Intervention de Agnès Buzyn

Réunion du mercredi 31 octobre 2018 à 16h25
Commission des affaires sociales

Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé :

Je vais commencer par la question de la bientraitance, valeur fondamentale de notre société, pour laquelle nous nous battons. Merci, monsieur le rapporteur, d'avoir mis en lumière ce sujet sur lequel nous sommes mobilisées, Sophie Cluzel et moi-même.

S'agissant des personnes dépendantes et des personnes en situation de handicap, nous avons mis en place des actions de prévention et de repérage, notamment avec ce dispositif d'écoute téléphonique adapté aux victimes, aux témoins de faits de violence et à des actions de réponse à ces situations.

Le 19 février dernier, nous avons installé la commission de promotion de la bientraitance et de lutte contre la maltraitance. Cette commission est présidée par Denis Piveteau, un conseiller d'État qui a été secrétaire général des ministères sociaux, et dont vous connaissez l'engagement sur ces sujets. Nous pensons qu'elle permettra d'améliorer la connaissance de tous les phénomènes de maltraitance, de faciliter leur repérage, leur signalement et leur traitement, et de mieux accompagner les responsables et les personnels des établissements et services médico-sociaux. Face aux craintes exprimées sur son caractère trop normatif, je peux vous dire que nous ne pensons pas que la réponse passe par l'instauration de normes.

Son rapport nous sera remis très prochainement. Ses préconisations feront l'objet d'un plan d'action national pluriannuel et elles alimenteront la réflexion dans le cadre plus général de la concertation nationale sur le grand âge et l'autonomie. Je veillerai à ce que les parlementaires soient associés aux réflexions sur les suites à donner au rapport de la commission et sur l'élaboration d'un plan d'action.

Dans votre rapport, il est également question des enfants. Vous parlez des mesures prises par l'État pour améliorer le repérage des enfants en danger ou en risque de danger à travers la mise en place et le financement du Service national d'accueil téléphonique pour l'enfance en danger (SNATED) et de l'Observatoire national pour la protection de l'enfance (ONPE) dont j'ai pérennisé le financement.

Nous allons aller plus loin. En novembre, nous allons lancer une campagne à destination du grand public, dans les médias nationaux, concernant l'appel au 119. Nous souhaitons faire de la lutte contre toutes les formes de violence et de maltraitance à l'égard des enfants, une priorité absolue de la stratégie nationale de protection de l'enfance que nous sommes en train d'élaborer et qui sera dévoilée au mois de novembre. Nous voulons parvenir à une prise de conscience collective, afin que chacun puisse lutter à sa place contre toutes les violences faites aux enfants. Aucun moyen ne sera négligé.

Vous m'interrogez sur l'évaluation et la qualité des établissements sociaux et médico-sociaux et des établissements de santé. Dès mon arrivée, j'ai transféré à la HAS le soin d'exercer la mission qui était confiée à l'Agence nationale de l'évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux (ANESM). Cette dernière devait passer par une multitude d'organismes agréés pour mettre en place ses missions d'évaluation des établissements médico-sociaux et sociaux. Nous souhaitons un peu mieux harmoniser les pratiques.

La HAS est très vigilante en ce qui concerne la question du droit des personnes. Au sein de la HAS, il y a désormais une commission spécialisée qui élabore les recommandations pour les établissements sociaux et médico-sociaux ; elle évalue aussi la qualité de leurs prestations en validant des procédures et des référentiels. Nous allons être très attentifs au changement de pratiques liées à la fusion de l'ANESM et de la HAS. Lors de l'élaboration de ces recommandations, nous intégrerons celles du rapport Piveteau.

Depuis mon arrivée au ministère, je suis en alerte sur les secteurs particuliers la psychiatrie et de la santé mentale. Le 28 juin dernier, lors du premier comité stratégique de la santé mentale et de la psychiatrie, j'ai annoncé une feuille de route. La promotion de la bientraitance des personnes atteintes de maladie mentale et de troubles psychiques est évidemment au coeur de cette feuille de route qui prévoit notamment de garantir des parcours de soins coordonnés, soutenus par une offre en psychiatrie accessible, diversifiée et de qualité dans laquelle la médecine de ville prend toute sa place. Elle cherche également à améliorer les conditions de vie, d'inclusion sociale et d'accès à la citoyenneté des personnes en situation de handicap psychique. Je sais que vous souhaitez poursuivre vos travaux sur ce sujet. Soyez certain que mon ministère sera très attentif aux constats et aux préconisations que vous pourriez formuler dans ce cadre.

