Intervention de Jean-Philippe Nilor

Réunion du mercredi 31 octobre 2018 à 16h25
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Philippe Nilor :

Le budget de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » est en augmentation de 1,6 milliard d'euros par rapport à l'année dernière. Il peut laisser penser à une soudaine générosité du Gouvernement en faveur des populations les plus modestes, notamment avec la nouvelle revalorisation annoncée de l'allocation aux adultes handicapés ou encore de la prime d'activité, mais c'est compter sans vos tours de passe-passe habituels : derrière les mots, il y a une réalité budgétaire qui ne bénéficie pas à ceux qui en ont le plus besoin.

En effet, vous avez introduit de nouveaux modes de calcul et de nouveaux critères qui bloquent les revalorisations de ces prestations sociales pour un certain nombre de personnes. C'est le cas pour la revalorisation de 20 euros de la prime d'activité. Celle-ci n'est destinée qu'à une catégorie de population : les travailleurs d'un foyer dont les revenus professionnels sont supérieurs à 0,5 fois le SMIC. De même, vous avez modifié les critères d'éligibilité à l'AAH. Même si l'on peut souligner sa revalorisation, celle-ci reste tout de même insuffisante. En effet, son montant reste en dessous du seuil de pauvreté, à savoir 1 026 euros.

Au passage, madame la ministre, comment peut-on admettre que, dans un même pays, une même nation, coexistent des seuils de pauvreté différents ? Celui de l'Hexagone est en effet supérieur à celui de la Martinique, lequel est lui-même supérieur à celui de la Guadeloupe, lui-même supérieur à celui de la Guyane, lui-même supérieur à celui de Mayotte. La France accepterait-elle donc des seuils de pauvreté à géographie variable ?

Par ailleurs, 100 000 personnes seront partiellement ou totalement exclues de l'avancée – au demeurant timide – que constitue la revalorisation de l'AAH. Les premières victimes seront les allocataires de l'AAH vivant en couple, car le Gouvernement a décidé de geler le plafond de ressources pour les couples. Vous avez également décidé la fusion du complément de ressources et de la majoration pour la vie autonome, au profit de la seconde, ce qui permet d'aligner la prestation sur le montant le plus faible, soit 104 euros. La suppression de la garantie de ressources pénalise les personnes qui vivent avec un handicap irréversible en réduisant leur niveau de vie à court terme. On est bien loin de l'augmentation du pouvoir d'achat annoncée.

Je voudrais, en outre, relayer ici les inquiétudes des associations, qui sont opposées à ces différentes mesures. Madame la ministre, quelles réponses allez-vous donner aux structures associatives, qui sont très en colère et mobilisées contre les mesures que vous annoncez dans le budget ?

Le Président de la République a annoncé en octobre dernier le lancement d'une stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté des enfants et des jeunes. Dans ce cadre, l'augmentation des crédits dédiés aux mineurs non accompagnés est de 9,2 millions d'euros. Cela correspond à la modification des modalités de remboursement aux départements, mais aussi à la hausse prévisionnelle du nombre de MNA.

Je voudrais surtout insister sur la diminution du financement des têtes de réseaux des associations oeuvrant dans le domaine de la protection des enfants, des jeunes et des familles vulnérables. Ces associations sont souvent les premiers interlocuteurs des personnes les plus fragiles. Si l'on veut cibler davantage le dispositif pour mieux aider et accompagner les personnes vulnérables, il est plus utile et efficace de renforcer les moyens accordés aux associations et aux travailleurs sociaux. Les crédits s'élèveront, en 2019, à 1,2 million d'euros, contre 1,3 million d'euros en 2018. Par ailleurs, cette diminution risque de fragiliser un certain nombre d'associations.

Je voudrais également vous interpeller sur le budget consacré à l'égalité entre les hommes et les femmes. Le Gouvernement a annoncé à grand renfort de communication que l'égalité entre les hommes et les femmes serait la grande cause nationale du quinquennat. On peut certes souligner les crédits qui sont consacrés à la lutte contre les violences sexistes et sexuelles, mais de nombreux pas doivent encore être franchis dans ce domaine. Même si vous modifiez les appellations de l'aide consacrée aux différents dispositifs, on est loin du compte. En effet, le niveau des crédits pour 2019 est identique à celui de 2018.

Quelques mots, enfin, sur les chibanis. Après avoir diminué de 9 millions d'euros en 2018 les crédits de l'aide à la réinsertion familiale et sociale des anciens migrants dans leur pays d'origine, c'est une division par cinq qui intervient : ils passent de 1 million à 200 000 euros. L'argument avancé pour justifier cette diminution est pour le moins léger. Il convient au contraire, selon nous, de rendre automatique le droit à cette aide pour des personnes qui ont travaillé toute leur vie en France.

Comme dans toutes les autres missions, le Gouvernement poursuit ici sa politique austéritaire en réduisant les personnels mettant en oeuvre les politiques sociales, du sport, de la jeunesse et de la vie associative. Les agences régionales de santé sont particulièrement touchées par cette baisse. Les crédits de la mission sont significatifs de votre politique d'inégalités sociales. Pourtant, si vous aviez fait preuve de courage politique, vous auriez pu aller chercher l'argent dans les exonérations fiscales accordées aux plus riches.

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