Intervention de Jean François Mbaye

Séance en hémicycle du lundi 5 novembre 2018 à 16h00
Projet de loi de finances pour 2019 — Écologie développement et mobilité durables

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean François Mbaye, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères :

Monsieur le président, monsieur le ministre d'État, mesdames, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, la semaine dernière, le Fonds mondial pour la nature, en partenariat avec la Société zoologique de Londres, a publié un rapport dressant un sombre constat s'agissant de l'inexorable déclin de la faune sauvage à l'échelle mondiale : entre 1970 et 2014, les populations d'animaux vertébrés ont chuté de 60 %. Ce chiffre sonne tel un glas qui résonne pour ces espèces disparues en silence, dans l'indifférence générale.

Cette année, la commission des affaires étrangères s'est justement intéressée aux différentes actions menées par notre diplomatie en faveur de la préservation et de la reconquête de la biodiversité mondiale. La commission a naturellement émis un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » pour 2019, mais elle a souhaité formuler plusieurs propositions afin d'accompagner l'action résolue du Gouvernement dans ce domaine.

Il ressort de mes travaux que la lutte contre l'effondrement de la biodiversité mondiale est, à n'en pas douter, l'un des objectifs de la politique étrangère de notre pays. La France oeuvre avec détermination pour sortir cette problématique de l'indifférence collective, avec comme objectif ultime l'élaboration d'un cadre international audacieux et opérationnel à même de permettre la préservation et la reconquête de la biodiversité. L'objectif diplomatique de la France est simple mais colossal : réussir sur cette question du climat que nous sommes parvenus à porter, avec succès, en 2015 lors de la signature de l'accord de Paris.

Les rendez-vous internationaux sur cette thématique seront nombreux entre 2019 et 2020. Il est impératif que notre diplomatie soit prête pour peser de tout son poids à l'occasion de ces différents événements. Signe de notre détermination à agir, la France a accepté d'accueillir deux rendez-vous cruciaux. Tout d'abord, Paris accueillera, en 2019, la septième conférence plénière de l'IPBES, une plateforme internationale regroupant un panel de chercheurs spécialistes des questions liées à la biodiversité. Ensuite, Marseille accueillera, en 2020, le Congrès mondial de la nature – je salue au passage mon collègue et ami Saïd Ahamada. C'est à cette occasion que la société civile pourra cristalliser ses attentes à l'égard de la communauté internationale, à quelques mois de la conférence des parties à la convention des Nations unies sur la diversité biologique. Ce dernier événement, qui se déroulera à Pékin en 2020, sera le moment majeur de cette séquence diplomatique, puisque c'est dans le cadre de cette COP qu'un nouveau cadre international devrait être adopté en faveur de la protection de la nature.

Pour atteindre cet objectif ambitieux, il me paraît indispensable que notre réseau diplomatique soit encore plus fortement mis sous tension. Une présence renforcée d'agents du ministère de la transition écologique et solidaire dans les différentes ambassades pourrait, par exemple, permettre une meilleure diffusion de ces enjeux et dynamiser notre action diplomatique sur cette thématique.

Les questions touchant la biodiversité ne relèvent pas uniquement de problématiques environnementales, mais ont également des implications économiques, sécuritaires et plus globalement géopolitiques. Notre politique extérieure doit donc pleinement s'emparer de ces différents sujets.

Je tiens par exemple à souligner les effets extrêmement négatifs du trafic illégal d'espèces sauvages sur la biodiversité mondiale. Il s'agirait aujourd'hui du quatrième trafic le plus important au monde, ses bénéfices étant estimés, à l'échelle mondiale, entre 8 et 20 milliards de dollars par an environ. Ces flux illicites participent à la destruction de la nature et apportent en même temps des revenus colossaux à des groupes criminels ou terroristes. S'il existe aujourd'hui une vaste gamme de dispositifs régionaux ou internationaux permettant de lutter efficacement contre ce trafic, il est un secteur dans lequel une marge de progression me semble possible : c'est le transport maritime. En 2017, parmi les onze saisies majeures opérées en France s'agissant du trafic d'ivoire, cinq concernaient le vecteur maritime. Or, pour l'Organisation maritime internationale, il n'existe pas d'équivalent au protocole d'accord liant le secrétariat de la convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction – CITES – à l'Association internationale du transport aérien. Je suggère donc que la France oeuvre à l'adoption d'un tel accord, afin de renforcer la lutte contre le braconnage et le commerce illégal d'espèces sauvages.

Notre diplomatie environnementale se met progressivement en ordre de bataille pour promouvoir l'émergence d'une gouvernance mondiale au profit de la préservation et de la reconquête de la biodiversité. Le présent budget lui donne les moyens d'agir. Il faudra maintenant faire preuve d'audace et de volontarisme politique pour entraîner dernière nous l'ensemble de la communauté internationale dans ce combat pour la protection de la nature et la survie de l'espèce humaine.

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