être celles du réseau des préfectures pour l'année à venir. Ces priorités sont doubles : l'approfondissement de la réforme de l'organisation territoriale de l'État et l'attention à porter aux missions de l'asile et du séjour.

L'approfondissement de la réforme de l'administration territoriale est un objectif sur lequel le Premier ministre s'est engagé. Il faut le voir comme une chance et une opportunité pour les préfets comme pour le réseau des préfectures et des sous-préfectures. En tant que ministre de l'Intérieur, je suis évidemment très concerné par la question. Je rencontrerai cet après-midi même le Premier ministre pour y travailler car je souhaite que le ministère de l'Intérieur joue un rôle-clef dans l'accompagnement de cette évolution majeure pour nos 26 000 agents partout sur le territoire.

Je rappellerai dès que possible aux préfets de région, actuellement chargés de réfléchir à des propositions, ainsi qu'aux préfets de département les objectifs que je vais vous présenter.

Le premier objectif est celui de la proximité. Tout ce qui éloignerait du terrain pénalise la représentation de l'État et nuit à son action, en particulier dans les plus grandes des nouvelles régions. La réorganisation ne peut donc se faire autour du seul échelon régional, au détriment de l'échelon départemental. Cette orientation a clairement été posée : la circulaire du Premier ministre du 24 juillet, qui la prescrit explicitement, est la feuille de route que nous appliquerons. Nous prenons ainsi le contrepied de la régionalisation que nous avions connue les années précédentes : cette régionalisation peut avoir une utilité dans certains champs, mais ne doit pas conduire à rapatrier la totalité du pilotage de l'État au niveau régional.

Le deuxième objectif est celui de l'unité, pour éviter un émiettement des responsabilités et faire en sorte d'avoir une personne unique en charge, à même de porter la parole et les politiques de l'État, d'en rendre compte et d'en assumer la responsabilité. Atteindre cet objectif implique de ne pas multiplier les agences et les établissements publics. Il faut rappeler que ce sont les préfets qui, partout en France, incarnent la représentation de l'État. Les personnels de préfecture ont un rôle à jouer en ce domaine : la coordination interministérielle des politiques publiques fait partie des missions prioritaires que je rappellerai aux préfets.

Cela étant, l'unité n'exclut pas la diversité. De la modularité pourra être apportée aux organisations et à l'approche territoriale de nos organisations. Les solutions à trouver ne sont sans doute pas les mêmes dans le Pas-de-Calais, département de 1,5 million d'habitants, que dans un département comme le Lot qui en compte 170 000.

Le troisième objectif est la mutualisation. Il est essentiel que nous poursuivions les travaux engagés sur cette question. Je veux parler ici des moyens de fonctionnement des directions départementales interministérielles (DDI) et des secrétariats généraux aux affaires régionales (SGAR), des emplois de direction dans les DDI et dans les SGAR et de certains de leurs personnels, ainsi que des services interministériels départementaux des systèmes d'information et de communication (SIDSIC). Le ministère de l'Intérieur est clairement favorable à ce rapprochement. À cette occasion, des secrétariats généraux mutualisés pourront être expérimentés pour assurer la gestion de ces moyens.

Tout cela traduit à mon sens la grande confiance qu'a le Gouvernement dans la capacité des préfets et des préfectures à réussir les réformes qui s'annoncent. Très clairement, le réseau des préfectures et sous-préfectures a vocation à être le pivot de cette réorganisation. C'est pourquoi je considère avec sérénité les évolutions qui s'annoncent, et qui n'affaibliront en rien la force du réseau des préfectures et sous-préfectures. Je crois qu'elles sont au contraire une chance pour ce réseau.

Je voudrais évoquer ensuite le soutien à l'activité des services chargés de l'asile et des étrangers. Le contexte migratoire est caractérisé par une hausse soutenue des demandes d'asile : cette hausse fut de 18 % au cours des six premiers mois de l'année 2018 par rapport à 2017, et de 32 % en 2017 par rapport à 2016. L'activité des services chargés de l'asile et des étrangers est donc pour moi une préoccupation de premier plan.

Je sais que les préfectures et leurs personnels sont en première ligne dans ce domaine au même titre que la police aux frontières (PAF) et les agents de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) et de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA). L'implication de ces agents a été déterminante pour atteindre le délai cible de trois jours ouvrés pour l'enregistrement des premières demandes d'asile aux guichets uniques d'accueil des demandeurs d'asile (GUDA). Ce délai paraissait inatteignable mais il a été respecté. De même, l'engagement des personnels de préfecture a contribué à l'augmentation de 26 % en 2018 du taux de transferts réalisés au titre du règlement dit « de Dublin ». Enfin, les personnels de préfecture sont en préparation et en appui de la mise en oeuvre des retours volontaires, qui ont augmenté de 32 % au cours des six premiers mois de l'année 2018, mais aussi des éloignements forcés qui ont augmenté de 14,6 % au cours de la même période. Évidemment, nous maintiendrons la pression et cet objectif.