Madame Vidal, vous m'interrogez sur la question du premier accueil social inconditionnel. En tant que chefs de file de l'action sociale, les conseils départementaux auront la charge d'organiser ce premier accueil social inconditionnel, en collaboration avec les autres acteurs sociaux, notamment les centres d'action communaux ou intercommunaux d'action sociale. Ils ont pu s'y préparer depuis deux ans, grâce à la mise en place des schémas d'amélioration de l'accessibilité des services au public. Cela doit leur avoir permis de faire un diagnostic territorial des lieux qui remplissent les conditions du premier accueil social. Il peut s'agir de leurs propres services, des centres d'action sociale, mais aussi des maisons de service au public, des guichets des caisses de sécurité sociale. Un guide a également été publié en collaboration avec les collectivités territoriales, avec le soutien de l'ANSA que vous avez citée.

Vous avez raison, il faut une volonté politique forte. Elle se matérialise par la valorisation du premier accueil social inconditionnel dans la stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté. Cette stratégie, financée par une partie des 135 millions d'euros de la contractualisation, permettra d'aider les départements à bâtir cette organisation du premier accueil social inconditionnel qui différera probablement d'un territoire à l'autre, en fonction de leur caractère plus ou moins urbain ou rural. Les conférences régionales qui seront mises en place pour suivre la stratégie et sa mise en oeuvre permettront aux départements d'échanger entre eux ainsi qu'avec les associations et les personnes concernées, pour parvenir à une bonne couverture du territoire.

Vous avez ensuite posé une question concernant les MDPH. Il convient de rappeler que les durées de traitement des dossiers par les MDPH sont réglementairement fixées à quatre mois. Depuis 2012, le délai moyen reste malheureusement stable à quatre mois et douze jours pour les adultes et à trois mois et vingt jours pour les enfants.

Plusieurs mesures ont été prises pour accélérer la réduction des délais de traitement. Tout d'abord, il existe désormais un système d'information harmonisé entre les MDPH, qui est aussi commun et interopérable avec ceux de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA), des conseils départementaux et de la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF). C'est un outil de modernisation qui devrait aboutir à une automatisation et une simplification des actions pour les MDPH, et donc à une réduction des délais de traitement. Ce déploiement du système d'information correspond à un engagement fort du Gouvernement. Fin 2019, toutes les MDPH devraient avoir intégré ce nouveau système d'information. En outre, début de 2019, un portail de téléservices sera mis à la disposition de l'ensemble des MDPH par la CNSA afin de faciliter les démarches des personnes handicapées et de favoriser des gains d'efficience. Couplées aux dispositifs de simplification appliqués par le Gouvernement, ces mesures devraient permettre, à terme, une réduction des délais.

M. Lurton m'a interrogée sur le programme 137 dont les crédits restent stables à 29,9 millions d'euros. En fait, notre ambition est d'améliorer l'exécution de crédits pour arriver à un taux de 100 %, ce qui suppose une augmentation de 31 % par rapport à la moyenne des trois dernières années. Une augmentation des crédits ne serait pas utile sans une progression de l'exécution budgétaire.

Comme nombre d'entre vous, M. Lurton m'a aussi interrogée sur l'évolution du mode de calcul du plafond pour les couples. Cette mesure a fait l'objet de nombreux débats l'année dernière. Elle est logique : il s'agit de rapprocher le mode de calcul de l'AAH de celui des autres minima sociaux. Les modalités de calcul de l'AAH continueront à intégrer des particularités favorables aux bénéficiaires de la prestation, avec notamment un mécanisme d'intéressement à la reprise d'activité particulièrement incitatif et un abattement de 20 % sur la prise en compte des revenus du conjoint. En novembre 2019, tous les ménages composés d'une personne seule, avec ou sans enfants, et environ 60 % des couples bénéficieront d'une revalorisation à plein. Plus de 90 % des ménages bénéficieront ainsi totalement de la revalorisation prévue. Je confirme qu'il n'y aura aucun perdant.

M. Lurton m'a enfin demandé si les crédits de contractualisation intègrent le Fonds d'appui aux politiques d'insertion (FAPI). C'est le cas : les 135 millions d'euros comprennent les 50 millions d'euros du FAPI.