En 2019, les priorités demeureront inchangées mais s'étendront encore à de nouvelles missions. D'une part, il faudra parvenir à assurer la contribution de l'État à l'évaluation de la minorité des personnes se déclarant mineurs isolés. D'autre part, la mise en oeuvre des décisions du Comité interministériel à l'intégration sera déconcentrée aux préfets pour un coût de 17 millions d'euros. L'engagement de chacun sera requis sur ce terrain.

C'est pourquoi je souhaite que les missions relatives à l'asile, au séjour et à l'intégration des étrangers soient considérées comme prioritaires. C'est aussi pourquoi ces services ont été renforcés. Depuis l'entrée en fonctions de ce Gouvernement, 170 emplois de titulaires supplémentaires ont été affectés aux GUDA et aux services étrangers et 1 200 mois de vacataires ont été mobilisés en 2017, comme en 2018. Je serai, en 2019, à nouveau très vigilant à l'égard de la situation de ces services car je sais leur importance dans les politiques que nous nous efforçons de mener en matière d'asile et d'immigration.

J'en viens maintenant à notre budget pour 2019 et aux moyens des préfectures et de l'administration centrale. Je vous le disais en introduction, notre budget préserve les préfectures. Le plafond d'emploi s'établira pour celles-ci à 25 317 équivalents temps plein (ETP) en 2019. Cela représente pour elles un schéma d'emploi de moins 200. La ventilation me semble parfaitement compatible avec les objectifs que j'ai rappelés.

En matière d'immobilier, le budget dédié aux préfectures sera en 2019 de 34 millions d'euros. Les principales opérations concernent les préfectures de Rennes et de Bastia, la sous-préfecture de Palaiseau ainsi que les opérations en cours de relogement des services de l'État à Saint-Martin et Saint Barthélemy.

Je souhaite enfin évoquer avec vous les grands axes de la politique salariale et indemnitaire qui sera menée en 2019.

Cette année sera la première année de mise en oeuvre du protocole « Parcours professionnels, carrières et rémunérations » (PPCR) dans la police nationale, après le report d'un an des dispositions transverses à toute la fonction publique. Cela représente 2,7 millions d'euros de crédits supplémentaires. Dans ce contexte, les mesures catégorielles devaient, par principe, être exclues de ce projet de loi de finances. Concernant les personnels de préfecture, le financement de plusieurs mesures catégorielles, à hauteur de 2,9 millions d'euros, a été obtenu.

Ces crédits seront mobilisés pour permettre l'adoption de quatre types de mesures en lien avec la situation humainement difficile que chacune et chacun d'entre vous connaissez. Premièrement, et j'y tiens beaucoup, j'ai demandé qu'un plan d'attractivité en faveur des services étrangers des préfectures soit engagé. L'objectif est de rendre ces postes plus attractifs financièrement, mais aussi de fidéliser des personnels dont la compétence technique, longue à acquérir, est particulièrement précieuse. Quand on perd un agent ayant cette expérience, on fragilise un service.

Ce plan d'attractivité comportera quatre mesures. Tout d'abord, nous disposons du financement nécessaire pour attribuer des points de nouvelle bonification indiciaire (NBI) supplémentaires aux personnels affectés aux guichets des services des étrangers. Trois dispositions visent à améliorer l'évolution du régime indemnitaire et à faciliter la progression de carrière. La deuxième mesure cible les personnels de la filière sociale. Là encore, nous avons obtenu des crédits qui nous permettront d'attribuer des points de NBI complémentaires. Ces personnels ont en effet été particulièrement sollicités ces dernières années par la création de cellules de veille, en lien avec des attentats ou des phénomènes de radicalisation. Cette mesure me semble donc parfaitement légitime et j'en profite pour saluer l'engagement et le travail de ces personnels. La troisième mesure concerne les personnels administratifs et techniques. Nous disposons en effet de crédits nous permettant de financer le réexamen du régime indemnitaire des personnels n'ayant bénéficié d'aucune revalorisation de leur indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise (IFSE) depuis la création de cette dernière en 2015. Enfin, je confirme que le processus de rapprochement des corps des adjoints techniques du ministère de l'Intérieur et de l'outre-mer et des adjoints techniques de la police nationale sera engagé à l'issue des élections professionnelles, c'est-à-dire dans quelques semaines. Ces mesures indemnitaires traduisent notre reconnaissance à l'égard de l'engagement des personnels administratifs et techniques du ministère, dont l'appui et le soutien est indispensable au bon accomplissement de nos missions opérationnelles et à celles propres au réseau préfectoral. Dans le contexte du PLF pour 2019, qui ne comporte pas ou très peu de mesures catégorielles, il s'agit d'un effort tout à fait exceptionnel.

Voilà, mesdames et messieurs les députés, les quelques orientations que je souhaitais évoquer en introduction s'agissant des crédits de la mission. Je suis maintenant à votre disposition pour répondre à vos questions.

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