Madame de Vaucouleurs, vous m'avez interrogée sur la fusion des deux compléments de l'AAH, c'est-à-dire sur l'article 83 du PLF. Annoncée l'année dernière, notamment aux associations, cette fusion est une mesure de simplification qui permet de supprimer la double évaluation – du taux d'incapacité et du taux de capacité – demandée actuellement aux bénéficiaires du complément de ressources. Il s'agit aussi d'une mesure équilibrée qui vise à flécher les financements vers ceux qui en ont le plus besoin, c'est-à-dire vers ceux qui vont devoir réellement assumer des charges de logement, sachant qu'au complément peut s'ajouter une aide personnelle au logement. C'est aussi une mesure qui ne fait pas de perdants. Les bénéficiaires actuels du complément de ressources conserveront leur droit pendant dix ans. Plus globalement, il est important de rappeler que les conséquences du handicap et le soutien à l'autonomie des personnes relèvent d'abord de la prestation de compensation du handicap qui bénéficie à plus de 280 000 personnes et représente une dépense de près de 2 milliards d'euros.

Madame Firmin Le Bodo, vous n'interrogez sur les mineurs non accompagnés. En premier lieu, en tant que professionnelle de santé, je tiens à dire je ne recommande pas les tests osseux qui n'ont pas de valeur en cas de fusion des cartilages de conjugaison. Ils ne permettent pas de déterminer avec certitude si les enfants examinés sont majeurs, compte tenu de la vie qu'ont menée ces derniers : le fait qu'ils aient beaucoup marché et qu'ils aient porté des charges lourdes peut favoriser la fusion des cartilages de conjugaison. Ces tests osseux ont une certaine valeur si les cartilages de conjugaison persistent mais ils n'en ont aucune pour affirmer la majorité. Je pense donc qu'ils devraient être interprétés en ce sens. J'ai dit plusieurs fois aux conseils départementaux que j'aimerais une harmonisation des pratiques. Je me suis posé la question de saisir la HAS pour obtenir des recommandations de bonnes pratiques à cet égard, car je pense qu'il faut une vision médicale du sujet.

En second lieu, je signale que l'effort budgétaire est vraiment maintenu en ce qui concerne les mineurs non accompagnés. Il existe une modalité de prise en charge, d'évaluation et de mise à l'abri des jeunes dont le coût forfaitaire est de 500 euros par jeune. En outre, le Gouvernement prend en charge 30 % des dépenses des départements au titre de l'aide sociale à l'enfance (ASE). C'est vraiment un dispositif exceptionnel. Au total, le Gouvernement maintient à 141 millions d'euros son effort financier en faveur des départements après en avoir longuement discuté avec eux.

Monsieur Nilor, madame Dupont, vous m'avez interrogée sur le financement de l'aide à la réinsertion familiale et sociale des chibanis. Cette aide, créée en 2016, visait à permettre aux étrangers âgés, disposant de faibles ressources et résidant seuls, d'effectuer des séjours de plus de six mois dans leur pays d'origine. Madame Dupont, vous aviez déjà souligné dans votre rapport de l'année dernière que ce dispositif n'avait pratiquement pas été utilisé. J'ai demandé à mes services d'étudier des pistes d'évolution, celles qui ont été recommandées dans votre rapport, pour faciliter le recours à cette prestation. Certaines propositions sont déjà en cours d'analyse et je serai vraiment très attentive à y donner suite.

Madame Biémouret, les crédits de l'aide alimentaire sont stables. Le plan pauvreté traite des besoins alimentaires des enfants, hors du champ de l'aide alimentaire : 10 millions d'euros sont prévus pour la prise en charge des petits déjeuners dans les écoles des réseaux d'éducation prioritaire (REP et REP+) ; 5 millions d'euros de soutien à la tarification sociale dans les cantines des classes primaires pour toutes les communes de moins de 10 000 habitants. Ces budgets s'ajoutent à ceux de l'aide alimentaire.

Madame Levy, vous m'interrogez sur l'AAH. Je rappelle que l'engagement du Président de la République sera pleinement respecté : dès novembre 2019, le montant de l'AAH sera porté à 900 euros.

À ceux qui n'ont pas bien compris mes propos sur la prime d'activité, j'indique qu'elle fera bien l'objet d'une revalorisation accélérée afin de respecter les engagements du Président de la République. En 2022, cette revalorisation sera de 100 euros au niveau du SMIC : 20 euros de baisse des cotisations sociales et 80 euros de prime d'activité proprement dite.

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